PARIS : Films d'horreur, animation japonaise, animaux... Les plateformes de streaming de niche se multiplient sur la toile, misant sur des communautés de passionnés et l'évolution des usages, accélérée par la pandémie, pour s'installer en complément des "supermarchés" Netflix et Amazon.
Depuis cette semaine, les fans de faits divers peuvent accéder, moyennant 5,99 euros par mois, aux quelque 70 heures de contenus de la nouvelle offre de vidéo sur abonnement (svod) Scène de crime TV.
Au menu, séries documentaires de Phare Ouest, la société de production d'Arnaud Poivre d'Arvor et Sébastien Brunaud, à l'origine du projet, comme "Non Elucidé", "Indices", "Enquêtes chrono" (diffusées sur RMC Story), mais aussi des créations originales, notamment des témoignages de policiers, d'avocats pénalistes, etc., et des contenus étrangers.
De quoi séduire "50 000 abonnés" en un an, espèrent les deux producteurs, dont l'offre est distribuée par la plateforme française Alchimie, spécialisée dans les chaînes thématiques.
C'est loin des millions d'abonnés de Netflix et consorts, mais une base de "20 000 à 30 000" suffirait à "l'équilibre" financier de la plateforme, qui s'ajoute aux nombreuses nouveautés lancées ces derniers mois en France, de Hayu (téléralité américaine) à Petrevolution TV (pour les amoureux des animaux).
Rien qu'en avril 2020, l'Hexagone comptait déjà 78 services de svod actifs, généralistes et thématiques, selon un rapport publié en mars par le CSA et la Hadopi.
Si Netflix concentrait en janvier la majorité (68%) des usages de leurs 8,3 millions d'utilisateurs quotidiens -- un chiffre quasiment doublé depuis 2019 -- devant Mycanal (12%), Amazon Prime video (11%) et Disney+ (5%), "il y a de la place" pour des acteurs plus confidentiels et spécialisés.
En témoignent, selon le tandem de Phare Ouest, les pratiques des Américains, qui "ont généralement entre un et deux abonnements aux plateformes généralistes et entre deux et trois à des plateformes thématiques".
Mais aussi le succès, dans l'Hexagone, d'offres comme "Cultivons-nous", autre chaîne d'Alchimie, co-éditée par le réalisateur Edouard Bergeon et parrainée par Guillaume Canet, dont les contenus sur le monde paysan ont déjà séduit "60 000 abonnés".
"Il y a encore de la marge", estime Philippe Bailly, patron du cabinet NPA Conseil, spécialisé dans les médias. "Aujourd'hui on compte un peu moins de deux services par foyer abonné, on peut monter à 2,5, 2,6" d'ici à "fin 2023", anticipe-t-il, sans prédire à qui cela profitera.
«Engagement important»
Attention à garder des prix compétitifs, la dépense des abonnés à une ou plusieurs plateformes s'élevant à 15 euros par mois en moyenne, selon le CSA et la Hadopi.
Mais aussi à trouver "un positionnement éditorial suffisamment fort", selon Philippe Bailly.
Pour Aurélien Clerc, co-fondateur et directeur général de la start-up VOD Factory, qui édite des offres ultra-thématiques comme Shadowz (films d'horreur), la clé du succès réside dans la communauté visée.
Celle-ci doit notamment "avoir un niveau d'engagement hyper important", à l'instar des fans d'animation japonaise, friands de la plateforme ADN (Anime digital network) lancée en 2013, qui revendique 300 000 abonnés.
Elle se recrute ainsi plus facilement sur les réseaux sociaux, comme l'ont compris les producteurs de Scène de crime TV, s'appuyant par exemple sur une interview donnée à la youtubeuse et psycho-criminologue Sonya Lwu.
Pour Philippe Bailly, se pose quand même la question des "leviers marketing", là où "hier" les chaînes de télévision thématiques "étaient assez naturellement embarquées par les grand distributeurs Canal, Orange, etc."
VOD Factory s'est ainsi récemment associé à la TV d'Orange pour distribuer une dizaine d'offres, et Alchimie à l'innovante plateforme américaine Struum, qui donne accès à de nombreuses offres de niches via un abonnement unique.
Les éditeurs peuvent aussi s'appuyer sur la plateforme du géant Amazon via sa fonction Prime Video Channels, à l'instar du groupe audiovisuel Mediawan, qui vient d'y lancer Kitchen Mania, une offre de streaming dédiée à la cuisine (1,99 euro par mois).
Le boom des services de niche "redonne" dans tous les cas "beaucoup de place à la créativité", souligne M. Bailly.