PARIS: Le Sénat a entamé lundi l'examen en première lecture du vaste projet de loi climat, qui trace "le chemin d'une écologie qui frappe à la porte des Français", selon la ministre Barbara Pompili, mais est critiqué pour son manque d'ambition et jugé "inabouti" par l'opposition de droite qui domine la chambre haute.
Près de 700 amendements adoptés en commission, plus de 2 000 déposés en séance publique: les sénateurs s'engagent dans une course de fond jusqu'au vote le 29 juin sur l'ensemble de ce texte inspiré des travaux de la Convention citoyenne (CCC) voulue par Emmanuel Macron.
Il traduit une partie des 146 propositions de la CCC retenues par le président, de la suppression de certaines lignes aériennes intérieures en cas d'alternatives de moins de 2h30 en train à l'interdiction de la mise en location des logements passoires thermiques en 2028.
Ce texte "propose un chemin", celui "d'une écologie qui frappe à la porte des Français, qui s'immisce dans nos quotidiens", a présenté la ministre de la Transition écologique, citant "notre économie, notre manière de travailler, notre habitat, notre alimentation, nos déplacements, notre éducation… tout !"
Mme Pompili a regretté plusieurs "reculs" actés par les sénateurs en commission, notamment sur les zones à faibles émissions (ZFE).
Au contraire, les rapporteurs du Sénat ont critiqué, à l'instar de Marta de Cidrac (LR), un texte "intéressant mais souvent inabouti et souvent en trompe l'œil".
"Nous avons répondu présent où l'on ne nous attendait pas forcément", a complété le centriste Pascal Martin, tandis que la présidente de la commission des Affaires économiques Sophie Primas (LR) vantait un texte "plus ambitieux, plus opérationnel" que celui sorti de l'Assemblée nationale et "un juste équilibre entre préoccupations environnementales, économiques et sociales".
Le texte devait permettre à la France d'atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés en application de l'Accord de Paris (réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% d'ici 2030 par rapport à 1990, neutralité carbone d'ici 2050). Des objectifs revus à la hausse en avril au niveau européen (réduction d'au moins 55% en 2030).
Mais les écologistes comme plusieurs instances telles le Haut Conseil pour le climat (HCC) ou le Conseil économique, social et environnemental (Cese) jugent que le compte n'y est pas.
"Nous avons 15 jours pour changer en profondeur ce projet de loi et montrer que la France est aujourd'hui un pays moteur de l'accord de Paris", a déclaré l'écologiste Ronan Dantec, dont le groupe porte un projet alternatif d'"une vraie loi climat".
Le Sénat a marqué le coup en adoptant à l'unanimité moins deux abstentions un premier amendement pour créer un article préliminaire, selon lequel la France s'engage à respecter l'objectif en cours de révision au niveau européen.
La ministre a donné un avis de "sagesse", jugeant la disposition "tautologique" et "relevant du symbole".
Plusieurs articles ont été réécrits en commission, par exemple pour déployer plus rapidement l'affichage environnemental.
L'article créant le délit d'"écocide" a été "clarifié". Mais le terme même d'"écocide", auquel tient le gouvernement, a été abandonné, pour le réserver au droit international.
Le volet rénovation énergétique des logements a été enrichi, avec notamment la disparition programmée des logements de classe D en 2048.
Parmi les autres mesures notables adoptées en commission: coup de pouce à la vente en vrac, baisse du taux de TVA à 5,5% pour les billets de train, création d'un chèque alimentaire et nutritionnel...
L'écotaxe régionale pour les poids lourds a, elle, été mise entre parenthèses.
Une soixantaine d'amendements ont été déposés par le gouvernement, dont une vingtaine pour défendre des "lignes rouges", que ce soit sur l'artificialisation des sols ou les engrais azotés.
Dans l'entourage de la ministre, on juge que les sénateurs "envoient des signaux contradictoires" et on prévient qu'un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire ne pourra pas se faire "au détriment de l'ambition écologique du texte".
A gauche, Marie-Claude Varaillas (CRCE à majorité communiste) a dénoncé un projet de loi qui "brise les promesses" de la CCC, Joël Bigot (PS) a regretté que la "justice sociale soit absente de ce texte".
Du côté des ONG, Pierre Cannet du WWF France note "de bonnes surprises" sur la publicité, mais déplore le "détricotage" de mesures comme les menus végétariens à la cantine. Pour Greenpeace-France, malgré "quelques sujets améliorés", "l'écrasante majorité du texte reste loin de l'ambition nécessaire pour répondre à l'urgence climatique".
Le texte doit être validé définitivement fin 2021 et être complété par un volet constitutionnel afin d'inscrire le climat dans la Loi fondamentale.