KHARTOUM: Le Soudan a écarté mardi une reconnaissance d'Israël avant des élections en 2022, lors d'une visite du secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo qui tente de convaincre des pays arabes normaliser leurs relations avec l'Etat hébreu à l'instar des Emirats arabes unis.
M. Pompeo effectue à Khartoum la première visite d'un chef de la diplomatie américaine en 15 ans.
Le Soudan est, après Israël, la deuxième étape de sa tournée au Moyen-Orient qui doit encore le mener à Bahreïn et aux Emirats.
M. Pompeo est arrivé dans la capitale soudanaise, où les mesures de sécurité ont été renforcées, à bord du « premier vol officiel direct » entre Tel-Aviv et Khartoum, les deux pays n'ayant jamais entretenu de relations diplomatiques. Ils sont même techniquement en guerre et, durant les 30 ans de pouvoir d'Omar el-Béchir, déchu en 2019, le Soudan a accueilli des islamistes radicaux, dont le chef d'Al-Qaïda Oussama ben Laden de 1993 à 1996. C'est d'ailleurs pour punir le Soudan de ses mauvaises fréquentations que les Etats-Unis lui ont imposé des sanctions à partir des années 1990 et l'ont placé sur leur liste des pays soutenant le terrorisme.
M. Pompeo a rencontré à Khartoum le Premier ministre Abdallah Hamdok et le général Abdel Fattah al-Burhane, chef du Conseil souverain, qui supervise la transition vers un pouvoir civil.
« La phase de transition au Soudan est dirigée par une large coalition avec un agenda spécifique visant à achever le processus de transition et à instaurer la paix et la stabilité, jusqu’aux élections libres (en 2022). Le gouvernement de transition n'a pas de mandat au-delà de ces tâches pour décider de la normalisation avec Israël », a déclaré M. Hamdok, cité par le porte-parole du gouvernement.
« La nécessité de dissocier »
M. Hamdok a également tenu à souligner à son interlocuteur « la nécessité de dissocier la sortie du Soudan de la liste des pays soutenant le terrorisme de la question de la normalisation avec Israël », selon la même source.
« Le gouvernement actuel est un gouvernement de transition qui gouverne en vertu d'un document constitutionnel n'ayant pas de mandat » sur la question de la normalisation avec Israël, a affirmé de son côté un communiqué des Forces de la Liberté et du changement (FLC), une coalition des partis et de la société civile, qui avait dirigé la contestation contre Omar al-Béchir.
Après une dégradation des relations sous le pouvoir Béchir, les Etats-Unis ont appuyé les nouvelles autorités et renvoyé leur ambassadeur en janvier à Khartoum.
Celles-ci tentent de retirer le Soudan de la liste noire américaine afin de remettre sur les rails une économie en crise.
Les sanctions bloquent tout investissement dans le pays. L'inflation atteint 143% en glissement annuel et la monnaie ne cesse de se déprécier face au dollar, dans un contexte économique mondial fortement déprimé du fait de la pandémie de nouveau coronavirus.
A l'issue d'un entretien en février avec le général Burhane en Ouganda, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait affirmé avoir convenus « d'entamer une coopération qui normalisera les relations entre les deux pays ». Mais le gouvernement soudanais avait ensuite démenti que la question de la « normalisation » ait été abordée.
Preuve qu'un tel processus d'entente serait difficile: le porte-parole du ministère soudanais des Affaires étrangères, Haider Badawi, qui avait créé la surprise le 18 août en reconnaissant implicitement des contacts entre son pays et Israël, a été révoqué le lendemain par son ministre qui a démenti ses propos.
Et pour l’histoire, après la guerre des Six-Jours, qui a vu en 1967 Israël s'emparer notamment de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Gaza, c'est à Khartoum que la majeure partie des dirigeants arabes s'était réunie pour adopter la résolution connue pour ses « trois non »: non à la paix avec Israël, non à la reconnaissance d'Israël, non aux négociations avec l'Etat hébreu.