Covid-19 : les ravages du complotisme

Qu'il s'agisse des radicaux antimasques, antivaccins, des «platistes» ou des QAnon, ces communautés, qui ont entre elles de nombreuses passerelles, sont hermétiques au doute et à la remise en question. (Photo, AFP)
Qu'il s'agisse des radicaux antimasques, antivaccins, des «platistes» ou des QAnon, ces communautés, qui ont entre elles de nombreuses passerelles, sont hermétiques au doute et à la remise en question. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 17 mai 2021

Covid-19 : les ravages du complotisme

  • «Aujourd'hui cela me brise le coeur de penser que si j'en avais su plus à l'époque, j'aurais peut-être pu faire quelque chose»
  • Comment avouer que son oncle est un «platiste» ou que son mari ordonne à ses enfants de retirer leur masque sous peine de les renier ?

PARIS: Un jour, ils se sont retrouvés face à une personne inconnue. Un père, une mère, un ami, passés «de l'autre côté du miroir», dans un monde inaccessible de cabales et de conspirations. Le complotisme a brisé leur couple, leur famille, les laissant dans la stupeur et l'incompréhension.  

Certains le qualifient de «mal du siècle». D'autres de «miroir» d'une société en crise et en quête de récit. Le complotisme vit et prolifère dans le monde numérique d'internet et des réseaux sociaux, mais il touche des vies bien réelles et ses répercussions sont très concrètes.

C'est un forum sur le site communautaire américain Reddit. Son nom: QAnon Casualties («les victimes de QAnon»). Créé en juillet 2019, il compte aujourd'hui plus de 150 000 membres, anonymes désespérés dont des proches sont devenus des QAnon, cette mouvance d'extrémistes pro-Trump persuadés de lutter contre des élites pédophiles et satanistes, devenue un véritable phénomène de société aux Etats-Unis. Nombre de QAnon figuraient parmi la foule ayant attaqué le Capitole le 6 janvier.

Les témoignages, souvent déchirants, se suivent et se ressemblent. «Ce soir j'ai perdu ma mère», «QAnon et les antivax m'ont volé ma fille", «QAnon est-il plus fort que l'amour ?»... Ils racontent des gens aspirés dans le délire conspirationniste, radicalisés, méconnaissables.

«Ma mère détruit notre famille avec ses croyances folles, chaque jour cela empire, en particulier avec le confinement et le fait qu'elle passe de plus en plus de temps sur Twitter. Je crains de la perdre», écrit une internaute britannique.

«J'ai l'impression de me noyer», témoigne une femme en racontant que sa mère a préféré abandonner la maison familiale plutôt que de porter un masque. 

«Je n'ai pas fait attention lorsqu'elle a commencé à parler de tout ça, ça ne m'intéressait pas. Aujourd'hui cela me brise le coeur de penser que si j'en avais su plus à l'époque, j'aurais peut-être pu faire quelque chose», raconte un autre internaute.

«Logiciel explicatif»

Rares sont les personnes qui acceptent de témoigner ouvertement tant ces histoires sont douloureuses, incompréhensibles, voire honteuses. Comment avouer que son oncle est un «platiste» (ceux qui pensent que la terre est plate) ou que son mari ordonne à ses enfants de retirer leur masque sous peine de les renier ?

Comment comprendre, comme Yves, enseignant français à la retraite, qu'un vieil ami poste sur le groupe WhatsApp des copains que «la pandémie, c'est du bidon» ? «Je le connais depuis 50 ans, on a souvent eu des débats animés, mais jamais, jamais, jamais, on a eu une vision de la réalité aussi opposée», confie-t-il.

Le complotisme est partout et touche tout le monde. «Il y a les radicaux et les plus soft, vous, moi, tous ceux qui à un moment se disent: "on nous ment"», estime Marie Peltier, auteure de plusieurs livres sur le sujet.

«Le climat de défiance vis-à-vis des institutions, des médias, s'est diffusé dans toutes les sphères, universitaires, associatives, politiques», constate-t-elle, relevant trois grands marqueurs de l'histoire du complotisme au XXIe siècle: les attentats du 11 septembre 2001, gigantesque traumatisme collectif, »gros événement structurant pour le conspirationnisme contemporain»; le développement des réseaux sociaux; et «aujourd'hui, la Covid, qui agit comme un immense révélateur».

«Le conspirationnisme donne un logiciel explicatif, il désigne des héros, des coupables, c'est une grande partie de son succès», souligne-t-elle.

Dérive sectaire

«Ma mère, ça a été un long glissement sur des années et des années. Aujourd'hui, elle est totalement inaccessible. Elle est complètement passée de l'autre côté du miroir», raconte Paul (le prénom a été changé).

Ce libraire français de 48 ans narre avec sobriété l'histoire «toxique» de la lente bascule d'une mère qui, à la fin de l'été 2020, terrorisée par la perspective d'un deuxième confinement, a tout quitté pour rejoindre un de ces «gourous complotistes» proliférant sur les réseaux sociaux, un homme qui a acheté tout un village en Bulgarie pour une communauté de Français en rupture de ban.

Paul avait déjà coupé les ponts avec sa mère, «une femme profondément malheureuse et angoissée, révoltée, sur fond d'amertume et de déception». Mais il suivait de loin en loin son parcours.

«Elle vivait recluse, elle passait un temps incroyable sur internet, à chercher des réponses à sa rage contre l'injustice du monde. Elle s'abreuvait 24h sur 24 à Youtube, les chaînes des conspirationnistes étaient sa seule fenêtre sur le monde», raconte-t-il. «Le confinement, ça a été la cerise sur le gâteau, la Covid, la confirmation de toutes ses théories sur la fin du monde» et cela a déclenché son départ.

«Quand je pense à elle, je vois le cœur d'un réacteur nucléaire qui part en fusion et s'enfonce dans le sol». Paul s'est adressé à l'Unadfi, l'Union nationale française des Associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes.

L'Unadfi étudie les dérives sectaires depuis le début des années 80 et, pour sa porte-parole Pascale Duval, les processus d'adhésion aux théories du complot sont les mêmes: radicalisation, soumission à une communauté, emprise.

Le processus «mène à une triple rupture», explique-t-elle. «La personne change complètement ses valeurs, son identité, pour marquer son adhésion à la communauté. Elle se coupe de son environnement d'origine, il n'y a plus de dialogue possible. Et enfin elle rompt avec la société.»

«Facteur politique»

Qu'il s'agisse des radicaux antimasques, antivaccins, des «platistes» ou des QAnon, ces communautés, qui ont entre elles de nombreuses passerelles, sont hermétiques au doute et à la remise en question. Ainsi, les QAnon se caractérisent par «la façon extrêmement agressive d'afficher leurs croyances et la déconnection avec ceux qui ne veulent pas les suivre dans leur terrier», selon Mike Rothschild, spécialiste américain de la mouvance.

L'aspect politique est essentiel, estime par ailleurs Marie Peltier. «Au début, on a beaucoup fait du complotisme une affaire farfelue ou rigolote. Mais ce sont des gens qui adhèrent à une vision du monde, à un récit» reprenant très souvent les antiennes antisémites et d'extrême droite ou adhérant à des «théories profondément réactionnaires, avec l'idée en filigrane que le progrès va nous détruire», relève-t-elle.

Pour Pascale Duval de l'Unadfi, «derrière chaque mouvement sectaire il y a un projet politique ou au moins sociétal». Elle cite en exemple la mouvance New Age, ses adeptes du développement personnel, yogistes, véganistes... qui constitue une porte d'entrée courante du complotisme.

Paul se remémore les révoltes de sa mère, d'extrême gauche dans les années 70 «à justifier les attentats des Brigades Rouges» et aujourd'hui plutôt d'extrême droite «avec Poutine en fond d'écran de son ordinateur» et membre d'une communauté dont le leader dénonce des «complots sionistes».

«Ce n'est pas parce qu'il y a des failles ou des souffrances personnelles qu'il n'y a pas de militantisme. Les parcours individuels s'agrègent dans une construction collective», insiste Marie Peltier. 

Et les adeptes du conspirationnisme peuvent passer du «militantisme de clavier», selon la formule du chercheur Tristan Mendes France, à l'acte. «Il y a différents degrés du passage à l'acte. Ne pas soumettre ses enfants à la vaccination obligatoire en est un, envahir le Capitole en est un autre», souligne Mme Duval.

Ce militantisme particulier ne souffre pas de débat contradictoire, pour la plus grande souffrance et incompréhension de ceux qui restent en dehors.

Et si certains conspirationnistes rompent avec leur communauté et «reviennent», il s'agit toujours d'un «long et douloureux processus», «rare jusqu'à présent», selon l'Américain Mike Rothshild, auteur d'un livre (non traduit) sur les plus célèbres théories conspirationnistes.


Agriculteurs: la Coordination rurale bloque toujours le port de Bordeaux

 La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
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  • La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place
  • Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine

BORDEAUX: La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais.

La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place.

Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine et auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.

Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour des paysans dans la rue, une mobilisation surtout marquée en fin de semaine par les actions des bonnets jaunes de la Coordination rurale.

A Bordeaux, ils bloquent ainsi les accès au port et au dépôt pétrolier DPA: des pneus, des câbles et un tracteur entravent l'entrée du site.

Sous une pluie battante, les agriculteurs s'abritent autour d'un feu et de deux barnums tanguant avec le vent. Une file de camions bloqués dont des camions citernes s'allonge aux abords.

Les manifestants ont tenté dans la matinée de joindre Annie Genevard, sans succès.

"On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [Michel Barnier, Premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles, (...), on ne veut pas un peu d'argent aujourd'hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent", a déclaré à l'AFP Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.

"Le temps est avec nous parce que quand il pleut on ne peut pas travailler dans les fermes, donc c'est très bien", a-t-elle lancé, alors qu'une pluie battante balaye la Gironde avec le passage de la tempête Caetano.

Plus au sud, dans les Landes, des agriculteurs de la CR40 occupent toujours une centrale d'achat Leclerc à Mont-de-Marsan mais les autorités leur ont donné jusqu'à vendredi inclus pour libérer les lieux, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Tassement du mouvement, avant une reprise 

La préfète du département a par ailleurs condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.

Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a redit que les agriculteurs avaient "parfaitement le droit de manifester", mais qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".

A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.

"Nous, on propose un pacte avec le consommateur, c'est-à-dire lui fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante et en contrepartie, le consommateur nous paye un prix correct", a souligné le président de la CR départementale, Paul Fritsch.

Les autorités constatent une "légère baisse" de la mobilisation à l'échelle du pays par rapport au début de la semaine, quand les syndicats majoritaires FNSEA et JA étaient aussi sur le terrain.

Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".

FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.

Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne organise aussi des actions ponctuelles, contre les traités de libre-échange ou les installations énergétiques sur les terres agricoles.


Les députés approuvent en commission l'abrogation de la réforme des retraites

L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
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  • La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.
  • La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation.

PARIS : La gauche a remporté mercredi une première victoire dans son offensive pour abroger la très décriée réforme des retraites : sa proposition de ramener l'âge de départ de 64 à 62 ans a été adoptée en commission des Affaires sociales, avant son arrivée dans l'hémicycle le 28 novembre.

Le texte, présenté par le groupe LFI dans le cadre de sa niche parlementaire, a été approuvé par 35 voix (celles de la gauche et du Rassemblement national), contre 16 (venues des rangs du centre et de la droite).

La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.

Le Rassemblement national, qui avait présenté une proposition similaire fin octobre, mais que la gauche n'avait pas soutenue, a voté pour le texte de La France insoumise. « C'est le même que le nôtre et nous, nous ne sommes pas sectaires », a argumenté le député Thomas Ménagé.

La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation : celle-ci est ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger également la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande.

Un amendement, présenté par les centristes du groupe Liot pour préserver la réforme Touraine, a été rejeté. Les socialistes, qui auraient préféré conserver cette réforme de 2013, ont décidé d'approuver le texte global malgré tout.

La gauche affirme qu'elle est en mesure de porter sa proposition d'abrogation jusqu'au bout : après l'examen du texte dans l'hémicycle la semaine prochaine, elle a déjà prévu de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat le 23 janvier, à l'occasion d'une niche communiste, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 février, cette fois dans un créneau dédié aux écologistes.

Les représentants de la coalition gouvernementale ont mis en garde contre un texte « pas sérieux » ou « irresponsable ».

« Il faut être honnête vis-à-vis des Français : si cette réforme des retraites est abrogée, certes ils pourront partir à 60 ans, mais avec une retraite beaucoup plus basse », a ainsi argumenté la députée macroniste Stéphanie Rist.


Censure du gouvernement : Le Pen fait monter la pression avant sa rencontre avec Barnier

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
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  • "Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure"
  • Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget

PARIS: Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si "le pouvoir d'achat des Français est amputé" dans le projet de budget 2025.

"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.

Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.

Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.

Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ?

"Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?", s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.

Les demandes de notre parti étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat", a-t-elle récapitulé. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Poker menteur 

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ?

"Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!", a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.

Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.