MOSCOU: La Russie a annoncé jeudi coup sur coup envoyer une équipe de cinéma pour tourner un film de fiction à bord de la Station spatiale internationale en octobre, avant de mettre un milliardaire japonais sur orbite en décembre.
Ces annonces interviennent alors que l'agence spatiale Roscosmos est à la peine depuis des années et tente de se relancer après des scandales de corruption et la concurrence de la société Space X d'Elon Musk.
Première annonce faite jeudi, celle d'envoyer vers l'ISS le milliardaire japonais Yusaku Maezawa et son assistant Yozo Hirano, chargé de documenter l'aventure. Le voyage se fera le 8 décembre à bord d'une fusée Soyouz.
« La durée du voyage spatial sera de 12 jours », a indiqué l'agence, précisant que l'entraînement de l'équipage commencerait en juin pour un vol prévu le 8 décembre.
« Je suis tellement curieux de ce qu'est la vie dans l'espace que j'ai prévu de la découvrir par moi-même et de la partager avec le monde sur ma chaîne YouTube », a commenté Yusaku Maezawa, 45 ans, dans un communiqué de Space Adventures, l'intermédiaire qui organise le voyage.
Roscosmos a en outre annoncé envoyer en octobre à bord de l'ISS l'actrice Ioulia Peressild, 36 ans, et le réalisateur Klim Chipenko, 37 ans.
Ils doivent y tourner « le premier film de fiction dans l'espace », une œuvre dont on ne connaît que le nom provisoire: « Le défi ».
Le film est coproduit par Dmitri Rogozine, le patron de Roscosmos, qui veut que la Russie soit la première à réaliser un tel projet, alors que la Nasa travaille elle avec Tom Cruise à ces mêmes fins. Le budget russe n'a pas été révélé.
EN BREF
Le milliardaire Yusaku Maezawa est un ancien rockeur ayant fait fortune dans le commerce en ligne et ayant acquis sa notoriété comme collectionneur d'art contemporain et passionné d'espace.
Homme d'affaires excentrique, fondateur du plus grand site de vente de mode en ligne du Japon, Yusaku Maezawa est, avec ses 1,9 milliard de dollars, la 30e personne la plus riche de son pays, selon le magazine économique Forbes.
Concurrence spatiale
L'annonce de la reprise des expéditions touristiques vers l'ISS avec le milliardaire japonais intervient alors que Moscou a perdu en 2020 le monopole des vols habités détenu depuis 2011 et la retraite du « Space Shuttle » américain.
Depuis mai 2020, les fusées et capsules de SpaceX sont en mesure d'envoyer des astronautes jusqu'à la station, décrochant les juteux contrats de la Nasa mais aussi européens.
Cela représente un manque à gagner de dizaines de millions de dollars par siège pour la Russie.
Roscosmos et Space Adventures avaient déjà collaboré entre 2001 et 2009 pour envoyer de richissimes entrepreneurs dans l'espace à huit reprises. Le dernier fut le fondateur du Cirque du Soleil, le Canadien Guy Laliberté.
L'excentrique milliardaire japonais qui lui succèdera a fait fortune dans le commerce en ligne.
Il cultive une passion de l'espace et un désir d'y séjourner. Il a même prévu d'emmener huit personnes pour l'accompagner dans un voyage autour de la Lune, prévu en 2023 avec la société aérospatiale d'Elon Musk.
Ni Space Adventures ni Roscosmos n'ont révélé la somme que Yusaku Maezawa va débourser pour réserver deux des trois sièges de la capsule Soyouz.
Selon le magazine spécialisé Forbes, très bien introduit dans l'entourage des milliardaires, un siège est facturé entre 20 et 35 millions de dollars pour huit à douze jours à bord de la station orbitale.
Cette manne est non négligeable, le budget de Roscosmos ayant fait l'objet de coupes sévères. Le secteur a aussi été longtemps gangréné par la corruption et souffre de la perte de contrats de lancement de satellites.
Outre le tourisme spatial et le cinéma, le patron de Roscosmos, Dmitri Rogozine a promis de relancer son pays avec une série d'ambitieux projets.
Les derniers en date sont d'abandonner à l'horizon 2025 l'ISS, en fin de vie, pour bâtir, comme à l'époque soviétique, une station spatiale strictement russe.
Moscou et Pékin ont en outre signé un protocole d'accord pour construire une station en orbite voire même sur la Lune, la Russie ayant décidé de claquer la porte d'un projet lunaire de Washington jugé trop américano-centré.
Mais aucun de ces projets n'ont de budget ni de calendrier précis.
Le président Vladimir Poutine a lui ordonné en avril un passage en revue des projets en cours, arguant le jour du 60e anniversaire du premier vol dans l'espace de Iouri Gagarine que la Russie devait rester une grande puissance spatiale.