PARIS: La mission d'inspection diligentée après le féminicide de Mérignac (Gironde) a pointé « une suite de défaillances » dans le suivi du conjoint violent et récidiviste, dans un rapport d'étape cité mercredi par les ministères de la Justice et de l'Intérieur.
La semaine dernière, dans cette ville située près de Bordeaux, un homme condamné pour violences conjugales à une peine de prison aménagée, avait tiré plusieurs coups de feu sur sa femme, avant de la brûler vive en pleine rue. Ce meurtre a suscité une vive émotion.
Les ministères de la Justice et de l'Intérieur avaient déclenché aussitôt une mission d'inspection pour étudier, notamment, les conditions de remise en liberté et de suivi de cet homme.
Le rapport d'étape de la mission « révèle une suite de défaillances qui peut être reprochée à différents acteurs dans la communication et la coordination entre les services », ont annoncé les ministères dans un communiqué. Ils ajoutent que le rapport définitif, qui proposera des mesures pour « y remédier », « devrait être remis le 10 juin » et rendu public.
La mission devra déterminer si ces dysfonctionnements ont eu lieu « entre les différents services, ou à l'intérieur des services, ou s’il y a des responsabilités individuelles », a précisé une source gouvernementale.
Gérald Darmanin a ainsi annoncé dans l'après-midi qu'il proposerait avec Marlène Schiappa, lundi au Premier ministre, la « création d'un fichier » sur le sujet des violences intrafamiliales.
Ce fichier aura pour but « d'assurer le recensement des incidents et les mesures prises » en cas de violences. « Il permettra à chaque intervenant (forces de l’ordre, justice, préfet) de disposer de la totalité de l’historique » d'un dossier « pour décider des actions à engager », a précisé l'entourage du ministre.
Un casier judiciaire chargé
Le mardi 4 mai à Mérignac, Mounir B., 44 ans, déjà emprisonné pour violences conjugales en 2020, a poursuivi dans la rue sa femme, Chahinez, 31 ans, mère de trois enfants. Il lui a tiré plusieurs coups de feu dans les jambes, avant de l'asperger d'un liquide inflammable alors qu'elle était encore en vie et de l'enflammer.
Il a ensuite incendié le domicile de la victime.
L'homme, qui a la double nationalité franco-algérienne, avait un casier judiciaire chargé. En juin 2020, il avait été condamné à un an et demi de prison, dont 9 mois avec sursis, pour « violences volontaires par conjoint » en récidive, sur son épouse.
Il avait été remis en liberté en décembre avec, entre autres, l'interdiction d'entrer en contact avec sa femme, condition qu'il n'avait pas respectée. Elle avait porté plainte mi-mars au commissariat de Mérignac pour une nouvelle agression. Mais l'homme, recherché, était resté « introuvable », selon les autorités.
Or il s'est ensuite présenté deux fois aux convocations de l'administration pénitentiaire, sans être inquiété.
La victime n'était pas non plus équipée d'un téléphone grave danger, qui permet aux femmes d'appeler à tout moment les secours via une touche dédiée.
L'homme n'était par ailleurs pas équipé d'un bracelet électronique anti-rapprochement, un dispositif introduit en France en octobre dernier.
Ces bracelets « n'ont pas vocation à rester dans les tiroirs », avait déclaré Eric Dupond-Moretti après le meurtre de Mérignac. Les 1 000 bracelets dont dispose le ministère peinent à être utilisés par les juridictions, et seuls 45 hommes en étaient équipés début mai.
« Ce drame et cette inspection des services doivent permettre une concertation entre les administrations, les associations et le Barreau », a réagi Me Solène Roquain-Bardet, qui était l'avocate de Chahinez depuis février dernier.
Coté police, Eric Marrocq, secrétaire régional Nouvelle-Aquitaine du syndicat Alliance, a indiqué n'être « pas surpris » par les conclusions du rapport d'étape, en soulignant que si les enquêteurs ont des « contacts » avec l'administration judiciaire, « il n’y a pas une réelle coopération » qui permette de leur faire redescendre toutes les informations.
De son côté, l'Union syndicale des magistrats a rappelé dans un communiqué son soutien aux magistrats bordelais et redit qu'ils « travaillent tout comme la police et les services d’insertion, dans un contexte d'urgence et de manque de moyens permanent, qui ne peut être ignoré de l'inspection et du gouvernement ».