ROUEN: Les bracelets anti-rapprochements "n'ont pas vocation à rester dans les tiroirs", a déclaré vendredi le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, quelques jours après le féminicide de Mérignac et les questions qu'il soulève en termes de suivi des conjoints violents.
"Je le rappellerai à nos magistrats dans les heures qui viennent", a-t-il ajouté, lors d'un point presse après une visite au tribunal judiciaire de Rouen sur le thème des violences conjugales. Une circulaire devrait être envoyée.
La Chancellerie dispose de 1 000 bracelets anti-rapprochement, mais les juridictions peinent pour l'instant à s'en saisir. Depuis leur lancement en octobre, seuls 76 ont été "prescrits", et 45 hommes en sont en ce moment équipés, selon des chiffres du ministère datant du 3 mai.
Le dispositif, qui a fait ses preuves en Espagne, fait partie des mesures mises en place pour tenter d'enrayer la progression des féminicides (90 en 2020, après 146 en 2019).
Le bracelet électronique s'accroche à la cheville et permet de géolocaliser les conjoints ou ex-conjoints violents. Un système d'alerte se déclenche lorsque ces derniers s'approchent trop de la victime, qui garde toujours un boîtier avec elle, et les autorités sont immédiatement prévenues.
Mardi à Mérignac, près de Bordeaux, un homme qui purgeait une peine de prison aménagée pour violences conjugales, et qui avait interdiction de s'approcher de sa femme (mais n'était pas équipé d'un bracelet), a tiré sur elle avant de la brûler vive, en pleine rue.
Le ministère de la Justice et de l'Intérieur ont annoncé jeudi une mission d'inspection commune. Il s'agit de savoir "exactement si l'institution judiciaire, en ce qui me concerne, a failli ou non", a précisé Eric Dupond-Moretti vendredi.
"Si c'est une réponse positive qui m'est apportée, je veux vous dire de façon solennelle que je n'aurai pas la main qui tremble", a-t-il ajouté.
La mission, qui doit rendre ses premières conclusions mardi, devra faire la lumière sur les failles manifestes de cette affaire.
L'homme, au casier judiciaire chargé, avait été condamné en juin 2020 à un an et demi de prison, dont 9 mois avec sursis, pour violences conjugales.
Il avait été remis en liberté en décembre, sous plusieurs conditions, dont l'interdiction d'entrer en contact avec sa femme, condition qu'il n'avait pas respectée. Elle avait porté plainte mi-mars pour une nouvelle agression. Recherché, l'homme était resté "introuvable" selon les forces de l'ordre.
Il s'était pourtant ensuite présenté deux fois aux convocations de l'administration pénitentiaire, sans être inquiété.