BORDEAUX : Le gouvernement a lancé jeudi une mission d'inspection pour examiner comment une mère de trois enfants a pu être brûlée vive mardi près de Bordeaux par un mari violent qui avait été condamné et emprisonné il y a moins d'un an pour violences conjugales.
Les ministères de la Justice et de l'Intérieur ont déclenché une mission d'inspection qui devra notamment étudier les conditions de remise en liberté et le suivi de l'homme qui purgeait une peine de prison avec sursis, ont annoncé le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et la ministre déléguée à Citoyenneté Marlène Schiappa dans un communiqué conjoint.
Cette mission qui devra rendre ses premières conclusions le 11 mai, devra "vérifier les modalités de mise en œuvre de la mesure de sursis probatoire dont le mis en cause a fait l’objet", "examiner si cette prise en charge a été correctement effectuée et suivie" et "analyser les suites réservées à la plainte du 16 mars 2021 déposée par la victime", détaillent les ministères.
Mardi vers 18H10, dans une rue tranquille de Mérignac, Mounir B., 44 ans, déjà emprisonné pour violences conjugales en 2020, a poursuivi sa femme qu'il guettait depuis le matin. Il lui a tiré plusieurs coups de feu dans les jambes puis l'a aspergée d'un liquide inflammable alors qu'elle était encore en vie et l'a immolée par le feu.
L'homme a ensuite incendié le domicile de son épouse avant d'être interpellé une demi-heure plus tard et placé en garde à vue.
Sept condamnations à son casier
Avec déjà sept condamnations à son actif (conduites en état d'ivresse, violences avec usage d'arme, violences conjugales), l'homme, maçon en CDI, a expliqué aux enquêteurs qu'il était "convaincu que son épouse avait un amant", a dit devant la presse la procureure de Bordeaux Frédérique Porterie.
Le suspect, sur lequel n'a été trouvée "aucune trace d'alcool ou de stupéfiant", a dit vouloir "la punir sans la tuer" et "brûler un peu sa femme pour lui laisser des marques", a-t-elle ajouté.
Selon le parquet, il "était porteur d'un fusil de calibre 12, d'un pistolet à gaz et d'une ceinture de cartouches", des armes qu'il a affirmé avoir trouvées auprès de "clandestins croisés en ville", a raconté Mme Porterie.
Le 25 juin 2020 à Bordeaux, Mounir B. avait été condamné à 18 mois de prison dont neuf avec sursis pour "violences volontaires par conjoint" en récidive, sur la même victime.
L'homme à la double nationalité franco-algérienne avait obtenu à compter du 5 octobre une mesure de placement extérieur spécifique pour les auteurs de violences conjugales. Libéré le 9 décembre 2020, "il était depuis suivi par le service pénitentiaire d'insertion et de probation de la Gironde", avait détaillé le parquet mercredi soir, soulignant que cette mesure "comprenait notamment une obligation de soins, l'interdiction d'entrer en contact avec la victime et l'interdiction de paraître à son domicile".
Il s'est rendu aux quatre convocations du conseiller d'insertion et de probation mais avait admis avoir contacté son épouse malgré les interdictions, a détaillé la procureure.
A la mi-mars, Chahinez avait porté plainte au commissariat de Mérignac contre son conjoint pour une nouvelle agression. Mais l'homme, recherché par la police, était "introuvable". Ce sont les suites apportées à cette plainte qui seront notamment examinées par la mission d'inspection, alors que Mme Porterie a souligné qu'à ce jour, l'enquête était "toujours en cours".
L'homme, mutique devant les enquêteurs depuis mercredi midi, doit être déféré devant un juge en vue d'une mise en examen pour homicide volontaire par conjoint, destruction volontaire par incendie et violences sans ITT avec armes en récidive légale, un dernier point lié au fait qu'il a menacé un voisin qui tentait de porter secours à la victime.
Après les déclarations de responsables politiques de tous bords appelant le gouvernement à la fermeté, la ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa, est venue jeudi au commissariat de Mérignac apporter son "soutien" aux policiers intervenus le jour du drame.
Elle a appelé à "un réveil de toute la société". "Je n'accepte pas qu'il y ait encore des hommes qui considèrent qu'ils ont droit de vie et de mort sur leur femme ou sur leur ex-femme", a-t-elle déclaré à la presse après une réunion à la Préfecture.
"Cela fait des années que je tire la sonnette d'alarme sur les violences conjugales, sur les féminicides", a-t-elle ajouté soulignant qu'"il y a chaque semaine 400 interventions de police et gendarmerie sur des violences intrafamiliales et conjugales".