MADRID: Un vent de liberté s'est levé dimanche avec la fin de l'état d'urgence sanitaire en Espagne, où les habitants ont pu enfin sortir de leur région ou se rassembler dans la rue le soir.
Dans plusieurs villes du pays, cris, applaudissements et musique ont marqué, à 00H00 la fin de ce régime d'exception imposé depuis octobre et la levée dans la plupart des régions du couvre-feu. Des images de rassemblements sans distanciation sociale qui ont suscité la polémique.
« On dirait le Nouvel An », disait Oriol Corbella, 28 ans, sorti dans les rues de Barcelone (nord-est) comme des centaines de jeunes. « On retrouve un peu de normalité, de la liberté, mais il faut garder à l'esprit que le virus est encore présent », ajoutait-il.
A Madrid, la police municipale a réalisé « plus de 450 opérations » dans la nuit de samedi à dimanche pour non-respect des mesures sanitaires, a déploré le maire de la capitale José Luis Almeida.
Outre la fête, l'heure était aussi aux retrouvailles pour de nombreux Espagnols, qui n'avaient pas pu voir leurs proches depuis des mois.
Dans la capitale, Laura avait les larmes aux yeux à la gare d'Atocha en attendant des membres de sa famille venus de Castille-la-Manche (centre). « Ça fait huit mois qu'on ne les a pas vus, c'est beaucoup d'émotion », a expliqué cette femme de 45 ans.
A part à Noël où les restrictions avaient été assouplies durant quelques jours, les Espagnols n'ont pas pu quitter leur région depuis le début de l'état d'urgence fin octobre.
Casse-tête juridique
Vent de liberté pour les Espagnols, la levée de l'état d'urgence est en revanche un véritable casse-tête pour les régions, compétentes en matière de gestion de la crise sanitaire.
Car, grâce à l'état d'urgence, elles avaient pu imposer depuis octobre des couvre-feux et bloquer l'entrée ou la sortie de leur territoire sans avoir besoin de l'autorisation de la justice.
Si elle est synonyme de levée du couvre-feu et d'ouverture des régions, la fin de l'état d'urgence ne signifie toutefois pas la fin des restrictions dans l'un des pays les plus touchés en Europe par la pandémie avec près de 79 000 morts et 3,5 millions de cas.
Les 17 communautés autonomes peuvent, par exemple, toujours limiter les horaires ou la capacité d'accueil des bars, des restaurants ou des commerces.
Elles peuvent aussi demander le rétablissement d'un couvre-feu ou le bouclage de leur territoire mais ont désormais besoin pour cela de l'aval d'un tribunal.
Et c'est là que commence le casse-tête.
Si l'archipel touristique des Baléares a par exemple obtenu le feu vert pour conserver un couvre-feu, le Pays basque (nord) a vu sa demande rejetée par la justice.
Au début de l'automne, lorsque le régime d'exception n'était pas encore en place, des tribunaux avaient invalidé des mesures anti-Covid prises par des régions, créant la confusion et amenant le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez à décréter l'état d'urgence.
Plusieurs régions avaient mis la pression ces dernières semaines sur l'exécutif pour qu'il prolonge l'état d'urgence mais celui-ci a refusé, arguant qu'il ne pouvait faire durer indéfiniment un régime d'exception.
Il mettait en avant l'amélioration de la situation sanitaire et l'avancée du programme de vaccination.
Polémique et mise en garde
Les images de fêtes de rues improvisées ont été abondements commentés dans les médias et sur les réseaux sociaux, et vivement critiquées par l'opposition de droite.
« Nous passons de l'état d'urgence au chaos », a fustigé le chef du Parti Populaire (droite), Pablo Casado.
Alors que la météo est clémente, les autorités ont mis en garde la population, fatiguée par plus d'un an de restrictions, contre le risque d'un relâchement excessif.
Il faut éviter d'avoir « une fausse perception (...) Cela ne veut pas dire la fin des mesures de contrôle » de l'épidémie, a insisté jeudi l'épidémiologiste en chef du ministère de la Santé, Fernando Simon.
« Les gens doivent comprendre qu'ils doivent continuer à appliquer les mesures qui dépendent de chacun d'entre nous », a-t-il ajouté car « on ne peut rien exclure en termes d'évolution de la pandémie ».