IZMIR: Ali, un réfugié syrien qui vit en Turquie depuis 2013, a été accusé d'avoir «provoqué la haine et l'animosité du public». Son avocate, Meral Kaban, affirme à Arab News qu’«il n‘existe aucune preuve qu'il ait provoqué le public ou incité à la haine. Ses commentaires sont tout à fait conformes à la liberté d'expression. Pourtant, une autorité provinciale a rendu une décision d'expulsion et l'a transféré dans un centre de rétention».
Le 3 mai, Ali a partagé des images de la police utilisant des gaz lacrymogènes contre des membres de la Fondation Furkan ̶ un organisme islamiste qui a critiqué le gouvernement ̶ , qui priaient dans une mosquée de la province sud-est de Gaziantep.
«Cette scène ne s’est produite ni en Palestine ni à la mosquée Al-Aqsa. Savez-vous où cet incident désagréable a eu lieu? En Syrie, les soldats de Bachar al-Assad faisaient la même chose aux musulmans qui priaient dans les maisons de Dieu», a écrit Ali dans un tweet.
Dans le même fil de discussion, il a partagé des images d'un bus bondé se dirigeant vers un congrès organisé par le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir. «Mais, ce sera le cas si nous participons à un congrès de l'AKP», a-t-il commenté.
Une enquête a été ouverte, qui a également pris en compte les tweets précédents du réfugié syrien, dans lesquels il attirait l'attention sur le racisme auquel, selon lui, les réfugiés syriens font face en Turquie, et la décision d'expulsion a été rendue.
Ali, le seul soutien des membres de sa famille, notamment de sa mère malade, a été licencié. Il travaillait dans une entreprise de fabrication de chaussures, et a été conduit au centre de rétention Cigli à Izmir, selon Kaban.
Les professionnels de la santé ont critiqué les congrès du parti bondés de l'AKP, suggérant qu'ils étaient une cause majeure de la flambée des taux d'infection à la Covid-19 en Turquie, une affirmation que le ministre turc de la Santé, Fahrettin Koca, a jugé absurde, même si plusieurs responsables du parti ont contracté le virus à la suite de ces réunions.
Ali n’a pas été la seule personne indignée par le traitement que la police réserve aux fidèles de la mosquée de Gaziantep. En effet, des groupes islamistes et laïcs ont également exprimé leur colère. «Ceux qui ont laissé les gens se rassembler dans les stades, les transports publics et les usines, même pendant la période de confinement strict, ont empêché un petit groupe de prier dans une mosquée», a déclaré la fondation dans un communiqué.
Ali n’est pas le premier réfugié à subir la colère du gouvernement cette année. Une décision d’expulsion a été récemment rendue contre quatre réfugiés iraniens au motif qu’ils «ont agi contre l’ordre public», en se joignant aux manifestations nationales contre le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes.
Selon Kaban, ces décisions visent à dissuader les autres réfugiés de dénoncer les agissements du gouvernement turc. «Ali vit dans le même appartement depuis quatre ans. Il prenait soin de sa maman. Il n'y avait aucune justification à le placer dans le centre de rétention», explique-t-elle. «Toutes ces procédures et le procès prendront des mois, et il devra y rester jusque-là. Cette affaire est symbolique pour signaler à tous les autres réfugiés en Turquie qu’ils doivent garder leur liberté d'expression sous contrôle et s'autocensurer.»
Duygu Koksal, une avocate spécialisée dans les questions concernant de réfugiés, souligne pour Arab News qu’il est illégal d’enfermer des réfugiés syriens dans des centres de rétention, en particulier pendant la pandémie. «Les centres de rétention ne sont pas conçus pour détenir les personnes impliquées dans une enquête criminelle. L'expulsion de réfugiés syriens est également contraire aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, que la Turquie devrait respecter.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com