PARIS: Rien ne prédestinait Stéphanie Krymer à consacrer son temps et son énergie pour venir en aide aux étudiants libanais de la Cité universitaire de Paris. Directrice commerciale régie aguerrie, elle n'a aucun lien familial, professionnel ou affectif avec le Liban. Par un pur ̶ et heureux ̶ hasard, elle a eu vent des difficultés rencontrées par ces étudiants.
Bercée dans un univers bienveillant et altruiste avec un père médecin du monde, elle a mis en place depuis le mois de février des initiatives solidaires au sein de la Maison du Liban. Arab News en français s'est entretenu avec Stéphanie Krymer pour mieux saisir l'importance et le sens de sa démarche.
Un acte désintéressé et salutaire
Au cœur du XIVe arrondissement de Paris, se niche la Cité universitaire, tout près du magnifique parc Montsouris. Univers fleuri composé de 40 maisons, accueillant chaque année 12 000 étudiants venus des quatre coins du monde. Le Liban, fervent pays francophone, y a bien entendu sa propre maison. La Maison du Liban fut inaugurée en 1965 par le président de la République libanaise, Charles Malek. Plus de 130 étudiants y résident chaque année. Leur vie a été chamboulée, comme l'ensemble des habitants de Paris, par la crise de la Covid-19.
Guidée par un fort sens de l'engagement, Stéphanie Krymer a été l'architecte d'une chaîne de solidarité visant à distribuer des gâteaux au personnel soignant de la ville de Saint-Cloud. Elle a su qu'une personne distribuait des gâteaux pour les étudiants libanais de la Cité universitaire de Paris. C'est ainsi qu'elle a eu l'idée de mettre en place une véritable chaîne solidaire au sein de la Maison du Liban, avec l'aide précieuse de sa fille Valentine, son mari Mathieu, ainsi que de son amie Eva, et de son mari Jean-Pierre.
«En trois jours, on a monté un truc génial. On a d'abord appelé les restaurants libanais pour leur faire part de notre projet de distribuer de la nourriture aux étudiants libanais. On a fait aussi des courses en n’achetant que des produits libanais. On a ensuite eu l'autorisation du directeur de la Maison du Liban. La première distribution a eu lieu en février, et depuis, il y a une distribution mensuelle. Le 24 avril, il y a eu le premier repas solidaire. Rien n’aurait été possible sans la générosité des restaurateurs, des épiciers, des fournisseurs et importateurs libanais, des mamans libanaises, et des donateurs particuliers français, purement désintéressés», raconte-t-elle.
Stéphanie Krymer n'est pas libanaise. Mais son implication est sans commune mesure. Elle s'est ainsi familiarisée avec des produits populaires comme le Bonjus ou la barre chocolatée Unica, qui font office pour les Libanais de madeleine de Proust. Son leitmotiv est de propager du bonheur auprès d'étudiants qui font face à de nombreuses difficultés. «Ces jeunes sont victimes d’une triple peine. Ils ont souvent quitté leurs parents, alors qu'au Liban on reste beaucoup plus longtemps dans le domicile familial qu’en France. Ils arrivent pour la plupart dans une ville affectée par la Covid-19. Il y a surtout ce qui se passe au Liban. La situation dans le pays, et ses conséquences sur leur famille, les inquiètent forcément.»
Une ode à la douceur
Elle brosse un portrait mélioratif des étudiants libanais, tout en regrettant l'exode des cerveaux du pays du Cèdre. «J'ai rarement vu des personnes d'une telle dignité, d'une telle éducation et d'une telle gentillesse. J'ai un vrai coup de cœur pour ces jeunes. Je suis admirative. Ce qui me désole, c'est qu'en France, on ne parle jamais de ce qui se passe au Liban.»
Il se dégage des propos de Stéphanie Krymer une atmosphère bienveillante et chaleureuse. «Je veux leur apporter des moments de douceur. Je voudrais que leur vie à Paris soit la plus douce possible. Si mes enfants étaient à l'étranger, j'aimerais qu'ils puissent bénéficier du même traitement.»
Un lien fort s'est institué entre elle et les étudiants. «L'urgence, c'est d'aider ces jeunes. Ils comptent véritablement pour moi. J'essaie de leur faciliter la vie, soit en leur trouvant des petits boulots, ou bien en les aidant à perfectionner leurs CV. Ce qui m'importe, ce sont toutes ces petites touches de bonheur.»
Stéphanie Krymer a un rêve ancien, celui de visiter le Liban et de skier dans ses montagnes blanches. Peut-être ne le sait-elle pas, mais dans chaque caza [district] du Liban, il y a une maison qui lui est reconnaissante.