BEYROUTH: Elle s’appelle «maarouk de ramadan»: cette délicieuse pâtisserie que l’on déguste après le repas de rupture du jeûne vient d’Alep. Toutefois, depuis l’arrivée des réfugiés syriens au Liban, on la trouve dans les quartiers pauvres de Beyrouth.
À Nabaa, un bidonville de la banlieue nord de Beyrouth, Charifé, une boulangère libanaise, confectionne cette brioche du ramadan. La recette lui a été révélée par un ouvrier alépin qui travaillait chez elle il y a dix ans.
Dès 17h30, les clients se pressent dans la boutique de cette femme brune d’une cinquantaine d’années au sourire avenant. Syriens, Libanais, musulmans et chrétiens se pressent pour savourer ses brioches dorées et chaudes.
«Jusqu’à l’année dernière, je confectionnais l’équivalent de 50 kilos de farine de maarouk par jour. Cette année, à cause de la crise, je n’en utilise que 20 kilos», raconte Charifé, qui prépare toutes sortes de manakichs dans sa boulangerie et qui, pendant le ramadan, ajoute cette succulente brioche à son menu.
«Dans ma boulangerie, le maarouk apporte un esprit de fête. Ceux que je confectionne sont les meilleurs de la région et, même s’ils sont un peu plus chers que ceux de mes concurrents, les clients sont de loin plus nombreux chez moi», déclare-t-elle avec fierté.
«Tout est dans le dosage des ingrédients: il faut de la farine, du lait, des œufs, du sucre, mais surtout du mahaleb», indique-t-elle. Le mahaleb est une épice aromatique tirée du noyau de cerise noire issue d'un arbre appelé cerise de Sainte-Lucie et que l’on utilise dans diverses recettes levantines.
Plusieurs artisans s’affairent dans la boulangerie de Charifé en fin d’après-midi, avant la rupture du jeûne. L’un découpe la pâte, l’autre l’étale, un autre encore la saupoudre de sucre, de sésame et de nigelle. Elle cuit ensuite au four durant une dizaine de minutes, devenant une belle brioche blonde que l’on l’asperge de sirop lorsqu’elle est bien chaude.
Son odeur capiteuse et sucrée rappelle les plus doux souvenirs d’enfance, que l’on soit né à Alep, à Beyrouth ou ailleurs.
Hélène est une Arménienne d’Alep. Réfugiée au Liban depuis le début de la guerre en Syrie, elle achète son maarouk de ramadan chez Charifé. «Je suis chrétienne, mais j’aime les traditions du ramadan. Chez Charifé, c’est aussi bon qu’à Alep. Je prendrai un maarouk tout chaud et, de retour à la maison, j’étalerai dessus du chocolat à tartiner. On peut aussi utiliser de la confiture, ou le déguster nature…», explique-t-elle.
«Sans le maarouk, le mois du ramadan n’a pas la même saveur», confie Omar, un réfugié syrien qui attend pour acheter sa brioche. Sélim, un Libanais qui habite Nabaa, estime pour sa part que «Charifé a instauré une tradition dans le quartier», ajoutant: «Sans son maarouk, le mois saint du ramadan n’est pas le même.»