« Plus rien n'est sacré » : le patrimoine du Tigré victime de la guerre

Des musulmans éthiopiens se tiennent à l'intérieur d'un mausolée endommagé de la mosquée al-Nejashi, l'une des plus anciennes d'Afrique et qui aurait été endommagée par les forces érythréennes / AFP
Des musulmans éthiopiens se tiennent à l'intérieur d'un mausolée endommagé de la mosquée al-Nejashi, l'une des plus anciennes d'Afrique et qui aurait été endommagée par les forces érythréennes / AFP
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Publié le Vendredi 30 avril 2021

« Plus rien n'est sacré » : le patrimoine du Tigré victime de la guerre

  • Fin novembre, les soldats éthiopiens et érythréens, en route vers la capitale régionale Mekele, ont pris d'assaut Negash
  • Cette dégradation du patrimoine pourrait être sans précédent, estime l'historien et expert de l'Ethiopie Eloi Ficquet

NEGASH : Hajj Siraj Mohammed prend soin depuis 50 ans de la vieille mosquée al-Nejashi, dans la région éthiopienne du Tigré, et y accueille les fidèles jusque dans la guerre et dans la famine. 

Lorsque le conflit au Tigré a débuté en novembre dernier, cet homme frêle de 78 ans fut le témoin de quelque chose qu'il n'aurait jamais pu imaginer: la mosquée, une des premières implantations de l'islam en Afrique, devint elle-même une cible. 

Fin novembre, les soldats éthiopiens et érythréens, en route vers la capitale régionale Mekele, ont pris d'assaut Negash, la localité du Tigré où se situe l'édifice. 

Tapis dans les toilettes, M. Siraj a écouté, horrifié, les tirs d'artillerie lourde qui s'abattaient sur ce site dont la construction a commencé au VIIe siècle.

Lorsqu'ils se sont tus, un trou béant éventrait l'emblématique dôme vert, un mur était fissuré et l'édifice religieux croulait sous les débris et la poussière. 

"Il ne s'agit pas que de nous, tous les musulmans à travers le monde ont été choqués par ce qu'il s'est passé", raconte le vieux gardien.

Le 4 novembre, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a envoyé l'armée fédérale au Tigré pour arrêter et désarmer les dirigeants du parti localement au pouvoir, le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qu'il accusait d'avoir attaqué des camps militaires fédéraux. 

Six mois plus tard, les témoignages de massacres, de viols et autres violences ont fait le tour du monde. 

Et, alors que la guerre s'éternise dans cette région de l'extrême nord de l'Ethiopie, les experts s'alarment du sort des lieux de culte, notamment des monastères et des célèbres églises creusées dans la roche.

« Sauver l'héritage » 

Alula Tesfay Asfha, chercheur en patrimoine et en planification urbaine à l'université japonaise de Tsukuba et natif du Tigré, éprouve une certaine gêne à appeler à la protection de cet héritage culturel quand la population tigréenne subit tant de souffrances. 

"Mais pour l'intérêt commun, en tant que part de l'histoire, le patrimoine est très important". 

En janvier, la radio-télévision officielle éthiopienne EBC a affirmé que la "junte" avait délibérément mis en danger ce patrimoine, affirmant notamment que les combattants pro-TPLF avaient creusé des tranchées près de la mosquée al-Nejashi. 

Mais des habitants ont déclaré que ces derniers avaient fui la zone bien avant l'arrivée des troupes pro-gouvernementales. Selon eux, des soldats érythréens ont en revanche pillé la mosquée.

Certains experts craignent que d'autres sites aient subi des dégâts similaires, voire plus importants. 

Wolbert Smidt, ethno-historien spécialiste du Tigré à l'université de Jena (Allemagne), a reçu des informations concernant des tirs et des bombardements au monastère de Debre Damo, situé au nord de la ville d'Adigrat et datant du VIe siècle après J.C.

En janvier, plus de vingt chercheurs se sont inquiétés du sort de Debre Damo dans une lettre ouverte appelant à "sauver l'héritage culturel du Tigré". 

"Il ne fait aucun doute que le conflit cause d'importants dégâts. (...) Mais puisque de nombreuses lignes de communications sont toujours coupées et que l'information provenant de la région est très limitée, il est difficile d'établir l'étendue réelle des pertes", écrivaient-ils. 

Règle brisée

Ailleurs au Tigré, des sites religieux ont été le théâtre de scènes d'horreur. 

A Dengolat, fin novembre, des centaines d'habitants se sont réfugiés au cours d'un massacre dans une église orthodoxe vieille de plusieurs siècles, mais les assaillants, des soldats érythréens, ont menacé de la bombarder pour les faire ressortir, ont raconté des survivants.

Au même moment, des soldats érythréens tuaient des centaines de civils à Aksoum, ville millénaire sacrée pour les chrétiens orthodoxes éthiopiens et classée au patrimoine mondial de l'Unesco, où de nombreux croyants s'étaient rassemblés pour une fête religieuse. 

Ces violences ont fait voler en éclat la règle immémoriale selon laquelle les églises éthiopiennes sont considérées comme "une sorte de monde parallèle" où "la protection est absolue", même en temps de guerre, note M. Smidt. 

"Mais maintenant le message semble être (...): nous n'attaquons pas les dirigeants, nous attaquons la société. Il n'y a plus d'endroits sacrés, plus de refuges, plus de moyens de fuir la guerre", ajoute-t-il.

Autre exemple, l'attaque de l'église de Ligat Kirkos, un édifice récent construit près de la frontière avec l'Erythrée, témoigne probablement d'une volonté des soldats érythréens de nuire au développement de cette zone longtemps disputée, souligne M. Alula.

M. Abiy, lauréat du prix Nobel de la paix en 2019, a affirmé que l'objectif de l'intervention militaire était uniquement d'arrêter et de désarmer les leaders du TPLF. 

« Une couche d'histoire »

Cette dégradation du patrimoine pourrait être sans précédent, estime l'historien et expert de l'Ethiopie Eloi Ficquet. 

Selon lui, sa réhabilitation ne se limitera pas à reconstruire les sites, il faudra aussi réparer les liens entre l'Etat et la population. 

"Si la reconstruction n'était que matérielle, seulement destinée aux touristes, ce serait irrespectueux envers la nature-même de ce patrimoine", explique-t-il. "Le patrimoine n'a pas de valeur sans les communautés humaines qui y sont liées".

De son côté, M. Alula, le chercheur tigréen basé au Japon, dit puiser de l'espoir dans l'idée que les lieux du patrimoine ne peuvent jamais être totalement éradiqués.  

"Si vous les détruisez, vous leur ajoutez juste une couche d'histoire supplémentaire", se console-t-il. 


Londres: manifestation propalestinienne à la veille de la trêve à Gaza

Des manifestants et des contre-manifestants se rassemblent à Whitehall, dans le centre de Londres, lors d'une manifestation nationale pour la Palestine, le 18 janvier 2025. (Photo BENJAMIN CREMEL / AFP)
Des manifestants et des contre-manifestants se rassemblent à Whitehall, dans le centre de Londres, lors d'une manifestation nationale pour la Palestine, le 18 janvier 2025. (Photo BENJAMIN CREMEL / AFP)
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  • des milliers de manifestants propalestiniens se sont rassemblés dans le centre de Londres samedi, à la veille de l'entrée en vigueur de la trêve conclue entre Israël et le Hamas, espérant plus qu'un « répit temporaire ».
  • Les participants ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Arrêtez d'armer Israël » ou « Gaza, arrêtez le massacre ». Certains ont chanté : « De la rivière à la mer, la Palestine sera libérée. »

LONDRES : Il faut continuer à « mettre la pression » : des milliers de manifestants propalestiniens se sont rassemblés dans le centre de Londres samedi, à la veille de l'entrée en vigueur de la trêve conclue entre Israël et le Hamas, espérant plus qu'un « répit temporaire ».

« Nous voulons être optimistes » concernant ce cessez-le-feu, et « nous devons être dans la rue pour nous assurer qu'il tienne », affirme à l'AFP Sophie Mason, une Londonienne de 50 ans, habituée des manifestations propalestiniennes dans la capitale britannique.

La trêve, qui doit débuter dimanche matin, prévoit la libération d'otages israéliens aux mains du Hamas et de prisonniers palestiniens détenus par Israël, un retrait israélien des zones densément peuplées de Gaza, ainsi qu'une augmentation de l'aide humanitaire.

La marche prévue s'est transformée en un rassemblement statique sur Whitehall, la grande avenue du quartier des ministères, la police ayant rejeté le parcours proposé par le mouvement Palestine Solidarity Campaign, car il passait trop près d'une synagogue.

La police, présente en masse, a annoncé sur X avoir arrêté en fin d'après-midi « entre 20 et 30 manifestants » qui étaient sortis du périmètre autorisé, après avoir déjà procédé à sept autres arrestations un peu plus tôt.

Les participants ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Arrêtez d'armer Israël » ou « Gaza, arrêtez le massacre ». Certains ont chanté : « De la rivière à la mer, la Palestine sera libérée. »

« Nous devons mettre la pression pour que ce cessez-le-feu soit respecté et que l'aide internationale arrive à Gaza », affirme Ben, syndicaliste de 36 ans, qui a refusé de donner son nom de famille.

Anisah Qausher, étudiante venue avec sa mère, estime quant à elle que le cessez-le-feu « arrive tard et il est insuffisant ». Si elle espère qu'il « apportera un répit temporaire », elle estime qu'il va falloir « faire beaucoup plus », évoquant le défi de la reconstruction de Gaza.

Selon elle, l'entrée de davantage d'aide humanitaire est « une victoire », mais « cela ne devrait pas être quelque chose soumis à autorisation ». C'est un droit », ajoute-t-elle.

Une manifestation rassemblant une centaine de personnes brandissant des drapeaux israéliens se tenait non loin de là.

L'attaque du 7 octobre a fait 1 210 morts côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 94 sont toujours otages à Gaza, dont 34 sont mortes selon l'armée.

Au moins 46 899 personnes, en majorité des civils, ont été tuées dans l'offensive israélienne à Gaza, selon les données du ministère de la Santé du Hamas jugées fiables par l'ONU.

Selon l'ONU, la guerre a provoqué un niveau de destructions « sans précédent dans l'histoire récente » dans le territoire palestinien assiégé.


En Espagne, une trentaine de personnes ont été blessées, dont plusieurs sont dans un état grave, dans un accident de télésiège

Drapeau de l'Espagne (Photo iStock)
Drapeau de l'Espagne (Photo iStock)
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  • « Nous sommes en train de parler de 30 à 35 blessés, graves, très graves ou moins graves », a déclaré Miguel Ángel Clavero, directeur des services d'urgence de la région d'Aragon, où se situe la station d'Astún, sur la télévision publique TVE.
  • Tous les skieurs qui étaient restés suspendus dans leur télésiège ont pu être secourus », a-t-il ajouté.

MADRID : Dans une station de ski des Pyrénées, près de la frontière française, dans le nord-est de l'Espagne, un accident de télésiège a fait samedi plus d'une trentaine de blessés, dont plusieurs gravement, ont indiqué les autorités locales.

« Nous sommes en train de parler de 30 à 35 blessés, graves, très graves ou moins graves », a déclaré Miguel Ángel Clavero, directeur des services d'urgence de la région d'Aragon, où se situe la station d'Astún, sur la télévision publique TVE.

« Visiblement, il y a eu un problème au niveau de la poulie de l'un des télésièges, ce qui a entraîné une perte de tension du câble et la chute de certains télésièges », a-t-il expliqué.

Le président régional Jorge Azcón a précisé pour sa part que les trois personnes les plus gravement atteintes avaient été transférées à l'hôpital, l'une d'entre elles, une femme, en hélicoptère.

Les médias locaux ont évoqué un total de neuf blessés très graves, information que M. Azcón n'a pas confirmée.

Tous les skieurs qui étaient restés suspendus dans leur télésiège ont pu être secourus », a-t-il ajouté.

« Nous avons soudainement entendu un bruit et nous sommes tombés au sol, dans le télésiège. Nous avons rebondi cinq fois, en haut, en bas, et nous avons mal au dos et pris des coups, mais il y a des gens qui sont tombés des télésièges », a raconté María Moreno, l'une des victimes, sur la télévision publique.

« Nous avons eu très peur », a-t-elle ajouté.

Un jeune témoin des faits a déclaré sur TVE avoir vu un câble du mécanisme du télésiège sauter. « Les télésièges se sont mis à rebondir soudainement et les gens ont volé », a-t-il décrit.

Cinq hélicoptères et une quinzaine d'ambulances ont été mobilisés pour évacuer les blessés vers des hôpitaux proches de la station, où a été installé un hôpital de campagne, selon les services de secours.

Dans un message publié sur X, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a déclaré être « choqué par les informations sur l'accident survenu dans la station d'Astún » et a indiqué avoir « offert tout le soutien » du gouvernement central aux autorités locales.


Iran : deux juges de la Cour suprême assassinés dans leur bureau selon les médias

Des membres de la police se tiennent devant le bâtiment judiciaire après l'assassinat des juges de la Cour suprême Mohammad Moghiseh et Ali Razini à Téhéran, Iran, le 18 janvier. (Reuters)
Des membres de la police se tiennent devant le bâtiment judiciaire après l'assassinat des juges de la Cour suprême Mohammad Moghiseh et Ali Razini à Téhéran, Iran, le 18 janvier. (Reuters)
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  • les juges Ali Razini et Mohammad Moghisseh, ont été tués dans l'enceinte de la Cour suprême, dans le sud de la capitale iranienne, a précisé Mizan Online.
  • e président iranien, Massoud Pezeshkian, a exhorté les forces de l'ordre à « identifier dans les plus brefs délais les commanditaires et les auteurs » du crime.

TEHERAN : Deux juges de la Cour suprême iranienne ont été assassinés samedi dans leur bureau à Téhéran par un homme armé qui s'est ensuite suicidé, a annoncé l'agence officielle de l'Autorité judiciaire, Mizan Online.

Les chefs de la branche 39 et 53 de la Cour suprême, les juges Ali Razini et Mohammad Moghisseh, ont été tués dans l'enceinte de la Cour suprême, dans le sud de la capitale iranienne, a précisé Mizan Online.

Le porte-parole du pouvoir judiciaire, Asghar Jahangir, a déclaré à la télévision que l'assaillant était « entré dans le bureau des deux juges armé d'un pistolet » et les avait tués.

Les motivations de l'auteur des faits n'ont pas été communiquées, mais Mizan Online a précisé qu'il « n'avait pas de dossier devant la Cour suprême ».

L'affaire, très rare en Iran, « fait désormais l'objet d'une enquête », a ajouté Mizan, qualifiant les faits d'acte « terroriste ».

Selon un communiqué publié sur le site de la présidence, le président iranien, Massoud Pezeshkian, a exhorté les forces de l'ordre à « identifier dans les plus brefs délais les commanditaires et les auteurs » du crime.

« Il ne fait aucun doute que le brillant chemin de ces juges, qui ont consacré leur vie à lutter contre les crimes contre la sécurité nationale, se poursuivra avec force », a-t-il ajouté.

Les deux juges tués samedi étaient des hodjatoleslam, un rang intermédiaire dans le clergé chiite, et avaient présidé les audiences d'importants procès ces dernières années.

Mohammad Moghisseh, âgé de 68 ans, a eu une longue carrière au sein de la justice depuis l'instauration de la République islamique en 1979.

Il a été sanctionné en 2019 par les États-Unis pour avoir supervisé « un nombre incalculable de procès inéquitables ».

De son côté, Ali Razini, 71 ans, a occupé des postes importants au sein du système judiciaire comme politique de l'Iran.

En 1998, alors qu'il était à la tête du pouvoir judiciaire de la capitale Téhéran, il avait été la cible d'une autre tentative d'assassinat, selon Mizan.

En 2005, le juge du tribunal révolutionnaire de Téhéran, Massoud (Hassan) Moghadas, avait été assassiné en pleine rue dans la capitale.

En avril 2023, un ayatollah membre de l'Assemblée des experts, le collège chargé de nommer, superviser et éventuellement démettre le guide suprême, a été tué par balles dans le nord de l'Iran.