PARIS: Bien avant les Oscars, Florian Zeller connaissait déjà un succès fou à l'international. Auteur français le plus joué au monde, sa plume dans l'apparence simple mais exigeante a convaincu jusqu'à Anthony Hopkins.
Le Figaro a décrit l'homme de 41 ans comme un « génie du pays », le quotidien britannique The Guardian comme « l'auteur de théâtre le plus passionnant de notre époque », avec des œuvres jouées dans plus de 40 pays par des acteurs aussi prestigieux qu'Isabelle Huppert, et une kyrielle de prix.
C'est avec « Le Père » que le nom de cet homme aux cheveux blonds et au visage juvénile connaîtra une irrésistible ascension, jusqu'à ces six nominations aux Oscars qui pourraient sacrer dimanche « The Father », son premier film, avec Anthony Hopkins dans le rôle d'un vieil homme sombrant dans la démence.
Avant cette icône du 7e art, à la création au Théâtre Hébertot en 2012, Zeller avait confié le rôle à l'immense acteur français Robert Hirsch qui le jouera pas moins de 350 fois.
Une histoire à succès française de cet ancien étudiant et professeur à Sciences Po, mais qui est tout aussi bien une « success story » anglaise.
« Simplicité et puissance »
« Les scènes françaises étaient une destination merveilleuse...mais c'est lorsque mes pièces ont commencé à être jouées à Londres, avec parfois trois pièces en mêmes temps, qu'elles ont été montées en Asie et en Amérique Latine », affirme l'auteur qui s'est fait d'abord connaître par ses romans dès ses 22 ans (« Les Amants du n'importe quoi », « La Fascination du pire », « La Jouissance »...).
La presse britannique le voit même comme un successeur de Harold Pinter, une « référence forte » pour lui.
« Son œuvre parle directement au public, avec simplicité et puissance, il tient beaucoup des écrivains britanniques », affirme Christopher Hampton, l'éminent scénariste qui a traduit les œuvres de Zeller en anglais et co-adapté « The Father » au cinéma.
Aux débuts à Londres, un théâtre a été réservé « pour huit semaines, les producteurs pensant qu'il n'y aurait pas tellement de monde. Ils ont dû prolonger de huit semaines car c'était salle comble. Ça a été un succès fulgurant », se souvient le Britannique, connu notamment pour la transposition à Hollywood des « Liaisons dangereuses ».
La pièce a été inspirée par la grand-mère de l'écrivain dont il était très proche et qui a commencé à souffrir de démence lorsqu'il avait 15 ans.
Tombé amoureux du théâtre lorsque Françoise Sagan le recommande à un metteur en scène, il explique vouloir que le spectateur soit « engagé avec l'histoire » de ses pièces.
Après « Le Père », les deux autres volets de la trilogie remportent également un vif succès : « La Mère », créée avec Catherine Hiegel et jouée à Broadway par Isabelle Huppert, puis « Le Fils » (Comédie des Champs-Elysées, 2018), qui va également être transposée au cinéma, avec un tournage cet été avec Hugh Jackman et Laura Dern, et montée bientôt à Tokyo par l'autre complice de Zeller, le metteur en scène Ladislas Chollat.
« Chirurgien de l'âme »
L'écrivain, marié à l'actrice Marine Delterme et père de deux enfants, a également écrit une nouvelle pièce qui doit être créée en mai en Israël.
Mais si les Britanniques s'émerveillent du côté « essentiellement shakespearien » de sa plume, en France, on n'en pense pas moins.
« C'est un enfant de Molière », assure l'acteur Pierre Arditi, qui avait interprété « La Vérité » (2011) et « Le Mensonge » (2015). « Quand on lit ses pièces, on pense que c'est facile mais c'est beaucoup plus complexe, c'est digne d'un grand auteur ».
Il le qualifie de « jeune chirurgien de l'âme humaine » et de « cousin germain de Yasmina Reza », dont la pièce culte « Art » (1994) continue d'être jouée dans le monde.
Fabrice Luchini qui interprète en 2013 « Une heure de tranquillité », relève une « dichotomie entre son physique fragile et séduisant et sa maturité bien plus grande que son âge ».
D'autres grands acteurs ont joué pour lui: Catherine Frot (« Si tu mourais »), Daniel Auteuil (« L'Envers du décor »), sans compter de grands comédiens britanniques.
Ces triomphes « l'ont autorisé à envisager le rêve » d'avoir Anthony Hopkins, « le plus grand acteur vivant » selon lui.
« J'avais conscience que ce n'était pas facile, mais je me suis accroché », indique l'auteur.