Œuvres juives spoliées: la course contre le temps de la mission Zivie

Le tableau «Rosiers sous les arbres» de Gustav Klimt sera restitué par le musée d’Orsay à la famille d’une victime autrichienne (Photo, AFP).
Le tableau «Rosiers sous les arbres» de Gustav Klimt sera restitué par le musée d’Orsay à la famille d’une victime autrichienne (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 17 avril 2021

Œuvres juives spoliées: la course contre le temps de la mission Zivie

  • On estime à quelque 100 000 les œuvres saisies en France par les nazis durant l'occupation. Après-guerre, 60 000 y ont été renvoyées
  • David Zivie note une mobilisation du monde de l'art : «On est de plus en plus contactés. Certains musées renoncent à acheter dès le moindre doute»

PARIS: « On ne se contente pas d'attendre, on sollicite les familles » : deux ans après avoir pris la tête de la mission du ministère de la Culture pour la restitution des biens juifs volés par les nazis, l'historien David Zivie mène une course contre la montre face à un passé qui s'efface.

« A des restitutions massives dans l'après-guerre, avait succédé la somnolence. Pendant quarante ans on n'en avait plus parlé. Il y a eu seulement cinq restitutions entre 1955 et 1992 », souligne le chargé de mission. 

Depuis 1951, 169 œuvres seulement ont été restituées, avec une accélération sous Jacques Chirac. Les musées restaient sur la défensive et les efforts dispersés. Il fallait une nouvelle impulsion : ce fut la mission voulue par le Premier ministre Edouard Philippe le 17 avril 2018.

On estime à quelque 100 000 les œuvres saisies en France par les nazis durant l'occupation. Après-guerre, 60 000 y ont été renvoyées : à côté de 45 000 restituées entre 1945 et 1950, 13 000 étaient vendues par l'Etat car non réclamées. Restaient près de 2 200 œuvres dénommées « MNR » (« Musées nationaux récupération »), de provenance incertaine, qui ont été déposées dans une centaine de musées. Inscrites dans un inventaire, elles sont restituables, et ne sont pas toutes des œuvres spoliées.

David Zivie note une mobilisation du monde de l'art : « On est de plus en plus contactés. Certains musées renoncent à acheter dès le moindre doute. Et Christie's, Sotheby's ont leurs services de recherche ».

Avec son équipe de six personnes, il contacte les descendants, certains dans l'ignorance de l'histoire familiale. La mission instruit cas par cas. « C'est parfois très long ». Une enveloppe de 200 000 euros finance des recherches.

Les dossiers seront soumis à la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), qui recommandera une décision au Premier ministre.

La tapisserie de Brive, une indemnisation à l'amiable

Elle faisait l'objet d'une réclamation d'une famille juive spoliée : une tapisserie dans les collections du musée de Brive (Corrèze) a fait l'objet d'une négociation à l'amiable ayant abouti à une indemnisation, plutôt que d'être restituée.

En 1995, la municipalité de Brive avait acheté légalement pour 660 000 francs (138 000 euros) une tapisserie du XVIIe siècle de la manufacture anglaise « Mortlake » à une galerie parisienne. Elle complétait une collection d'une dizaine d'autres « Mortlake », fierté de son musée municipal, le musée Labenche.

Onze ans plus tard, arrivait un courrier du cabinet d'avocats de Munich Van Trot, demandant au musée d'enquêter. Cette tapisserie ressemblait à une œuvre achetée en 1936 à vil prix à la famille Drey à Munich. De longues et complexes recherches ont montré qu'elle était passée par trois maisons de vente et des propriétaires privés entre 1936 et 1995. 

Au terme d'un « protocole transactionnel » signé le 15 janvier, 140 000 euros ont été débloqués, correspondant au prix d'achat de 1995. « Un geste fort de la ville du résistant Edmond Michelet et une somme bien au-dessus du budget du musée », note le directeur. 

Ce musée travaille à des cartels pour expliquer ce qu'est la spoliation, sur cette tapisserie et sur cinq œuvres spoliées en dépôt classées MNR (musées nationaux récupération). 

« C’est un exemple de coopération entre un musée, une famille spoliée et la Mission », a salué David Zivie. Ainsi cette « solution juste et équitable » a permis à la ville de garder la tapisserie et d'éviter une procédure législative de restitution.

L'enquête, très vaste, inclut jusqu'aux collections de livres. Elle bénéficie de l'aide du Centre allemand des œuvres d’art disparues (Deutsches Zentrum Kulturgutverluste). Ses priorités sont les « MNR » et les œuvres entrées dans les collections permanentes. 

Degré de contrainte ?

Les spoliations s'appuyaient souvent sur des lois de Vichy (aryanisation, confiscation) et la question du degré de contrainte (chantage, difficultés financières, etc.) qui poussait une famille à vendre est parfois difficile à déterminer.

« La tendance judiciaire est de plus en plus de reconnaître la contrainte », note l'historien. Il plaide pour une modification du code du patrimoine pour faire sortir les œuvres des collections sans passer par une loi ou une décision de justice.

« Ce n'est pas juste une histoire d'argent ! Des descendants cherchent la reconnaissance d'une persécution (...). Toutes les œuvres ne valent pas des fortunes, certaines 500 euros seulement ! Les ayants-droit peuvent être nombreux (...) De plus, tout le monde n'obtient pas une restitution. C'est pour cela que des familles peuvent être indemnisées », explique le chercheur.

Aujourd'hui, des dirigeants de grands musées comme Jean-Luc Martinez au Louvre ou Laurence des Cars au Musée d'Orsay, nés après-guerre, mobilisent moyens importants et experts afin d'accélérer recherches d'origines et restitutions, y compris d'œuvres spoliées depuis 1933 dans le Reich allemand. 

C'est ainsi que le Musée d'Orsay va remettre « Rosiers sous les arbres » de Gustav Klimt à la famille d'une victime autrichienne. Pour ce tableau « inaliénable » car acquis légalement en 1980, une loi est nécessaire pour l'en faire sortir.

Etude d'archives, d'inscriptions, d'étiquettes : le travail des musées est colossal. Un site ministériel « Rose-Valland », du nom d'une conservatrice résistante, les assiste. Entre 1933 et 1945, le Louvre avait ainsi acheté 13 943 œuvres, à la provenance authentifiée dans leur majorité. 

Problématiques sont surtout les oeuvres achetées dans des ventes publiques de biens spoliés sous l'Occupation, auxquelles les musées français participaient avec zèle. Mais aussi celles achetées pendant ou après guerre auprès de marchands qui s'approvisionnaient dans les réseaux ayant acquis à vil prix des biens juifs.


Le mannequin d'origine saoudienne Amira al-Zuhair défile pour Balmain à Paris

Le mannequin d'origine saoudienne Amira al-Zuhair défile pour Balmain à Paris
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  • Mercredi, Al-Zuhair a défilé pour Ganni dans un blazer gris foncé, associé à un pantalon de tailleur de couleur similaire
  • Avant son passage à Paris, elle avait fait tourner les têtes lors de la Fashion Week de Milan en défilant pour Missoni

DUBAÏ: Le mannequin franco-saoudien Amira al-Zuhair fait sensation à la Fashion Week de Paris, défilant pour Ganni et Balmain.

Elle portait un blazer gris avec un t-shirt noir classique et des cuissardes en daim rouge vif qui ont ajouté une touche de couleur audacieuse. Son ensemble était complété par un sac à bandoulière aux tons neutres et un collier en or.

Olivier Rousteing, styliste et directeur de la création de Balmain depuis 2011, a présenté une collection qui fusionne sans complexe l'audace et une dose de dynamisme.

Des imprimés de visages de femmes à moitié peints guidaient le regard vers des robes longues, tandis que des yeux, des lèvres, des nez et des ongles désincarnés constituaient les leitmotivs visuels de la soirée.

L'identité de cette collection repose essentiellement sur les épaules sculpturales, presque modulées – une signature du power dressing de Balmain réimaginé une fois de plus. L'effet s'étendait jusqu'aux hanches dans les mini-robes à chaînes rayées d'or, évoquant un glamour exagéré des années 1980.

Il y a eu des moments de pur plaisir et de théâtralité, comme une jupe crème avec un visage en 3D, un clin d'œil délicieux au penchant de Rousteing pour l'humour surréaliste. Cette audace ludique ravit les adeptes de Balmain, même si certaines pièces flétrissent sous le poids de leurs propres excès.

À bien des égards, cette collection fait écho aux thèmes de ses archives: une obsession pour les silhouettes exagérées, un amour pour les épaules sculpturales et un désir d'intégrer son récit personnel dans le tissu de ses créations.

Mercredi, Al-Zuhair a défilé pour Ganni dans un blazer gris foncé, associé à un pantalon de tailleur de couleur similaire. Pour ajouter une touche artistique, le mannequin portait également autour du cou un grand foulard bleu pâle à volants, qui contrastait avec les tons sombres de la tenue.

Avant son passage à Paris, elle avait fait tourner les têtes lors de la Fashion Week de Milan en défilant pour Missoni.

Elle y avait présenté un ensemble dynamique marqué par des rayures audacieuses et ondulées en noir, blanc et jaune. Le look comprenait un haut asymétrique avec des volants exagérés tombant en cascade sur un côté, associé à un bas de bikini taille haute. Des sandales à talons hauts d'un jaune éclatant complétaient la tenue, ajoutant une touche de couleur supplémentaire.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com
 


Coldplay prévoit un quatrième concert à Abu Dhabi

Le groupe présentera sa tournée mondiale «Music of the Spheres World Tour» les 9, 11, 12 et 14 janvier au stade Zayed Sports City. (AFP)
Le groupe présentera sa tournée mondiale «Music of the Spheres World Tour» les 9, 11, 12 et 14 janvier au stade Zayed Sports City. (AFP)
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  • L'artiste palestino-chilienne Elyanna assurera la première partie du concert
  • Les promoteurs Live Nation Middle East ont confirmé qu'Abu Dhabi serait la seule étape du groupe dans la région

DUBAÏ: Le supergroupe britannique Coldplay a une fois de plus répondu à la demande croissante des fans en ajoutant un quatrième concert à Abu Dhabi.

Les 9, 11, 12 et 14 janvier, le groupe se produira au stade Zayed Sports City, dans le cadre de sa tournée mondiale «Music of the Spheres World Tour» qui a connu un succès retentissant.

L'artiste palestino-chilienne Elyanna assurera la première partie du concert.

Cette année, la jeune femme de 22 ans a souvent collaboré avec le groupe, qu'elle a rejoint sur scène lors de son concert à Glastonbury. La semaine dernière, elle a publié l'édition arabe de la nouvelle chanson du groupe, «We Pray». Samedi, elle s'est produite avec Coldplay à Las Vegas.

Les promoteurs Live Nation Middle East ont confirmé qu'Abu Dhabi serait la seule étape du groupe dans la région.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Heba Ismail: «Je vois tant de beauté dans la culture arabe en général» 

«The scream for AlUla take 2». (Photo: fourie)
«The scream for AlUla take 2». (Photo: fourie)
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  • L'artiste saoudienne parle d’«hebaïsme», le terme qu'elle a inventé pour désigner sa pratique influencée par Picasso
  • Ismail partage son temps entre l'art et la médecine, deux domaines opposés qui la fascinent

DUBAÏ: L'artiste saoudienne Heba Ismail ne manque pas d'ambition. «Je veux être le deuxième Picasso – le Picasso féminin», déclare-t-elle à Arab News.  

Née et élevée à Djeddah dans les années 90, Heba Ismail, qui est également dentiste de formation, a grandi dans un foyer qui valorisait l'art. Son père a vécu à la fois en Égypte et en Angleterre et a transmis ses connaissances en matière d'art et d'histoire à ses deux enfants.

Dans leur maison, il y avait une copie du chef-d'œuvre en noir et blanc de 1937 du célèbre artiste espagnol Pablo Picasso, «Guernica», inspiré des bombardements dévastateurs de la ville basque pendant la guerre civile espagnole. Cette œuvre a laissé une forte impression sur la jeune Ismail.

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Heba Ismail, «Alyah» (Photo fournie)

«‘Guernica’ est une œuvre tellement effrayante pour un enfant», dit-elle. «Nous en avions une énorme réplique dans notre salon, qui occupait presque la moitié du mur. J'avais l'habitude de la regarder fixement – et vous pouvez voir et ressentir la peur qui s'en dégage. Mais, d'une certaine manière, j'y voyais aussi de la beauté.»

L'art cubiste radical de Picasso a exercé une influence majeure sur la pratique d'Ismail, qu'elle qualifie d'«hebaïsme». Et malgré les rapports et les opinions de plus en plus négatifs sur le défunt artiste espagnol en tant que personne, Ismail est toujours inspirée par sa peinture.

«Je pense que nous sommes tous pleins de défauts», dit-elle. «Je sais que Picasso fait l’objet de controverses (en raison de la façon dont il traitait les femmes).»

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«Floral man» (Photo fournie)

«J'aime être une pionnière, être la première à faire quelque chose. J'aime le fait que Picasso ait créé le mouvement artistique du cubisme. Il sortait tellement des sentiers battus et c'est ce que j'admire chez lui», poursuit-elle. «Il créait quelque chose à partir de rien. Lorsque les artistes réalistes faisaient de l'art, ils dessinaient quelque chose tel qu'ils le voyaient – cela existait déjà. Picasso, lui, dessinait quelque chose à partir de rien. C'était une forme de création.»

Ismail travaille principalement avec la peinture, réalisant des portraits maximalistes, épais et anguleux de personnes souvent vêtues de vêtements traditionnels saoudiens (et arabes) ou présentant des accessoires et des motifs locaux, tels que des foulards et des tasses à café.  

«Je suis très fière de mon héritage saoudien», dit-elle. «Je vois tant de beauté dans la culture arabe en général. Je veux que mon travail touche tous les Arabes, pas seulement les Saoudiens.»

À y regarder de plus près, de nombreuses œuvres d'Ismail peuvent également être interprétées comme des études psychologiques, transmettant la tension et la confusion.

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Shamikh (Photo fournie)

«Lorsque je peins, j'essaie de créer des personnages à partir de rien. Je veux quelque chose qui ne soit pas issu de la réalité, quelque chose qui vienne d'un autre monde. C'est pourquoi je respecte l'art de Picasso. Il ne peint pas quelque chose qu'il voit, il peint quelque chose qu'il ressent», explique-t-elle. «Les œuvres d'art ne devraient pas vous dire comment penser, mais comment ressentir. Lorsque les gens perçoivent mon art, je veux qu'il les aide à traiter leurs sentiments. C'est une sorte de thérapie.

«Je considère mon art comme mon journal intime», poursuit-elle. «Certaines de mes peintures me tiennent à cœur et racontent une expérience traumatisante ou un sentiment – de joie ou de tristesse – que j'ai éprouvé. La vie d'une personne n'est pas toute rose.»

Ismail partage son temps entre l'art et la médecine, deux domaines opposés qui la fascinent. «Je perds la notion du temps et je suis toujours heureuse de peindre. Contrairement à la dentisterie, je ne considère pas cela comme un travail», dit-elle. «J'ai toujours eu un don pour l'art. J'aimais dessiner dans les livres d'école et je faisais des graffitis à l'école. J'ai toujours voulu être une artiste depuis que je suis toute petite, mais je devais avoir une autre carrière.»

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«Autumn leaves». (Photo fournie)

«J'aimais aussi la médecine. Il existe un lien étrange entre l'art et la médecine: Léonard de Vinci faisait des dessins anatomiques. J'ai choisi la dentisterie parce que c'est un métier que je peux exercer avec mes mains. J'aime travailler avec mes mains. J'ai senti qu'il y avait quelque chose d'artistique dans la dentisterie, qui exige des mains délicates et artistiques. Lorsque j'étudiais la dentisterie, j'ai mis l'art de côté, mais même mes cahiers étaient remplis de croquis.»

Dans sa jeunesse, Ismail a suivi des cours d'art à Darat Safeya Binzagr, un centre culturel polyvalent et influent de Djeddah fondé par l'artiste saoudienne Safeya Binzagr, décédée ce mois-ci. «Qu'elle repose en paix», déclare Ismail. «Elle était vraiment la seule à nourrir les talents artistiques des Saoudiens.»  

Le travail de Heba Ismail sera ensuite présenté au public dans le cadre d'une exposition collective intitulée «Modernity Roots», qui se tiendra au Bilory ArtHaus de Djeddah du 29 septembre au 15 novembre. Elle se fait un nom dans le Royaume grâce à ses œuvres (qu'elle décrit comme «pas pour tout le monde, tout le monde ne les comprendra pas»), qui ont été achetées par des clients saoudiens et ont attiré l'attention de marques désireuses de travailler avec elle, notamment le grand détaillant de mode Shein et l'entreprise de fabrication de produits de luxe Kohler. Mais ses ambitions dépassent largement les frontières de son pays.

«Honnêtement, je veux faire connaître mon art dans le monde entier. Je veux que mes tableaux soient exposés dans les maisons de vente aux enchères Christie's, Philips et Sotheby's», déclare-t-elle. «Je ne considère pas cela comme un rêve, mais comme un objectif. Je veux entrer dans l'histoire en tant que femme saoudienne.» 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com