GENÈVE: Des Îles Vierges à Genève en passant par Panama, la justice suisse a dressé le parcours des mouvements de fonds présumés effectués par le patron de la banque centrale libanaise Riad Salamé, selon des informations publiées mardi par le journal helvétique Le Temps.
L'existence d'une enquête en Suisse a été rapportée en janvier par le quotidien libanais Al-Akhbar, et le Ministère public de la Confédération (MPC), le parquet fédéral suisse, avait alors confirmé avoir adressé une demande d'assistance juridique au Liban.
Le Temps a pu consulter cette demande qui dresse la liste d'une série de mouvements de fonds - pour un total estimé par les procureurs suisses à plus de 300 millions de dollars - entre le Liban et la Suisse qui auraient été opérés par Riad Salamé et son frère Raja.
Interrogé, le MPC a confirmé mardi mener « une instruction pénale pour soupçons de blanchiment d'argent aggravé en lien avec de possibles détournements au préjudice de la Banque du Liban », mais n'a pas souhaité faire d'autre commentaire sur sa demande d'entraide.
Dans sa demande, obtenue par Le Temps, le parquet suisse se base sur un contrat daté du 6 avril 2002 entre la Banque du Liban (BDL) et la société Forry Associates Ltd, enregistrée à Tortola aux îles Vierges et disposant d'un bureau à Beyrouth, dont le bénéficiaire économique serait Raja Salamé.
Ce contrat, qui serait signé par Riad Salamé et son frère, habiliterait Forry Associates à vendre des bons du trésor ainsi que des Eurobonds de la BDL en percevant une commission de placement. Selon les procureurs suisses, il aurait permis, entre avril 2002 et octobre 2014, l'arrivée de plus de 326 millions de dollars sur le compte de Forry Associates chez la HSBC Private Bank (Suisse) à Genève, compte dont l'ayant droit économique serait aussi Raja Salamé.
En grande partie, ces montants auraient été, selon la justice suisse, immédiatement re-transférés sur le compte personnel de Raja Salamé, toujours à la HSBC, puis auprès de cinq établissements libanais.
Le MPC révèle que Riad Salamé aurait également ouvert en 2008 un compte chez Julius Baer à Zürich - via la société Westlake Commercial Inc basée à Panama City - qui aurait permis de mener des transactions douteuses. Un autre compte aurait été ouvert auprès d'UBS en 2012, puis, en 2016, auprès de Credit Suisse, et enfin, en 2018, auprès de la Banque Pictet à Genève.
Dans sa demande d'entraide, le MPC émet également le soupçon que Riad Salamé se soit procuré des biens immobiliers en Suisse par l'entremise de deux sociétés basées à Genève.
Le Liban connaît depuis 2019 sa pire crise économique depuis la guerre civile (1975-1990), avec notamment une dégringolade de sa monnaie nationale et des restrictions bancaires interdisant les transferts bancaires à l'étranger.