HYERES: Il a lancé plus qu'une carrière dans la mode en 35 ans et tient bon en dépit de la crise sanitaire: le festival international de Hyères, dans le sud de la France, offre une "bouffée d'oxygène" à la jeune création en plein confinement.
C'est sur les hauteurs de la villa Noailles balayée par un mistral et devant une poignée d'invités que les organisateurs ont donné mardi soir le coup d'envoi à la 36e édition de cette manifestation qui se tiendra du 14 au 17 octobre.
Les présidents des jurys --la Britannique Louise Trotter, styliste de Lacoste (mode), le Français Christian Louboutin (accessoires) et la Française Dominique Issermann (photo)--, ainsi que dix finalistes dans chaque catégorie ont été dévoilés lors d'une cérémonie en plein air avec chansons, lecture et performances acrobatiques sur les toits de la villa.
Car pour le fondateur et directeur général du festival Jean-Pierre Blanc, il était "important et évident" de préserver ce "moment privilégié" en vrai, malgré le confinement national entré en vigueur en France après la "tolérance" du week-end de Pâques.
Attendre la fin du confinement mettrait "en péril le festival", déclare-t-il à l'AFP.
"Il faut du temps aux ateliers des maisons d'art de Chanel et Hermès pour réaliser les collections à l'issue des sélections, fabriquer les pièces qui seront présentées au mois d'octobre", a-t-il expliqué à l'AFP.
- Percée des Finlandais -
"La période qu'on traverse est sûrement la plus difficile depuis l'existence du festival. Je sens que les jeunes sont perturbés, certaines fois un peu perdus. Le festival prend une dimension encore plus forte que d'habitude", souligne-t-il.
Même si les financements privés du festival ont diminué, tous les dispositifs sont maintenus.
"A mon niveau personnel, il est important après une longue période de voir ces jeunes et nouveaux talents, et d'autres points de vue, c'est une bouffée d'oxygène", confie à l'AFP Louise Trotter.
Aucun candidat français ne figure parmi les finalistes mode qui comptent trois Finlandais, deux Lettonnes, un Colombien, une Suisse, un Thaïlandais, un Britannique et un Taïwanais.
Deux d'entre eux, Rukpong Raimaturapong (Thaïlande) et Mengche Chiang (Taïwan), sont pourtant formés à l'Institut français de la mode (IFM), a précisé l'institut dans un tweet. Les créations du Taïwanais ont d'ailleurs été présentées dans un film des étudiants de l'IFM qui a ouvert la dernière Fashion week à Paris en mars.
"J'ai suivi mon instinct, j'ai choisi les stylistes qui ont leur point de vue, quelque chose de personnel à exprimer et qui étaient à une étape dans leur développement pour bénéficier du festival", déclare Louise Trotter.
Le festival de Hyères est le plus ancien concours de mode du monde destiné aux jeunes professionnels. Par le passé, il a récompensé le Belge Anthony Vaccarello, directeur artistique de Saint Laurent, le Portugais Felipe Oliveira Baptista, qui officie chez Kenzo, ou le duo néerlandais Viktor&Rolf.
Distingués en 2018, un autre duo néerlandais Rushemy Botter et Lisi Herrebrugh ont été ensuite nommés à la direction artistique de la maison française Nina Ricci et présentent les collections homme de leur marque Botter à Paris.
"Pas rasoir"
Dans la sélection accessoires, les pièces multiplient les clins d'oeil ou les messages: des sabots entravant la démarche qui symbolisent les confinements, une bague en argent qui interpelle sur la fonte des glaces, un cabas réalisé à partir de vêtements d'enfants oubliés sur les aires de jeux ou un sac à main qui peut s'utiliser comme oreiller pour dormir dans les transports en commun.
"Depuis le début de la pandémie, la mode a été forcée de se réinventer, de se digitaliser et de se recentrer sur des problématiques importantes qu’elle regardait de loin sans vraiment s’y attaquer comme la durabilité, l'upcycling" (transformation de vêtements usagés), explique à l'AFP Christian Louboutin.
"Sans étonnement, ce sont des notions qui sont parties intégrantes de beaucoup de projets reçus par le Festival. On découvre à travers eux une tendance à la mode sérieuse mais pas rasoir, ni minimaliste, ni prétentieuse. C’est assez sain", conclut-il.