Le secteur médiatique libanais post-4 août : état des lieux et perspectives

Ayman Mhanna, directeur de la Fondation Samir Kassir, a répondu aux questions d"Arab News.
Ayman Mhanna, directeur de la Fondation Samir Kassir, a répondu aux questions d"Arab News.
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Publié le Mercredi 19 août 2020

Le secteur médiatique libanais post-4 août : état des lieux et perspectives

  • « Toute tentative de museler la liberté d’expression sera vue par nous et par toute la communauté locale et internationale comme une tentative de cacher la vérité et de protéger les responsables du crime qui a eu lieu le 4 août »
  • « Nous comptons nous appuyer sur le drame du 4 août pour créer les conditions d’un réveil de la presse libanaise à l’égard de ses propres responsabilités »

BEYROUTH : Ayman Mhanna, directeur de la Fondation Samir Kassir, répond aux questions d’Arab News.

La fondation Samir Kassir a cartographié les dégâts humains et matériels du secteur médiatique provoqués par la catastrophe de Beyrouth. Quel est le bilan provisoire ?

Aucun journaliste n'a perdu la vie. Mais il y a eu 44 journalistes blessés, plus ou moins grièvement. Plus précisément, 20 personnes étaient présentes dans les bureaux de différents organes de presse, 16 personnes étaient à leur domicile et 8 journalistes étaient sur le terrain pour couvrir soit l'incendie au port, soit les manifestations contre la cherté de la vie au Liban.

Concernant les dégâts matériels, beaucoup de bureaux ont été affectés. Il y a eu une destruction quasi totale des bureaux du journal An Nahar, du journal Al-Araby Al-Jadeed, des studios de Télé Lumière, des locaux de Megaphone, ou encore ceux du journal Nida al Watan et ceux du site Al Mulhaq. On a aussi constaté des destructions importantes de locaux d'autres médias du centre-ville, près de la place Riad el Solh, du côté de Sodeco, ou même au début de la rue Hamra. Même les médias présents de l'autre côté de la ville, à Raouché et à Tallet al Khayat, ont été atteints, avec des vitres brisées.

Face à l’ampleur de cette catastrophe, comment l'État libanais a-t-il réagi ?

Les institutions se sont distinguées par leur absence. Or, le Liban a signé en 2015 avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) une stratégie nationale pour la gestion des risques et des catastrophes, qui définit de manière très claire et très détaillée le rôle de chaque institution, celui de chaque administration publique dans la gestion de différents types de catastrophe et de crise. Ce programme a également abouti à la création d'une unité spécialisée dans la gestion des crises et des catastrophes, financée par le Pnud, et qui est présente au Grand Sérail, siège du Premier ministre. Le plan n'a pas pu être mis en œuvre. L'unité a été mise à l'écart dès le lendemain de la catastrophe du 4 août.

Les journalistes sur place sont exposés à des risques importants de traumatisme psychologique. Pouvez-vous nous en dire plus sur le guide publié par la Fondation Samir Kassir à cet égard ?

Ce guide a été préparé par le Dart Center for Journalism and Trauma, un centre qui fait partie de l'université Colombia à New York et qui est spécialisé dans les questions de traumatisme et de journalisme. L'idée était de traduire en langue arabe un guide lié à la santé mentale de ceux qui ont couvert un événement extrêmement traumatique. Des journalistes se trouvaient sur le terrain, quelques minutes avant l'explosion, pour couvrir des manifestations à Corniche Al Nahr, en face du ministère de l'Énergie, ils ont couru vers le lieu de l'explosion et ont sans doute vu des scènes effroyables et un terrible niveau de destruction.

Je pense que chaque personne présente au Liban le 4 août garde un souvenir plus ou moins traumatique. Le traumatisme est encore plus fort pour les journalistes qui doivent aller sur le terrain, constater les dégâts, voir potentiellement des personnes blessées ou mortes, faire des interviews avec des gens qui ont tout perdu, aussi bien leurs proches que leur propriété. On sait par expérience que ce sont des événements traumatisants qui nécessitent de prendre en compte la santé mentale du journaliste et de ses collègues. Il faut que les journalistes prennent conscience du risque d'aggravation du traumatisme que courent les survivants et les victimes. C'est la raison pour laquelle nous avons publié un deuxième guide, consacré à la relation entre journalistes et victimes.

Les Libanais demandent de connaître la vérité. Quel doit être le rôle des journalistes dans ce processus de responsabilisation ?

Il faut qu'il y ait une réflexion sur un plus long terme. Si les médias conservent l’attitude qu’ils ont adoptée avant le 4 août, le plus souvent une attitude de complaisance à l'égard du pouvoir, de complaisance entre les journalistes vedettes et les hommes politiques puissants, de négligence à l'égard des faits, caractérisée par un manque de vérifications et par une culture superficielle de questions-réponses, alors la question sera : quand aura lieu le prochain drame au Liban ?

Nous sommes convaincus qu'un journalisme de qualité sauve des vies. Au Liban, si la presse était réellement libre et indépendante, capable d'enquêter en profondeur à travers un journalisme d'investigation poussé, elle aurait pu empêcher tous les actes de corruption qui ont façonné la vie politique libanaise depuis l'indépendance. Si ce travail avait été fait au port ou aux douanes, on aurait peut-être pu sauver des vies et de propriétés au Liban.

Nous allons être extrêmement investis dans le plan qui va bientôt être annoncé. Ce programme a pour but de refonder et de relancer le secteur médiatique libanais sur des bases bien plus saines, tout en donnant aux journalistes et aux médias les moyens de travailler de manière responsable, libre, protégée, et d'aller au fond des choses quand il s'agit d'enquêter. C'est une question de responsabilité morale et éthique de la presse. Il faut qu'il y ait une culture de la vérification. Même la culture basique liée à la responsabilité de la presse au niveau du partage de l'information a des lacunes très préjudiciables au Liban. Nous comptons nous appuyer sur le drame du 4 août pour créer les conditions d'un réveil de la presse libanaise à l'égard de ses propres responsabilités.

En ce sens, quel peut être le rôle des universités ?

Les programmes de journalisme dans les universités libanaises sont assez faibles. Il y a tout d'abord, dans de nombreuses universités privées, une sorte de confusion entre les programmes de presse et de communication. Or, nous considérons que les métiers de journaliste et de communicant sont importants mais ne sont pas interchangeables. Deuxièmement, le programme plus formel de journalisme se trouve à l'Université libanaise. Malgré de très bonnes volontés, il souffre d'un manque de moyens et aussi d'une absence totale de prise de conscience des nouveautés technologiques. Le journaliste, de nos jours, a besoin d'être polyvalent : il doit maîtriser le fonctionnement des technologies, des algorithmes, et savoir manipuler les nouveaux outils. Il faut que les enseignants connaissent le terrain. Malheureusement, les professeurs de l'Université libanaise ne peuvent pas exercer un métier en parallèle. Ils n'ont pas le droit, en réalité, d'être journalistes, ce qui est une aberration. Il faut aussi un investissement de la part des médias eux-mêmes pour proposer des formations en continu pour leurs équipes.

Craignez-vous que l'état d'urgence décrété à Beyrouth après la catastrophe puisse conduire à des abus supplémentaires et à une limitation de la liberté de la presse ?

Nous sommes en train d'alerter contre une lecture liberticide de l'état d'urgence. Aujourd'hui, ce qui peut sauver des vies, ce qui peut questionner les responsables, ce qui peut contribuer à la vérité, c'est une presse libre. Toute tentative de museler la liberté d'expression sera vue par nous et par toute la communauté locale et internationale engagée dans la défense de cette liberté comme une tentative de cacher la vérité et de protéger les responsables du crime qui a eu lieu 4 août.

Nous ne voulons pas atteindre un point où on accuserait les services de sécurité en général et l'armée en particulier de connivence avec les criminels. Pour échapper à ces accusions, il faut que l'armée utilise l'état d'urgence d'une façon extrêmement raisonnée, dans un sens très strict, qui lui permette de mieux coordonner les activités des différents services de sécurité et même d'empêcher les luttes qui, souvent, existent entre ces services. Il faut que l'armée permette à la population de s'organiser et de se rassembler, car les gens ont besoin de se retrouver afin de garder espoir et d'avoir l'énergie nécessaire pour reconstruire. Si l'état d'urgence s'étend en dehors des limites administratives de Beyrouth, ce sera un acte de tyrannie pur et simple. On sait très bien que l'armée libanaise n'est pas l’armée d'un État tyrannique comme celles des pays voisins. Nous attendons que l'armée confirme ce fait.

Les bailleurs de fond, notamment les États-Unis, peuvent-ils avoir une influence positive sur les agissements de l'armée libanaise dans les jours qui viennent ?

Les bailleurs de fond et les sponsors américains, britanniques, français ont investi pour soutenir l'armée libanaise. Il est de leur responsabilité de s'assurer que les équipements, les financements, les formations prodiguées à l'armée soient utilisés en respectant les règles d'un État de droit. Sinon, il incombera aux binationaux et aux amis du Liban aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni de soumettre des demandes d'accès à l'information. Les constitutions et les lois de ces pays garantissent ce droit aux citoyens, afin que la lumière soit faite au sujet du soutien international aux services de sécurité du Liban et pour vérifier que sont respectés l’État de droit et les droits de l’homme. Il faudra également entretenir un dialogue avec les députés de ces pays et que des questions soient posées au gouvernement.

Il faudra enfin que toute la lumière soit faite au sujet des plans de soutien du gouvernement libanais aux services de sécurité afin de nous assurer que ces programmes d’aide ne soient pas entachés de corruption et qu’ils respectent bel et bien les règles de l’État de droit et les droits de l’homme.


Les États-Unis débloquent 117 millions de dollars pour les Forces libanaises

Drapeau américain agitant isolément sur fond blanc (Photo iStock)
Drapeau américain agitant isolément sur fond blanc (Photo iStock)
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  • Selon un communiqué du département d'État, ces fonds doivent aider les Forces armées libanaises (FAL) et les Forces de sécurité intérieure (FSI, chargées du maintien de l'ordre) à « garantir la souveraineté du Liban dans tout le pays ».
  • C'est ce dernier qui est à l'origine de la réunion des donateurs internationaux qui a eu lieu jeudi « avec partenaires et alliés pour évoquer le soutien crucial à la sécurité du Liban afin de pérenniser la cessation des hostilités avec Israël ».

WASHINGTON : Lles États-Unis ont annoncé  samedi le transfert de 117 millions de dollars destinés à soutenir les forces de l'ordre et l'armée libanaises, à l'issue d'une réunion de donateurs internationaux, jeudi.

Selon un communiqué du département d'État, ces fonds doivent aider les Forces armées libanaises (FAL) et les Forces de sécurité intérieure (FSI, chargées du maintien de l'ordre) à « garantir la souveraineté du Liban dans tout le pays ».

C'est ce dernier qui est à l'origine de la réunion des donateurs internationaux qui a eu lieu jeudi « avec partenaires et alliés pour évoquer le soutien crucial à la sécurité du Liban afin de pérenniser la cessation des hostilités avec Israël ».

Un cessez-le-feu a pris effet fin novembre entre le mouvement islamiste pro-iranien Hezbollah et Israël, après plus d'un an de bombardements de part et d'autre, ainsi qu'une incursion des forces israéliennes en territoire libanais à partir de fin septembre.

L'enveloppe annoncée samedi par le département d'État « démontre son engagement à continuer à travailler avec ses partenaires et alliés pour s'assurer que le Liban bénéficie du soutien nécessaire pour renforcer la sécurité du pays et de la région ».

Samedi, le président libanais, Joseph Aoun, a réclamé le retrait de l'armée israélienne « dans les délais fixés » par l'accord de cessez-le-feu.

Ce dernier prévoit le déploiement de l'armée libanaise aux côtés des Casques bleus dans le sud du pays et le retrait de l'armée israélienne dans un délai de 60 jours, soit d'ici au 26 janvier.

Le Hezbollah doit, pour sa part, retirer ses forces au nord du fleuve Litani, à environ 30 km de la frontière libano-israélienne. 


Manifestation pour revendiquer la libération de l'opposante Abir Moussi

Des partisans d'Abir Moussi, chef du Parti Destourien Libre (PDL), participent à une manifestation demandant sa libération, à Tunis le 18 janvier 2025. (Photo FETHI BELAID / AFP)
Des partisans d'Abir Moussi, chef du Parti Destourien Libre (PDL), participent à une manifestation demandant sa libération, à Tunis le 18 janvier 2025. (Photo FETHI BELAID / AFP)
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  • Plusieurs centaines de sympathisants du Parti destourien libre (PDL), qui revendique l'héritage des autocrates Bourguiba et Ben Ali, ont manifesté samedi en Tunisie pour réclamer la libération de leur dirigeante, l'opposante Abir Moussi.
  • Soupçonnée d'avoir voulu rétablir un pouvoir similaire à celui de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011 par la première révolte du Printemps arabe.

TUNIS : Plusieurs centaines de sympathisants du Parti destourien libre (PDL), qui revendique l'héritage des autocrates Bourguiba et Ben Ali, ont manifesté samedi en Tunisie pour réclamer la libération de leur dirigeante, l'opposante Abir Moussi.

Brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Liberté pour Abir » ou « Nous sommes des opposants, pas des traîtres ! », ils étaient entre 500 et 1 000, selon des journalistes de l'AFP. Beaucoup portaient des drapeaux tunisiens et des photos de la dirigeante du PDL.

Ils ont critiqué virulemment à la fois le président Kaïs Saied et le parti islamo-conservateur d'opposition Ennahdha. Mme Moussi, ex-députée de 49 ans, est en détention depuis son arrestation le 3 octobre 2023 devant le palais présidentiel, où, selon son parti, elle était venue déposer des recours contre des décrets de M. Saied.

Mme Moussi fait l'objet de plusieurs accusations, dont celle particulièrement grave de tentative « ayant pour but de changer la forme de l'État », soupçonnée d'avoir voulu rétablir un pouvoir similaire à celui de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011 par la première révolte du Printemps arabe.

Les manifestants ont dénoncé le décret 54 sur les « fausses nouvelles », en vertu duquel Mme Moussi est poursuivie dans cette affaire, et dont l'interprétation très large a entraîné l'incarcération depuis septembre 2022 de dizaines de politiciens, d'avocats, de militants ou de journalistes.

Pour Thameur Saad, dirigeant du PDL, emprisonner Mme Moussi pour des critiques envers l'Isie « n'est pas digne d'un pays se disant démocratique ». « Les prisons tunisiennes sont désormais remplies de victimes du décret 54 », a renchéri à l'AFP Karim Krifa, membre du comité de défense de Mme Moussi.

D'autres figures de l'opposition, dont le chef d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, sont également emprisonnées.

Depuis le coup de force de M. Saied à l'été 2021, l'opposition et les ONG tunisiennes et étrangères ont déploré une régression des droits et des libertés en Tunisie. Le chef de l'État a été réélu à une écrasante majorité de plus de 90 % des voix le 6 octobre, lors d'un scrutin marqué toutefois par une participation très faible (moins de 30 %).


L'Égypte annonce que 50 camions-citernes de carburant entreront chaque jour dans la bande de Gaza

Le ministère palestinien de la Santé a déclaré qu'une frappe aérienne israélienne sur le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée, a tué cinq personnes mardi, l'armée israélienne confirmant avoir mené une attaque dans la région. (Photo d'archives de l'AFP)
Le ministère palestinien de la Santé a déclaré qu'une frappe aérienne israélienne sur le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée, a tué cinq personnes mardi, l'armée israélienne confirmant avoir mené une attaque dans la région. (Photo d'archives de l'AFP)
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  • Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a annoncé samedi que 50 camions-citernes chargés de carburant devaient entrer dans la bande de Gaza à partir de dimanche, marquant le début du cessez-le-feu.
  • M. Abdelatty, dont le pays, le Qatar et les États-Unis ont servi de médiateur, a déclaré que l'accord prévoyait « l'entrée de 600 camions par jour dans la bande, dont 50 de carburant ».

LE CAIRE : Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a annoncé samedi que 50 camions-citernes chargés de carburant devaient entrer dans la bande de Gaza à partir de dimanche, marquant le début du cessez-le-feu.

M. Abdelatty, dont le pays, le Qatar et les États-Unis ont servi de médiateur, a déclaré que l'accord prévoyait « l'entrée de 600 camions par jour dans la bande, dont 50 de carburant ».

La trêve devrait entrer en vigueur dimanche à 13 h 30 GMT, ouvrant ainsi la voie à un afflux massif d'aide, selon les médiateurs.

Des centaines de camions sont garés du côté égyptien du poste frontière de Rafah, un point d'entrée autrefois vital pour l'aide humanitaire, fermé depuis mai, lorsque les forces israéliennes ont pris le contrôle du côté palestinien du point de passage.

Au cours d'une conférence de presse conjointe avec son homologue nigérian, M. Abdelatty a déclaré : « Nous espérons que 300 camions se rendront au nord de la bande de Gaza », où des milliers de personnes sont bloquées dans des conditions que les agences humanitaires qualifient d'apocalyptiques.

Les travailleurs humanitaires ont mis en garde contre les obstacles monumentaux qui pourraient entraver les opérations d'aide, notamment la destruction des infrastructures qui traitaient auparavant les livraisons.