BEYROUTH: Human Rights Watch (HRW) a indiqué que les réfugiés et les travailleurs migrants au Liban sont susceptibles d'être oubliés dans la campagne nationale de vaccination contre le coronavirus à l’origine de la Covid-19, ce qui soulève des inquiétudes quant au bien-être des réfugiés syriens et palestiniens qui résident au Liban.
HRW a averti que «le programme de vaccination contre la Covid-19 risque d’oublier des communautés complètement marginalisées, notamment les réfugiés et les travailleurs migrants qui constituent un tiers de la population libanaise».
Nadia Hardman, chercheuse auprès de la division Droits des Réfugiés et Migrants à Human Rights Watch estime que qu’avec «une personne sur trois au Liban réfugiée ou migrante, un tiers de la population risque d'être laissée pour compte en matière de vaccination». Elle exhorte les autorités libanaises à «investir dans une sensibilisation ciblée afin de renforcer le lien de confiance avec les communautés longtemps marginalisées, sinon l'effort de vaccination contre la Covid-19 sera voué à l'échec».
Le Liban a commencé sa campagne de vaccination pour tous les résidents, indépendamment de leur nationalité, le 28 janvier. Les bénéficiaires étaient invités de s’inscrire sur la plate-forme du ministère de la Santé.
Les vaccins gratuits de Pfizer et d’AstraZeneca sont disponibles pour les personnes âgées, ainsi que le personnel médical et les travailleurs de la santé. Il y a deux semaines, des entreprises privées ont aussi commencé à offrir gratuitement à leurs employés le vaccin russe Spoutnik.
Mardi, le gouvernement libanais a reçu 90 000 doses du vaccin chinois Sinopharm sous forme de don des autorités chinoises, ainsi que 40 000 vaccins supplémentaires pour l'armée libanaise.
Le ministre libanais de la Santé par intérim, Hamad Hasan, affirme que les «vaccins sont sûrs et le processus d’inoculation permet de lutter contre cette pandémie qui a nui à l’économie de plusieurs pays, infecté tant de personnes et entraîné leur mort».
Selon les responsables du programme de vaccination, seul un petit nombre de personnes a eu recours à la plate-forme officielle. 1 051 614 individus, toutes nationalités confondues et dont 119 033 âgées de 75 ans et plus, seraient inscrits.
Selon des estimations non officielles, la population libanaise dépasse les 4 millions, avec 865 531 réfugiés syriens et près de 200 000 réfugiés palestiniens. Toutefois, le nombre de travailleurs étrangers a aussi baissé. Quelques 9780 permis de travail ont été délivrés à des travailleurs étrangers par la sécurité générale libanaise en 2020, soit une baisse de 83% par rapport aux 57957 délivrés en 2019, une conséquence de l'effondrement économique et de la difficulté de payer les travailleurs étrangers en dollars américains.
L'ancien ministre libanais Hassan Mneimneh, président du Comité de dialogue libanais palestinien, révèle à Arab News que: «Depuis le lancement de la compagne de vaccination et de la plate-forme électronique, j'ai rencontré les leaders palestiniens et les personnes concernées à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens dans le Proche-Orient (UNRWA) afin d'encourager les réfugiés palestiniens à s'inscrire pour le vaccin. Certains efforts sont déployés, néanmoins, il existe de nombreux obstacles à l’enregistrement des réfugiés, tels que l’indisponibilité de l’Internet dans les camps de réfugiés. De plus, certaines personnes ont des illusions injustifiées sur le vaccin, même si les centres libanais spécifiés pour la vaccination ne sont pas du tout loin des camps palestiniens et peuvent être atteints sans aucun coût supplémentaire».
Mneimneh constate par ailleurs que «le Liban reçoit un petit nombre de vaccins, et que par conséquent, le processus de vaccination est lent, et n'inclut jusqu'à présent que les personnes âgées, un chiffre qui ne dépasse pas les 10 000 chez les Palestiniens».
Il a ajouté que «des réunions sont organisées avec le ministère de la Santé, dans le but d'inciter les gens à s'inscrire pour le vaccin. Le ministère nous a informés que d'ici deux jours, une plate-forme de l'UNRWA, liée à la plate-forme officielle, sera mise en place afin de faciliter le processus d'enregistrement».
Des 82 000 réfugiés syriens qui se sont inscrits, seuls 690 ont reçu le vaccin à ce jour.
Le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) au Liban, Amro Al-Naim, explique à Arab News que «les équipes du HCR sur le terrain aident les réfugiés à s'enregistrer sur la plate-forme en ligne, notamment les personnes âgées et celles qui ont une connexion limitée ou même qui n’ont pas l’Internet chez elles. Le déplacement est également prévu pour les réfugiés sans moyens de transport, pour les aider à se rendre aux centres de vaccination».
Il ajoute: «Grâce à nos diverses plateformes de médias sociaux, nos centres d'appels et nos canaux de communication dédiés, le HCR travaille avec les réfugiés de manière à s'assurer que les informations sur le vaccin soient facilement accessibles à tous, et pour s’opposer aux risques de fausses informations autour de vaccin et de la Covid-19 afin de réduire les hésitations et les résistances des gens à la vaccination».
Un employé affecté auprès des réfugiés syriens confie que la lenteur de la distribution des vaccins pour les migrants est en partie due au fait qu'un nombre important d'entre eux sont sans papiers.
«Ils craignent d'être expulsés du Liban s'ils s'enregistrent. Ils ne peuvent pas quitter les camps pour aller aux centres de vaccination. Il y a aussi le facteur économique: leur priorité est de fournir de la nourriture à leurs familles, et le coût de se rendre dans un centre de vaccination éloigné de leurs camps est trop élevé».
Le HCR précise qu'encourager les réfugiés à se faire vacciner ne se limite pas qu’aux Syriens, car de nombreux autres réfugiés sont originaires d'autres pays comme l'Irak.
Le réfugié irakien Boulos Botros, 75 ans, s'est adressé à d'autres réfugiés sur Twitter après avoir été vacciné, les encourageant à se faire inoculer. «J'encourage les personnes âgées ainsi que les jeunes à se faire vacciner, afin de se débarrasser de ce virus mortel», dit-il.
Cependant, le président du Comité de la voix des réfugiés syriens au Liban, Abou Ahmad Soubaiah, révèle que «la plupart des réfugiés syriens dans les camps d'Arsal, lieu où se trouve le plus grand nombre de camps au Liban, ne sont pas convaincus, et ne souhaitent pas recevoir le vaccin, car ils ne font pas confiance au HCR qui les a complétement négligés. Ils ne voient pas l’intérêt de se faire vacciner dans des conditions de vie difficiles qui les empêchent d’être optimistes d’avoir un avenir meilleur».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com