ALGER : Pendant longtemps, Khaled Drareni a été le journaliste très BCBG qui a fait les beaux jours de plusieurs médias et interviewé un grand nombre de personnalités, y compris le président Abdelmadjid Tebboune. Connu pour son professionnalisme et son engagement pour les causes nobles, qui lui vaudront la reconnaissance de ses pairs et un succès populaire, il a été de toutes les batailles, notamment à la faveur du Hirak, non sans déboires et démêlés avec la justice. À travers cet entretien à bâtons rompus, Arab News en français a tenté d’en savoir un peu plus sur ce journaliste militant, et dans quel état d’esprit il aborde son retour sur le terrain.
La Cour suprême a accepté le pourvoi en cassation présenté par vos avocats. Quel est votre sentiment?
C’est un sentiment plutôt positif, car c’est ce que nous espérions avec mon collectif d’avocats. La Cour suprême nous a donné raison, nous espérons maintenant que le nouveau procès dont nous attendons la programmation va corriger l’énorme erreur judiciaire dont j’ai été victime en août et en septembre 2020.
Faites-vous confiance à la justice algérienne?
Je fais confiance à ma famille, à mes proches, aux avocats, à tous mes soutiens en Algérie et dans le monde qui ont cru en mon combat pour une presse libre en Algérie et qui ont cru en mon innocence. Quant à la justice algérienne, j’espère qu’elle corrigera le dérapage judiciaire dont j’ai été victime.
«Khaled Drareni est un khabarji (“informateur”) à la solde de parties étrangères.» Cette accusation vous touche-t-elle? Et quelle est votre réponse à tous ceux qui le pensent et qui relaient ce propos?
C’est une accusation habituelle que l’on colle facilement à ceux qui dérangent. Je ne suis pas le premier à la subir et je ne serai certainement pas le dernier. Une accusation sans preuves ni éléments tangibles, juste pour ne pas avouer qu’on a mis un journaliste en prison pour avoir fait son travail de journaliste. Entre l’été 2019 et février 2020, j’ai été arrêté et interrogé près de quinze fois par les services de sécurité. À aucun moment on ne m’a posé une question en ce sens (travail pour des parties étrangères). Toutes les questions concernaient ma couverture du Hirak et mes publications sur les réseaux sociaux.
Qu’en est-il de la liberté de presse et d’expression en Algérie?
Je suis triste pour l’état de la presse en Algérie. Jamais la situation n’a été aussi critique, des dizaines de journalistes ont été persécutés, poursuivis, emprisonnés, menacés. La protection de la liberté de la presse n’est qu’un slogan en Algérie et n’a rien de réel. Nous pensions que le Hirak allait changer les choses et faire libérer la presse. C’est tout le contraire qui s’est produit. Pour contrôler le Hirak et l’affaiblir, les autorités ont décidé de contrôler la presse et les journalistes qui couvrent ce Hirak. La liste des journalistes persécutés est tristement longue: Abdelkrim Zeghileche, Said Boudour, Sofiane Merrakchi, Abdelmonji Khelladi, Adel Azeb Echikh, Mustapha Bendjama et bien d’autres. Le combat pour une presse libre en Algérie doit se poursuivre.
Vous vous dites déterminé à mener ce combat universel en tant que journaliste algérien. Comment cela?
Je me sens concerné par ce combat juste et légitime pour une presse libre en Algérie, au Maghreb et dans le monde. En Algérie, les journalistes continuent d’être persécutés lorsqu’ils décident de travailler librement et sans ordres. Au Maroc, deux journalistes, Omar Radi et Souleyman Raissouni, sont actuellement en prison pour avoir fait leur travail. Ce combat doit être collectif, nous devons le faire pour nous et pour les générations de journalistes à venir.
Sitôt libéré, vous avez repris vos activités journalistiques et vous continuez à couvrir le Hirak. N’avez-vous pas peur des représailles ou d’être emprisonné une nouvelle fois?
Si j’avais peur des représailles, je ne serais pas allé en prison pendant onze mois. Je pense que je suis arrivé à un stade où la peur n’est plus une option. Le journalisme est le seul métier que je sais faire. La chose la plus terrible en prison, c’est d’être privé d’exercer son travail de journaliste, il était donc pour moi normal de revenir rapidement à ce formidable métier que j’exerce avec bonheur depuis quinze ans.