PARIS : Dans un passé, pas si lointain, l’Algérie a bien connu le christianisme. L’histoire de Taos Amrouche, dite «Marguerite Taos Amrouche» en témoigne. Née le 4 mars 1913 à Tunis et décédée le 2 avril 1976 dans le quartier Saint-Michel, à Paris. Amrouche est une artiste, écrivaine d’expression française et interprète de chants traditionnels kabyles. C’est la fille de la poétesse Fadhma Aït Mansour Amrouche.
Issue d’une famille kabyle chrétienne d’Algérie, Taos Amrouche est considérée comme l’une des premières femmes écrivaines algériennes de langue française. Après ses études, celle qui fut la sœur du poète et journaliste Jean Amrouche, la maîtresse de Jean Giono et l’amie d’André Gide s’installe à Paris, où elle publiera quatre romans et un recueil de contes, largement autobiographiques. Douée d’une voix exceptionnelle, elle est également l’une des grandes figures de la chanson berbère. Le sentiment d’exil et de solitude est omniprésent dans ses œuvres.
L’influence du christianisme, introduit en Algérie dès l’époque romaine, a connu un déclin lors des invasions vandales, mais s’est de nouveau renforcée durant l’ère byzantine, avant de disparaître progressivement avec les invasions arabes au VIIe siècle. Ce cheminement historique s’est traduit en une Algérie dont la population est pour sa grande majorité musulmane. Cependant, même si l’islam est la religion d’État et le prosélytisme religieux interdit en Algérie, la loi garantit la liberté de culte, ce qui se traduit par l’existence d’une communauté chrétienne qui, malgré son statut d’infime minorité, suscite un grand intérêt.
Les chrétiens d’Algérie, de plus en plus acceptés, ne se cachent plus mais ne s’affichent pas pour autant, ils vivent leur foi dans la discrétion totale. L’Algérie abrite la basilique Notre-Dame d’Afrique (Lella Myriem) à l’ouest d’Alger, perchée à 124 mètres d’altitude; mais aussi la chapelle Santa Cruz à Oran, classée monument national en 2008, où se déroula une cérémonie de béatification des dix-neuf martyrs assassinés pendant les années de terrorisme; et enfin la plus grande église protestante dans tout le Maghreb, située à Tizi Ouzou.
Pour en savoir un peu plus sur cette minorité si discrète, Arab News en français s’est adressé à Salah Chellah, pasteur de l’église protestante de Tizi Ouzou, capitale de la Grande Kabylie, en lui posant quelques questions auxquelles il a répondu à cœur ouvert.
«L’hostilité» des régions arabophones
Ainsi, il estime qu’il y a en Algérie entre 35 000 et 40 000 chrétiens, principalement à Tizi Ouzou, mais aussi à Bejaïa et Oran. «Beaucoup de croyants ont peur de manifester leur foi dans d’autres régions de crainte d’être persécutés», précise le pasteur algérien. «En Kabylie, on ne voit pas d’hostilité, mais dans les régions arabophones, la haine et le mépris envers les chrétiens est manifeste.»
En 2009, le décompte de l’ONU mentionnait 45 000 catholiques romains et entre 50 000 et 100 000 protestants dans un pays qui reste parsemé d’églises construites durant la période coloniale. Ces dernières années, le nombre de conversions au christianisme aurait légèrement augmenté selon l’ONU. Les chiffres restent cependant très modestes, avec environ 0,2% de chrétiens en Algérie en 2009. Les conversions se concentrent principalement en Kabylie, notamment dans la wilaya de Tizi Ouzou, qui compte entre 1% et 5% de chrétiens. Ainsi, dans l’église protestante de Tizi Ouzou, sont célébrés des mariages et des funérailles. «À la fin de la cérémonie de mariage, on invite les mariés à monter sur l’estrade pour faire les échanges de promesses devant les frères et sœurs dans la foi ainsi que les invités non chrétiens, puis on invite l’église à s’élever et à bénir les mariés», explique Salah Chellah. «Pour les décès, tout dépend de la famille du défunt. Si la famille est convertie et veut une cérémonie, nous la tenons. Sinon, nous laissons les familles enterrer le défunt selon le rite traditionnel et les coutumes du village.»
Pendant la décennie noire, durant laquelle 250 000 Algériens ont perdu la vie, la communauté chrétienne n’a pas été épargnée. En 1996, Monseigneur Pierre Claverie, évêque d’Oran, est assassiné par des terroristes. Ce meurtre a eu lieu peu de temps après celui des moines de Tibhirine et de six religieuses.