WASHINGTON: Joe Biden a étrillé vendredi l'adoption en Géorgie d'une loi électorale présentée par les républicains pour rendre les élections plus «sûres» mais qui piétine, selon le président démocrate, «les valeurs américaines» en limitant l'accès aux urnes et visant particulièrement les électeurs afro-américains.
Dans cet Etat du Sud portant encore les plaies de la ségrégation, une mobilisation record, électeurs noirs en tête, a permis à Joe Biden de remporter l'Etat en novembre 2020. Une première pour un candidat démocrate à la Maison Blanche en près de trois décennies.
Et en janvier, les démocrates ont transformé l'essai avec les victoires surprises de leurs candidats, Jon Ossoff et Raphael Warnock, face aux deux sénateurs républicains sortants. Deux sièges qui ont permis à leur parti de reprendre le contrôle du Sénat.
Pour Donald Trump, qui n'a jamais concédé explicitement sa défaite, les victoires démocrates en Géorgie symbolisent bien les «fraudes» qui ont selon lui entaché le scrutin du 3 novembre. Malgré ses nombreuses actions en justice, elles n'ont jamais été démontrées.
Mais à travers les Etats-Unis, des responsables républicains citent désormais le «manque de confiance» dans le système électoral pour justifier quelque 250 projets de lois qui pourraient limiter l'accès au vote dans plus de 40 Etats, sur 50.
Et jeudi, le gouverneur républicain de la Géorgie, Brian Kemp, a promulgué l'un de ces textes, se disant «fier» de pouvoir assurer que les prochaines élections en Géorgie seraient «sûres, justes et accessibles».
«Félicitations à la Géorgie», a réagi vendredi Donald Trump dans un communiqué.
«Ils ont tiré les leçons de cette mascarade d'élection présidentielle en 2020», a-t-il ajouté en concluant: «Dommage que ces changements ne soient pas arrivés plus tôt!»
«Passé sombre»
«Triste jour pour la Géorgie», un rappel de son «passé sombre»: le texte a au contraire provoqué un tollé chez les démocrates. Avec en plus puissant porte-voix le président américain.
«C'est atroce», a lancé Joe Biden vendredi devant les journalistes.
«Ils ont approuvé une loi disant qu'on n'a pas le droit de donner de l'eau aux gens qui attendent pour voter», a-t-il dénoncé. «Pas besoin d'en savoir plus pour comprendre qu'il s'agit de pratiques punitives pour empêcher les gens de voter.»
Lors de la présidentielle de novembre, les électeurs avaient parfois attendu de longues heures pour pouvoir voter pendant les journées ouvertes au vote anticipé.
Des volontaires étaient alors passés distribuer des vivres dans la chaleur moite encore lourde de la Géorgie à l'automne.
Or la nouvelle loi interdit effectivement de donner de «la nourriture et des boissons à un électeur». Les responsables électoraux pourront néanmoins «donner accès à une fontaine».
Ce texte «va à l'encontre des valeurs américaines afin de priver les électeurs de leur droit de vote», a martelé le 46e président des Etats-Unis dans un communiqué.
«Nous avons l'obligation morale, et constitutionnelle, d'agir».
«Manque de confiance»
Avec la pandémie, les possibilités de voter par anticipation et par courrier avaient été élargies, «avec une hausse spectaculaire des bulletins envoyés par correspondance», affirme le texte de loi. Ces scrutins ont engendré un «manque important de confiance dans le système électoral» en Géorgie, poursuit-il.
La loi républicaine restreint le nombre d'urnes installées dans la rue pour déposer les bulletins («drop box») et leurs horaires d'ouverture, renforce les contrôles sur l'identité des électeurs votant par correspondance, et limite le délai autorisé pour demander ses bulletins par procuration.
«Cette loi sape notre démocratie et le pouvoir politique des électeurs noirs», a réagi la puissante association de défense des droits civiques, ACLU.
Dès jeudi, plusieurs organisations oeuvrant pour mobiliser les électeurs en Géorgie ont porté plainte contre la nouvelle législation.
De plus, à Washington, les démocrates promettent de tout faire pour adopter un vaste projet de loi qui renforcerait le droit de vote à travers les Etats-Unis.
Déjà adopté à la Chambre, le texte sera soumis à un vote au Sénat, a promis son chef démocrate Chuck Schumer.
Mais sa majorité est bien trop étroite pour qu'il y soit adopté en l'état, à moins d'une réforme explosive des règles de la chambre haute.
Malgré cette réalité, Joe Biden a exhorté vendredi le Congrès à adopter cette loi, en concluant: «Laissez le peuple voter.»