Liban: une «ébauche de gouvernement» évoquée, mais un profond pessimisme subsiste

Le président libanais Michel Aoun et le Premier ministre Saad Hariri se rencontrent à nouveau lundi (Photo, AFP/HO/DALATI AND NOHRA).
Le président libanais Michel Aoun et le Premier ministre Saad Hariri se rencontrent à nouveau lundi (Photo, AFP/HO/DALATI AND NOHRA).
Short Url
Publié le Lundi 22 mars 2021

Liban: une «ébauche de gouvernement» évoquée, mais un profond pessimisme subsiste

  • Dépréciation de la livre libanaise, explosion de la pauvreté et du chômage: sous le regard affligé de la communauté internationale, tous les indicateurs ont viré au rouge vif au Liban
  • Les partis politique du pays restent absorbés par leurs marchandages, se disputant comme si de rien n'était la répartition des portefeuilles

BEYROUTH: Désigné il y a bientôt six mois, le Premier ministre Saad Hariri rencontre à nouveau lundi le président libanais Michel Aoun pour lui soumettre une « ébauche de gouvernement », mais l'heure reste à un profond pessimisme dans un pays en plein effondrement économique.

Dépréciation de la livre libanaise, explosion de la pauvreté et du chômage : sous le regard affligé de la communauté internationale, tous les indicateurs ont viré au rouge vif dans un Liban où l'érosion du pouvoir d'achat et la précarisation provoquent la colère et le dégoût de l'opinion publique, avec des manifestations et des blocages de routes sporadiques.

Si le Premier ministre désigné Hariri reste intraitable sur un gouvernement de technocrates composé uniquement de 18 ministres, le chef de l'influent mouvement chiite du Hezbollah, Hassan Nasrallah l'a appelé à revoir sa formule pour y inclure des représentants des partis --et en garantir ainsi, selon lui, le succès.

Comme jeudi dernier, Hariri est attendu lundi après-midi au Palais présidentiel de Baabda pour rencontrer le président Aoun et lui soumettre « une ébauche de gouvernement ».

Pour autant, « les divergences sont toujours là, (et) la situation n'est pas propice à la naissance d'un gouvernement », a affirmé lundi matin une source proche des négociations.

Trois fois Premier ministre, Saad Hariri, un des piliers de la classe politique traditionnelle, a été chargé en octobre de former un nouveau gouvernement attendu pour des réformes de toute urgence.

Résultat ? Une demi-année plus tard ou presque, les partis restent absorbés par leurs marchandages, se disputant comme si de rien n'était la répartition des portefeuilles, dans un pays multiconfessionnel mis en coupes réglées par les barons des diverses communautés.

« Aucun espoir »

Le gouvernement actuel, qui gère les affaires courantes, a démissionné en août après l'explosion dévastatrice du port de Beyrouth (plus de 200 morts, des milliers de blessés), un coup de grâce pour une population déjà exténuée par la crise et la pandémie.

Lundi, le profond pessimisme ambiant se retrouve à la une des grands quotidiens.

« Le Premier ministre Hariri se rend une nouvelle fois à Baabda, sans aucun espoir sur la possibilité d'une sortie de crise », tranche Al-Akhbar.

Selon ce quotidien proche du Hezbollah, le président Aoun réclame le portefeuille de l'Intérieur, ainsi qu'une minorité de blocage --un tiers-- au sein du gouvernement.

« Rien ne semble indiquer qu'on se dirige vers un déblocage », confirme le quotidien francophone L'Orient-Le Jour, évoquant des « pourparlers qui tournent en rond ».

Les récentes déclarations du chef du Hezbollah étaient déjà venues ajouter des complications.

Jeudi, il a plaidé pour un gouvernement alliant technocrates et politiciens. « Un gouvernement de technocrates qui ne serait pas protégé par les forces politiques ne pourra ni sauver le pays ni prendre des décisions », a-t-il argué.

Depuis, c'est silence radio du côté de Hariri. « L'objectif principal de n'importe quel gouvernement sera tout d'abord de stopper l'effondrement, (en coopération) avec le Fonds monétaire international, et de restaurer la confiance de la communauté internationale », avait-il auparavant indiqué.

« De toute urgence »

Le Premier ministre désigné avait rencontré Aoun jeudi après une énième poussée de fièvre. Le président avait lancé un ultimatum, lui enjoignant de former « immédiatement » un gouvernement ou de rendre son tablier.

La crise économique s'est accompagnée d'une forte dépréciation sur le marché noir de la monnaie nationale --à ce jour, 11 000 livres pour un dollar. Le taux officiel reste de 1 507 livres pour un dollar, quasiment dix fois moins.

A ce jour, les injections de la communauté internationale n'ont pas fait bouger une classe politique qui a déjà survécu à l'automne 2019 à un soulèvement populaire inédit fustigeant la « corruption » et l' « incompétence » des dirigeants.

Jeudi, devant le Conseil de sécurité de l'ONU, une responsable onusienne a de nouveau exhorté les autorités libanaises « à agir de toute urgence ».

« Les forces politiques doivent immédiatement faciliter la formation d'un gouvernement pleinement habilité à entreprendre les réformes nécessaires pour mettre le Liban sur la voie du redressement », ont dit les membres du conseil.

Récemment, une source diplomatique française avait estimé que les Européens et Américains devaient accroître les « pressions », brandissant même la menace de « sanctions ».


Liban: un mort dans une frappe israélienne dans le sud

Des personnes inspectent un véhicule incendié qui aurait été touché par une frappe israélienne à Ghazieh, près de Sidon, le 18 avril 2025. (AFP)
Des personnes inspectent un véhicule incendié qui aurait été touché par une frappe israélienne à Ghazieh, près de Sidon, le 18 avril 2025. (AFP)
Short Url
  • Une personne a été tuée vendredi dans un nouveau raid israélien visant un véhicule près de la ville côtière de Saïda, dans le sud du Liban
  • Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre après deux mois de guerre entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne mène régulièrement des attaques au Liban

GHAZIYEH: Une personne a été tuée vendredi dans un nouveau raid israélien visant un véhicule près de la ville côtière de Saïda, dans le sud du Liban, a indiqué le ministère libanais de la Santé.

Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre après deux mois de guerre entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne mène régulièrement des attaques au Liban, affirmant viser combattants et infrastructures du mouvement islamiste libanais soutenu par l'Iran.

"Le raid mené par l'ennemi israélien contre une voiture sur la route Saïda-Ghaziyeh a fait un mort", a indiqué le ministère de la Santé.

Après la frappe, le véhicule tout-terrain a pris feu, provoquant un nuage de fumée noire dans le ciel, selon un journaliste de l'AFP sur place. L'armée libanaise a bouclé la zone et les pompiers sont intervenus pour maîtriser les flammes.

La frappe n'a pas été revendiquée dans l'immédiat, mais l'armée israélienne a affirmé avoir tué plusieurs combattants du Hezbollah parmi lesquels des "commandants" cette semaine dans le sud du pays.

Après le début de la guerre à Gaza déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque du Hamas sur le sol israélien, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël, tirant des roquettes sur le territoire israélien, disant agir ainsi en soutien aux Palestiniens.

En septembre 2024, le conflit a dégénéré en guerre ouverte avec des bombardements israéliens intenses au Liban qui ont décimé la direction du Hezbollah et fait plus de 4.000 morts, selon les autorités.


Explosion au port de Beyrouth: première comparution d'un ex-ministre

Une photo montre une vue du port de Beyrouth, site d'une énorme explosion qui a dévasté la capitale libanaise trois ans plus tôt, le 22 juillet 2023. (AFP)
Une photo montre une vue du port de Beyrouth, site d'une énorme explosion qui a dévasté la capitale libanaise trois ans plus tôt, le 22 juillet 2023. (AFP)
Short Url
  • Un ancien ministre de l'Intérieur a comparu jeudi pour la première fois devant le juge libanais chargé de l'enquête sur la gigantesque explosion au port de Beyrouth en 2020
  • En 2021, le juge Tarek Bitar avait été contraint de suspendre son enquête sur cette explosion qui a fait plus de 220 morts et plus de 6.500 blessés en raison de pressions politiques

BEYROUTH: Un ancien ministre de l'Intérieur a comparu jeudi pour la première fois devant le juge libanais chargé de l'enquête sur la gigantesque explosion au port de Beyrouth en 2020, a indiqué une source judiciaire à l'AFP.

En 2021, le juge Tarek Bitar avait été contraint de suspendre son enquête sur cette explosion qui a fait plus de 220 morts et plus de 6.500 blessés en raison de pressions politiques.

Une série d'actions en justice avaient en outre été intentées contre lui par des responsables politiques et fonctionnaires cités dans l'enquête, notamment l'ancien ministre de l'Intérieur, Nohad al-Machnouk, soupçonné de "négligence et manquements".

Le juge a repris en février ses investigations, après l'élection de Joseph Aoun à la présidence de la République et la nomination d'un Premier ministre réformateur, Nawaf Salam, qui se sont tous deux engagés à garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Selon la source judiciaire qui a requis l'anonymat, l'interrogatoire a porté sur un rapport que M. Machnouk avait reçu le 5 avril 2014, alors qu'il était ministre de l'Intérieur, concernant la "détention d’un navire dans les eaux territoriales libanaises, dont l’équipage avait demandé à être autorisé à reprendre la mer".

Le 4 août 2020, l'une des plus grandes explosions non nucléaires de l'histoire a dévasté des pans entiers de la capitale libanaise.

La déflagration a été provoquée par un incendie dans un entrepôt où étaient stockées sans précaution des tonnes de nitrate d'ammonium acheminées par navire, malgré des avertissements répétés aux plus hauts responsables.

Pointées du doigt pour négligence criminelle, les autorités libanaises, qui étaient au courant des dangers encourus, ont rejeté toute enquête internationale.

L'enquête avait notamment été suspendue après les accusations de partialité du juge proférées par le Hezbollah, désormais très affaibli par sa dernière guerre contre Israël fin 2024. Le parti qui dominait la vie politique libanaise avait demandé le renvoi de M. Bitar.

Deux juges de la direction des enquêtes de Paris sont attendus à Beyrouth à la fin du mois, pour présenter à M. Bitar les éléments recueillis par la justice française, trois ressortissants français figurant parmi les victimes, selon une source judiciaire.

Le 11 avril, deux anciens hauts responsables de la sécurité avaient également comparu pour la première fois devant M. Bitar.


Cellule terroriste: Amman partage les détails de l’enquête avec Beyrouth

Le roi Abdallah de Jordanie et le président libanais Joseph Aoun. (AFP)
Le roi Abdallah de Jordanie et le président libanais Joseph Aoun. (AFP)
Short Url
  • Beyrouth ne sait pas si des citoyens libanais sont impliqués dans un groupe de fabrication de missiles
  • Les services de renseignement de l'armée arrêtent deux Palestiniens pour contrebande d'armes à la frontière libano-syrienne

BEYROUTH: Le président libanais Joseph Aoun a été informé, mercredi, par le roi Abdallah de Jordanie des résultats de l'enquête sur une cellule de fabrication de missiles découverte en Jordanie. Deux membres de cette cellule avaient été envoyés au Liban pour y suivre une formation.

Selon son bureau de presse, M. Aoun a exprimé la «pleine disposition du Liban à la coordination et à la coopération» entre les deux pays et a chargé le ministre de la Justice Adel Nassar de travailler avec son homologue jordanien, en coopération avec les agences de sécurité et judiciaires, sur les enquêtes et l'échange d'informations.

Une source judiciaire a déclaré à Arab News que les services de renseignement de l'armée libanaise «suivaient de près l'affaire de la cellule terroriste et nous ne savons pas encore si des Libanais sont impliqués».

«Cette agence a demandé à la Jordanie de lui fournir des informations concernant les enquêtes, de s'appuyer sur les enquêtes libanaises et, dans le cas où une implication libanaise serait prouvée, l'affaire serait alors renvoyée à la justice libanaise», a déclaré cette personne.

Parallèlement, les services de renseignement de l'armée libanaise ont déclaré avoir arrêté deux Palestiniens dans la ville de Sidon, dans le sud du pays, pour «commerce et contrebande d'armes militaires à travers la frontière libano-syrienne, et ont saisi plusieurs armes et munitions militaires en leur possession».

Le commandement de l'armée a déclaré que les détenus faisaient l'objet d'une enquête sous la supervision du pouvoir judiciaire.

Les médias ont rapporté que les deux hommes étaient des membres de l'appareil de sécurité du mouvement Hamas à Sidon.

Aucune agence de sécurité officielle n'a confirmé l'existence d'un lien entre les arrestations et la cellule jordanienne.

Mardi, l'agence de presse jordanienne a cité des responsables des services de renseignement qui ont déclaré qu'«une série de complots visant la sécurité nationale du pays ont été déjoués et 16 personnes soupçonnées de préparer des actes de chaos et de sabotage ont été arrêtées».

Les plans prévoyaient la production de missiles à l'aide de matériaux locaux et de composants importés. Des explosifs et des armes à feu ont été découverts, ainsi qu'un missile dissimulé prêt à être utilisé.

Les 16 suspects sont soupçonnés d'avoir participé à la mise au point de drones, d'avoir recruté et formé des individus au niveau national et d'en avoir envoyé d'autres à l'étranger pour qu'ils y poursuivent leur formation.

Selon les déclarations des suspects, deux membres de la cellule – Abdallah Hicham et Muath al-Ghanem – ont été envoyés au Liban pour coordonner leurs activités avec une figure importante de l'organisation et recevoir une formation.

En décembre, l'armée libanaise a lancé un processus de désarmement des factions palestiniennes situées à l'extérieur des camps de réfugiés palestiniens. Ces factions, fidèles à l'ancien régime syrien, étaient principalement basées dans la région de la Békaa, le long de la frontière avec la Syrie, et dans la région méridionale.

Le Premier ministre Nawaf Salam a exprimé «l'entière solidarité du Liban avec la Jordanie dans la lutte contre les complots qui menacent sa sécurité et sa stabilité» et sa «volonté de coopérer avec les autorités jordaniennes en cas de besoin concernant les informations selon lesquelles certaines personnes impliquées dans ces complots ont reçu une formation au Liban», selon son bureau de presse.

Lors du lancement du projet de réhabilitation de la route de l'aéroport de Beyrouth, M. Salam a déclaré que les questions de sécurité sur la route de l'aéroport étaient «en cours d'examen avec le ministre de la Défense Michel Menassa et le ministre de l'Intérieur Ahmed Hajjar».

Au cours des dernières 48 heures, la municipalité de Beyrouth a entrepris des efforts pour retirer des rues de la capitale les drapeaux des partis et les images des politiciens et des chefs de partis, en particulier ceux qui sont associés au Hezbollah.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com