Pourquoi le Liban s'est retrouvé à court d'argent et que peut-il faire maintenant?

Un manifestant antigouvernemental porte une pancarte indiquant «La banque est en sécurité, la monnaie est morte» devant la Banque centrale libanaise, dans la capitale Beyrouth, le 16 mars 2021 (AFP / Photo d’archive)
Un manifestant antigouvernemental porte une pancarte indiquant «La banque est en sécurité, la monnaie est morte» devant la Banque centrale libanaise, dans la capitale Beyrouth, le 16 mars 2021 (AFP / Photo d’archive)
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Publié le Vendredi 19 mars 2021

Pourquoi le Liban s'est retrouvé à court d'argent et que peut-il faire maintenant?

  • En quelques semaines, la livre libanaise a perdu environ 20 % de sa valeur par rapport au dollar sur le marché noir
  • Il n’existe pas de moyen indolore de sortir de la spirale économique et de la dévaluation sans fin de la monnaie

LONDRES: Ces deux dernières semaines, la livre libanaise a perdu plus de 20 % de sa valeur par rapport au dollar sur le marché noir. Depuis octobre 2019, le taux de change a chuté de 90 %, affectant tout le monde dans le pays. 

Ces chiffres sont frappants. Le 16 mars, trois bureaux de change ont déclaré à l'agence de presse AFP qu'ils achetaient le dollar pour 14 800 à 14 900 livres libanaises (1 dollar = 0,84 euro). 

La monnaie est indexée sur le dollar et le taux officiel est fixé à 1 507,5 livres libanaises pour un dollar. Les dollars ne sont toutefois généralement pas disponibles au taux officiel du fait de la crise économique, raison pour laquelle les taux du marché noir s'appliquent. 

En 2020, le Liban était le quatrième pays le plus endetté au monde derrière le Japon, la Grèce et l'Érythrée. En mars dernier, le pays a fait défaut sur sa dette internationale pour la première fois de son histoire. Depuis, il n'y a eu aucune réforme économique et aucun plan de paiement n'a été décidé. 

La situation est exacerbée par la crise bancaire et les effets de la pandémie. Les banques du pays risquent la faillite, ayant prêté jusqu'à 70 % de leurs actifs à un État et à une Banque centrale insolvables. Le pays a perdu sa solvabilité et a recours à l'impression de monnaie, de plus en plus dévaluée, alimentant ainsi davantage l'inflation. 

La dépréciation de la livre a entraîné une inflation stupéfiante de 84 % en 2020. Pour aggraver les choses, l'inflation des denrées alimentaires s'est élevée à 402 %. Dans le même temps, le produit intérieur brut (PIB) du Liban s’est contracté de 25 % l’année dernière. 

La Banque mondiale estime que 50 % de la population libanaise est passée sous le seuil de pauvreté, ce qui est ahurissant pour un pays connu il y a soixante ans comme la «Suisse du Moyen-Orient». 

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La Banque mondiale estime que 50 % de la population libanaise est passée sous le seuil de pauvreté (Photo par Marwan Tahtah) 

La situation économique est pire aujourd'hui qu'elle ne l'était pendant la guerre civile des années 1970 et 1980. 

Ce que nous observons au Liban est un cercle vicieux classique: plus l'économie se détériore, plus la monnaie se déprécie et vice versa. Les chiffres reflètent une économie défunte. 

La situation était déjà mauvaise avant l’explosion dévastatrice du 4 août dernier qui a détruit le port de Beyrouth et une grande partie de la ville. Depuis, l’économie du pays a glissé encore plus dans le précipice. 

Le pays est littéralement à court d'argent. Les réserves étrangères sont passées de quelque 30 milliards de dollars il y a un an à près de 16 milliards de dollars, dont seulement 1 à 1,5 milliard de dollars sont disponibles pour subventionner les importations de produits alimentaires et de carburant. 

Ces réserves sont importantes car la Banque centrale subventionne essentiellement les prix du blé, des médicaments et du carburant en fournissant aux importateurs des devises fortes au taux de change officiel. 

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Le gouvernement libanais a jusqu'à présent été particulièrement inactif, face à une crise économique sans précédent, alors que le ressentiment grandit (Photo par Omar El-Sayyed) 

Compte tenu de la diminution des réserves de change, le ministre des Finances par intérim, Ghazi Wazni, a annoncé mardi que les subventions seraient supprimées pour plusieurs produits non essentiels, tels que les noix de cajou et le café de marque. Les subventions à l'essence passeront de 90 % à 85 %. 

Toutes ces pressions financières frappent durement les Libanais et la situation ne s’améliorera pas de sitôt. Le gouvernement s'attend à ce que l'inflation atteigne 77 % cette année – et cette estimation a été faite avant la suppression des subventions susmentionnées. 

Plus la monnaie se déprécie, plus l'inflation devient incontrôlable. Le prêt de 246 millions de dollars de la Banque mondiale pour soutenir les 786 000 personnes les plus pauvres du pays n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan, tout comme le million de livres par mois que le gouvernement veut accorder aux familles les plus pauvres. 

Le gouvernement libanais est jusqu'à présent resté particulièrement inactif face à une crise économique sans précédent. M. Wazni a annoncé qu'il souhaite imposer une taxe de 1 % sur les dépôts bancaires supérieurs à 1 million de dollars et prélever 10 à 30 % sur les intérêts que les banques perçoivent des dépôts auprès de la Banque centrale. 

Ces propositions tomberont complètement à plat face aux banques et aux déposants qui ont déjà subi des décotes de plus de 60 % sur leurs dépôts.  

Ce que nous observons au Liban est un cercle vicieux classique: plus l'économie se détériore, plus la monnaie se déprécie et vice versa. Les chiffres reflètent une économie défunte. 

Cornelia Meyer 

Le plan du gouvernement de dévaluer la monnaie et d'œuvrer en faveur d'un taux de change flexible, bien que louable, ne peut fonctionner qu'en conjonction avec un programme complet de réformes économiques, qui devra être soutenu par le Fonds monétaire international (FMI) pour des raisons de crédibilité. 

La situation s'est tellement aggravée il y a une semaine que le président libanais, Michel Aoun, a tenté de réprimer le taux de change du marché noir en baisse constante en ordonnant aux forces de sécurité d'intervenir lorsque le taux de change dépasse 10 000 livres libanaises. 

Il a justifié son ordre en soulignant les «répercussions dangereuses sur la sécurité sociale du pays» que provoque la détérioration du taux de change. 

Son discours n'a pas pu stopper la chute de la monnaie, pas plus que ses forces de sécurité. Hassan Diab, Premier ministre par intérim du pays, a également averti ce mois-ci que le Liban pourrait sombrer plus profondément dans le chaos en raison de la chute continue du taux de change. 

Des manifestants en colère ont bloqué les autoroutes et les rues, scandalisés par l'inaction politique et la corruption face à des souffrances économiques indicibles. 

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Mettre fin à la crise ne sera pas une tâche facile, d'autant plus que le peuple libanais a déjà enduré d'énormes difficultés économiques (Photo par Omar el-Sayyed) 

Un plan global de réformes économiques et un renflouement du FMI sont essentiels pour restaurer la confiance dans l'économie libanaise. Les réformes exigées par le FMI auront un prix, et les politiciens devront être prêts à l'expliquer à la population.  

Ce ne sera pas une tâche facile, d'autant plus que le peuple libanais a déjà enduré d'énormes difficultés économiques, ce qui signifie que de nouvelles souffrances susciteront inévitablement des oppositions.  

Quelle que soit la manière dont nous considérons les problèmes économiques du Liban, ils ne peuvent être dissociés de la politique nationale. Le pays a besoin d'un gouvernement qui puisse être un partenaire avec lequel les institutions internationales et les prêteurs bilatéraux peuvent négocier. 

La scène politique au Liban est complexe, avec des nuances sectaires et géopolitiques qui trouvent leurs origines dans la guerre civile et les complexités géopolitiques de l’environnement régional, y compris l'influence de l'Iran et du Hezbollah. 

Le gouvernement intérimaire, dirigé par un Premier ministre qui veut démissionner depuis longtemps et qui n'a pas de mandat pour négocier avec le FMI, sera incapable de convaincre la population d'accepter les mesures draconiennes requises comme partie intégrante de tout accord avec le prêteur. 

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Une photo montre la valeur en livres libanaises d'un billet de 100 dollars au taux de change du marché noir (1 500 000 livres libanaises) à Beyrouth le 16 mars 2021 (AFP / Photo d’Archive) 

Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont clairement indiqué qu'ils sont prêts à soutenir un gouvernement libanais compétent et réformateur, mais qu’ils ne veulent pas financer des classes politiques dépassées qui ne semblent pas disposées à former un gouvernement. 

En d'autres termes, le FMI a besoin d'un partenaire avec lequel négocier un programme global de réformes en échange d'un plan de sauvetage. 

Le FMI exigera également, comme condition préalable à tout engagement, un audit complet de la Banque centrale du Liban, une perspective inconfortable pour certains membres de la classe politique. 

Il n’existe aucun moyen de sortir du cercle vicieux économique de la nation et de la dévaluation sans fin et incontrôlée de sa monnaie, sans un programme comprenant des réformes économiques et fiscales de grande envergure. 

Tant que ceux qui sont au pouvoir au Liban demeureront réticents à montrer leur volonté de mettre en œuvre de telles réformes, le FMI aura les mains liées et les alliés occidentaux tels que les États-Unis, la France et le Royaume-Uni refuseront de leur venir en aide. 

Cornelia Meyer est une économiste titulaire d’un doctorat, qui a trente ans d’expérience dans le domaine de la banque d’investissement et de l’industrie. Elle est présidente et PDG de la société de conseil aux entreprises Meyer Resources.

Twitter : @MeyerResources 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com 


France: forte contraction de l'activité du secteur privé en novembre, selon l'indice PMI Flash

Le Premier ministre français Michel Barnier prononce un discours lors du forum d'affaires trilatéral France-Italie-Allemagne à Paris, le 22 novembre 2024. Le Forum trilatéral, qui en est à sa sixième édition, réunit les associations professionnelles MEDEF, Confindustria et BDI des trois pays, qui représentent les secteurs industriels des plus grandes économies européennes. (AFP)
Le Premier ministre français Michel Barnier prononce un discours lors du forum d'affaires trilatéral France-Italie-Allemagne à Paris, le 22 novembre 2024. Le Forum trilatéral, qui en est à sa sixième édition, réunit les associations professionnelles MEDEF, Confindustria et BDI des trois pays, qui représentent les secteurs industriels des plus grandes économies européennes. (AFP)
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  • "De très nombreuses entreprises interrogées ont imputé cette baisse de l'activité globale à la faiblesse de la demande" de la part des entreprises et des ménages, indique le communiqué
  • "Les données de l'enquête indiquent une accélération de la contraction, tant dans le secteur des services que dans l'industrie manufacturière en milieu de quatrième trimestre", soulignent S&P et HCOB

PARIS: L'activité du secteur privé français a enregistré en novembre sa plus forte contraction depuis janvier, avec un indice PMI Flash en recul pour le troisième mois consécutif, indiquent vendredi l'agence S&P Global et la Hamburg Commercial Bank (HCOB), qui calculent cet indice.

Le PMI Flash s'est établi à 44,8 en novembre, au plus bas depuis dix mois, contre 48,1 en octobre.

"De très nombreuses entreprises interrogées ont imputé cette baisse de l'activité globale à la faiblesse de la demande" de la part des entreprises et des ménages, indique le communiqué.

"Les données de l'enquête indiquent une accélération de la contraction, tant dans le secteur des services que dans l'industrie manufacturière en milieu de quatrième trimestre", soulignent S&P et HCOB.

La production a ainsi "fortement baissé" dans le secteur manufacturier, avec un taux de contraction le plus élevé depuis décembre 2023. Les fabricants attribuent cette baisse de l’activité à plusieurs facteurs, dont la faiblesse des secteurs automobile, cosmétique et du BTP, ainsi qu’une conjoncture morose sur les marchés étrangers.

"Les prestataires de services ont quant à eux mentionné un manque de visibilité économique et politique, se traduisant par une plus grande réticence des clients à engager des dépenses". L'activité "a ainsi enregistré son plus fort recul depuis janvier dernier" dans les services.

Le volume des nouvelles affaires s'est lui aussi contracté en novembre, une baisse qui est "la plus marquée depuis quatre ans". Cette tendance "reflète principalement une forte diminution des nouvelles commandes dans l’industrie manufacturière".

Le recul global des ventes "s’explique également par un très fort repli de la demande étrangère, les tensions géopolitiques et l’affaiblissement de la demande en provenance des Etats-Unis", qui ont entraîné "la plus forte contraction des nouvelles affaires à l’export depuis mai 2020".

Les perspectives d’activité pour les douze prochains mois "sont orientées à la baisse pour la première fois depuis mai 2020" dans le secteur privé en novembre, car de nombreuses entreprises craignent que la faiblesse prolongée de la demande soit synonyme d'une contraction de l'activité au cours de 2025.

Les répondants à cette enquête expliquent leur pessimisme par "le climat d’incertitude actuel, engendré notamment par la morosité de la conjoncture économique", et "par la fermeture d’entreprises et la faiblesse des secteurs de l’automobile et du BTP".

S&P et HCOB relèvent toutefois "une tendance favorable" sur un point: "l'emploi est reparti à la hausse", avec un taux de création de postes à un plus haut depuis six mois, "exclusivement" dû à une augmentation des effectifs dans les services.


450 000 emplois dans le secteur saoudien du divertissement d'ici 2030, selon le ministère de l'Investissement

La progression rapide du secteur du divertissement s'aligne sur les objectifs de la Vision 2030 du Royaume. (Shutterstock)
La progression rapide du secteur du divertissement s'aligne sur les objectifs de la Vision 2030 du Royaume. (Shutterstock)
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  • L'Arabie saoudite a délivré 34 permis d'investissement dans l'industrie du divertissement au cours du troisième trimestre de l'année
  • La progression rapide du secteur du divertissement s'aligne sur les objectifs de la Vision 2030 du Royaume, qui visent à réduire la dépendance du pays aux revenus du pétrole brut

RIYAD: Le secteur du divertissement en Arabie saoudite devrait créer 450 000 emplois et pourrait contribuer à hauteur de 4,2% au produit intérieur brut du pays d'ici à 2030, selon un nouveau rapport.

Dans son dernier communiqué, le ministère de l'Investissement du Royaume indique que l'Arabie saoudite a délivré 34 permis d'investissement dans l'industrie du divertissement au cours du troisième trimestre de l'année, ce qui représente une augmentation de 13% par rapport aux trois mois précédents.

Le ministère a ajouté que le nombre total de permis d'investissement délivrés dans le secteur du divertissement entre 2020 et la fin du troisième trimestre s'élevait à 303.

«Conformément à l’initiative saoudienne Vision 2030, l'Arabie saoudite vise à diversifier son économie et à améliorer la qualité de vie en promouvant le tourisme et la culture saoudienne à l'échelle internationale pour attirer les visiteurs. Le secteur du divertissement est un pilier crucial pour atteindre ces objectifs ambitieux, en se concentrant sur l'amélioration de la qualité de vie à travers diverses activités culturelles et de divertissement», a déclaré le ministère de l'Investissement.

La progression rapide du secteur du divertissement s'aligne sur les objectifs de la Vision 2030 du Royaume, qui visent à réduire la dépendance du pays aux revenus du pétrole brut, qui dure depuis des décennies.

En 2016, l'Arabie saoudite a créé l'Autorité générale pour le divertissement en vue de stimuler l'industrie du divertissement et des loisirs. Depuis, le Royaume a connu des développements notables, notamment la réouverture de salles de cinéma en 2018.

Selon le rapport, l'Arabie saoudite a délivré 2 189 permis dans le secteur du divertissement au cours des cinq dernières années.

Le Royaume a également accueilli 26 000 événements au cours des cinq dernières années, attirant plus de 75 millions de participants.

Le ministère a ajouté que l'essor du secteur du divertissement catalysait également la croissance du secteur du tourisme dans le Royaume.

Le rapport indique que le nombre de touristes entrants dans l'industrie du divertissement a atteint 6,2 millions en 2023, ce qui représente une augmentation de 153,3% par rapport à 2022.

Les dépenses des touristes entrants dans l'industrie du divertissement ont atteint 4 milliards de riyals saoudiens (1,07 milliard de dollars; 1 dollar = 0,95 euro) en 2023, soit une augmentation de 29,03% par rapport à l'année précédente.

«Le secteur du divertissement est un domaine vital et dynamique du Royaume, agissant comme un catalyseur pour le secteur du tourisme. En accueillant divers événements et activités, il stimule le tourisme et attire les visiteurs, ce qui se traduit par une augmentation des dépenses touristiques et un renforcement de l'économie locale», a déclaré le ministère de l'Investissement.

En 2023, le secteur du divertissement a attiré 35 millions de touristes locaux, soit une augmentation de 17% par rapport à 2022.

Les dépenses des touristes locaux en 2023 étaient de 4,7 millions de riyals saoudiens, ce qui représente une baisse marginale de 8,5% par rapport à l'année précédente.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Black Friday, moment privilégié pour les cadeaux de Noël, réjouit les e-commerçants et désespère les indépendants

Un piéton passe devant un magasin lors du Black Friday à Paris, le 25 novembre 2022. (AFP)
Un piéton passe devant un magasin lors du Black Friday à Paris, le 25 novembre 2022. (AFP)
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  • Une nouvelle opportunité pour faire ses achats de Noël avant l'heure, que saisiront "près de 60% des consommateurs français" cette année, selon une étude du Boston Consulting Group (BCG)

PARIS: Dépassé, le lèche-vitrine des boutiques enguirlandées de Noël? Faire ses cadeaux durant le Black Friday séduit désormais les consommateurs, une tendance mettant au défi logistique les acteurs de la vente en ligne, et désespérant les commerces indépendants.

Loriane, 26 ans, achète ses cadeaux de Noël pendant le Black Friday car "les offres sont plus intéressantes, ça permet de faire de plus beaux cadeaux", justifie auprès de l'AFP la jeune femme, qui travaille au ministère de l’Intérieur. Pareil pour Marlène, 53 ans, salariée d'Orange, qui recherche "les meilleures offres". Son collègue Julien, 42 ans, confirme : "En boutique l’année dernière, les gens se pressaient plus pour le Black Friday qu'à Noël".

Né aux États-Unis, le Black Friday a été introduit en France par Amazon "il y a à peu près 15 ans", rappelle à l’AFP Frédéric Duval, le directeur général d'Amazon.fr.

Une nouvelle opportunité pour faire ses achats de Noël avant l'heure, que saisiront "près de 60% des consommateurs français" cette année, selon une étude du Boston Consulting Group (BCG).

Les consommateurs plébiscitent le "large choix de produits, les prix bas et la livraison rapide", selon M. Duval.

Cet événement commercial est toujours lancé le vendredi après Thanksgiving, et se tiendra cette année le 29 novembre.

- Black Month -

"Aujourd’hui, le plus gros mois pour la consommation, c’est novembre" plutôt que décembre, abonde Marc Lolivier, délégué général de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), qui juge auprès de l'AFP que ce phénomène "a cinq, six ans".

Evénement devenu phare de la vente en ligne, le Black Friday oblige les logisticiens à s'adapter pour faire face à l'afflux colossal de colis.

A titre d'exemple, en 2022, sur la semaine qui a suivi le Black Friday, La Poste avait livré 13,7 millions de colis. Elle en attend "16 millions en 2024", chiffre Jean-Yves Gras, le directeur général de Colissimo.

Certains entrepôts passent dès le mois de novembre "en trois-huit, sept jours sur sept, le dimanche et la nuit", comme à Cdiscount, décrit à l'AFP son PDG Thomas Métivier.

Les équipes sont massivement reforcées: Amazon recrute ainsi 8.000 saisonniers pour novembre-décembre.

Le défi est également technologique, comme pour Cdiscount, dont le site est visité par 10 millions de clients ce jour-là, contre 17 millions par mois en temps normal. "De loin la plus grosse journée de l’année en termes de trafic et d’achats", ce qui conduit les équipes à réaliser des crash-tests pour éprouver la robustesse de leur site internet, raconte M. Métivier.

Au fil des ans, le Black Friday est devenu une "Black Month", constate Quentin Benault, directeur général délégué de Mondial Relay, qui explique que les commerçants proposent des promotions dès le début du mois de novembre. Un soulagement pour les acteurs de l'e-commerce, car cela leur permet de lisser la charge logistique sur un mois plutôt qu'un seul jour.

- "Ça tue le commerce" -

Mais le Black Friday ne fait pas que des heureux. L’Union des Fabricants (Unifab), qui défend la propriété intellectuelle des industriels, alerte : cette période marquée par une profusion de colis en circulation "est une aubaine pour les contrefacteurs", leurs produits passant plus facilement entre les gouttes des contrôles.

"Plus de 8 millions de jeux et de jouets de contrefaçon ont été saisis par les douanes en 2023, la majorité au moment du Black Friday", rappelle sa directrice générale Delphine Sarfati-Sobreira à l'AFP.

Le Black Friday "tue la notion du commerce", déplore aussi Thibaut Ringo, directeur général d'Altermundi, un réseau de boutiques prônant une consommation responsable. "Le consommateur n’attend qu’une chose : qu'on fasse des remises mais nous, les commerçants indépendants, on ne peut pas s'aligner", se désole-t-il.

La Confédération des commerçants de France s'indigne, elle aussi, et met en garde contre des remises "pouvant être basées sur des prix de référence artificiels" et "des stocks spécifiques de moindre qualité proposés à prix cassés". Contre cette "concurrence déloyale", elle appelle à "mieux protéger [les] petits commerçants, qui font vivre [les différents] territoires".