VERSAILLES: « Ce n'est pas moi sur la vidéo » : l'humoriste controversé Dieudonné M'bala M'bala a maintenu lundi être victime d'un trucage numérique, « le deepfake », lors de la reprise de son procès à Versailles où il était jugé pour outrage à l'encontre d'une magistrate.
Cette défense inattendue avait poussé en novembre le tribunal correctionnel à ordonner des nouvelles investigations sur l'authenticité de la vidéo incriminée, publiée le 8 avril 2020 sur YouTube puis retirée.
On y entend Dieudonné critiquer vigoureusement les réquisitions d'une magistrate de Nanterre à l'encontre d'une pharmacienne, comparant notamment la magistrate aux femmes ayant collaboré au régime nazi.
Une perquisition a eu lieu au domicile de M. M'bala M'bala et dans les locaux de sa société de spectacle mais « les gendarmes n'ont pas constaté de local où aurait pu être tournée la vidéo », a rapporté le président de la chambre.
« Il aurait pu la réaliser chez un ami », a rétorqué Me Rémi-Pierre Drai, avocat de la magistrate, regrettant que la vidéo n'ait pas été « soumise à un spécialiste de l'intelligence artificielle ».
Le deepfake est une technique sophistiquée consistant, entre autres, à superposer un visage sur un autre. Lors de la première audience, l'avocat de Dieudonné avait diffusé plusieurs extraits montrant de faux Emmanuel Macron ou Barack Obama.
Lundi, Me Drai a fait valoir la « qualité si parfaite » de la vidéo, prouvant selon lui son authenticité : on y voit même « la progression des rayons du soleil », a-t-il relevé en la faisant revisionner.
« Il est extrêmement complexe d'aboutir à un deepfake de haute qualité sur une durée de plus de deux minutes », a abondé le procureur, requérant 20 000 euros d'amende.
En novembre, le procureur avait balayé l'argument du deepfake en relevant notamment que Dieudonné n'avait pas porté plainte pour usurpation d'identité.
A la barre lundi, le prévenu a indiqué avoir déposé plainte le 9 décembre. « Ce n'est pas moi sur la vidéo », a-t-il répété.
« Dans cette affaire, Dieudonné a été victime d'une vidéo truquée destinée à lui nuire », a déclaré son avocat, demandant sa relaxe et précisant que son client était par ailleurs concerné par « cinq autres affaires » de « vidéos deepfake » à Paris.
« Le temps est venu pour le droit de la presse de faire sa révolution 2.0 car aujourd'hui, avec les deepfake, l'image n'est plus une preuve », a ajouté Me De Stefano, évoquant un procès « inédit et important ».
« Aujourd'hui, devant votre tribunal, se joue quelque chose d'important », a aussi déclaré Me Drai, voyant « une première » dans ce procès. « Si vous relaxez M. M'bala M'bala », « n'importe quel prévenu » pourra invoquer le deepfake « au bénéfice du doute », a-t-il dit aux juges.
La décision a été mise en délibéré au 14 avril.