Musique et «NFT»: ruée vers l'or dans un Far west aux contours juridiques flous

Le groupe de rock américain Kings of Leon s'est fait entendre en vendant son dernier album, « When you see yourself » en version « NFT » (Photo, AFP).
Le groupe de rock américain Kings of Leon s'est fait entendre en vendant son dernier album, « When you see yourself » en version « NFT » (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 15 mars 2021

Musique et «NFT»: ruée vers l'or dans un Far west aux contours juridiques flous

  • C'est un sigle auquel il faut s'habituer. «NFT», c'est un «non-fungible token», ou jeton non fongible : une œuvre numérique à l'ADN en théorie non-piratable
  • Le monde de l'art en perd déjà son latin : une œuvre entièrement numérique de l'artiste américain Beeple a été vendue le 11 mars 69,3 millions de dollars par la maison d'enchères Christie's

PARIS: Kings of Leon, Mike Shinoda (Linkin Park), Grimes : les musiciens se mettent au diapason des « NFT », objets virtuels aux ventes en vogue mais qui soulèvent des interrogations, notamment en termes de droits. 

C'est un sigle auquel il faut s'habituer. « NFT », c'est un « non-fungible token », ou jeton non fongible : une œuvre numérique à l'ADN en théorie non-piratable, grâce à la technologie « blockchain », popularisée par les cryptomonnaies telles le bitcoin. Le monde de l'art en perd déjà son latin : une œuvre entièrement numérique de l'artiste américain Beeple a été vendue le 11 mars 69,3 millions de dollars par la maison d'enchères Christie's. 

Une semaine auparavant, sans provoquer un tel vacarme, le groupe de rock américain Kings of Leon s'est également fait entendre en vendant son dernier album, « When you see yourself » en version « NFT », en même temps qu'il le proposait via les plateformes classiques telles Spotify ou Apple. 

Les fans pouvaient en outre acquérir aux enchères des « NFT » autour des visuels du groupe (avec la patte de Matthew Followill, guitariste du groupe et photographe à ses heures perdues). Les enchères pouvaient aussi déboucher sur du concret/physique comme des vinyles collectors ou des « tickets d'or » offrant des places à vie au premier rang pour tous les shows du groupe dans le monde. 

Plus de 2 millions de dollars --dont 600 000 reversés à un fonds de solidarité du tourneur Live Nation pour ses techniciens musicaux au chômage, Covid-19 oblige-- ont été récoltés, selon la bible musicale américaine Rolling Stone. 

Engouement

Un engouement qui témoigne « de l'appétit des fans pour davantage de moyens de se connecter aux musiciens qu'ils aiment », expose Josh Katz, patron et fondateur de YellowHeart, plateforme-rampe de lancement utilisée par les Kings of Leon pour l'opération. 

Les rockeurs du Tennessee ne sont pas les premiers musiciens à faire leur gamme dans les « NFT ». Mike Shinoda, figure du groupe US de rap/metal Linkin Park, avait déjà vendu un single en mode « NFT », avec un visuel animé créé aux côtés de l'artiste contemporain anglais Cain Caser. La presse s'est aussi fait l'écho des enchères qui ont rapporté 12 millions de dollars au DJ américain 3Lau (avec des « NFT » pour fêter les 3 ans de son album « Ultraviolet ») et 6 millions de dollars pour la chanteuse canadienne Grimes (compagne d'Elon Musk) avec des packages création audiovisuelle/titre inédit.

Les « NFT » sont-ils alors la nouvelle terre promise ? « Les NFT ouvrent une nouvelle ère pour la musique », assure Josh Katz. « On commence à voir l'industrie musicale aller vers un modèle décentralisé » avec des artistes qui « vont monétiser des contenus à nouveau ». L'idéal du « direct to fans », « directement avec les fans », n'est pas loin.

Droit moral et bilan écologique

Maxime Thibault, responsable expertises Innovation et Transition écologique au Centre national de la musique (CNM) en France, est plus nuancé. « Il y a des aspects positifs, on peut financer ses projets, même sans être très connu, et on peut soigner les relations avec ses fans, voire ses super-fans », décrit-il avant de mettre en lumière des « bémols ». « Va se poser la question des droits perçus : qui touche quoi entre compositeur, interprète, producteur, notamment si les NFT sont ensuite revendus ? », synthétise le spécialiste. 

La circonspection tourne à l'alarmisme chez Emily Gonneau, auteure de « L'Artiste, le Numérique et la Musique ». « Si cette technologie se met au service des artistes, c'est très bien, mais s'il n'y a pas de garde-fou, les artistes risquent d'être dépossédés de leur droit moral », pointe l'experte.

« N'importe qui peut se dire créateur et sampler n'importe quoi avec les NFT », insiste-t-elle. Et de mettre en garde contre une tentation de « spéculation de personnes n'ayant rien à voir avec la création, ni les créateurs, et ayant accès à cette technologie ; là on est dans une ruée vers l'or dans un Far west où rien n'est encadré ». 

Maxime Thibault pose aussi la question du « bilan écologique » : « la technologie blockchain est énormément énergivore, l'Ethereum (réseau de cryptomonnaie) représente ainsi la consommation énergétique d'un pays comme l'Equateur selon certaines projections, ça peut être un frein ».


La cigogne, annonciatrice du changement climatique en Alsace

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  • Malgré le froid vif d'un matin de février, l'échassier symbole de l'Alsace se gave à Wintzenbach, à l'extrémité nord-est de l'Hexagone
  • "Ça fait quelques années où régulièrement en hiver je compte à peu près une centaine de cigognes présentes sur le site"

WINTZENBACH: Elles reviennent de plus en plus tôt, voire ne migrent plus du tout: les cigognes sont de retour depuis janvier en Alsace, où la douceur hivernale leur permet de se nourrir toute l'année, y compris dans des déchetteries.

Au sommet d'un vaste centre d'enfouissement en forme de pyramide à degrés, plusieurs dizaines de cigognes évoluent au milieu des déchets, loin de l'image idyllique du bel oiseau noir et blanc perché sur sa cheminée.

Malgré le froid vif d'un matin de février, l'échassier symbole de l'Alsace se gave à Wintzenbach, à l'extrémité nord-est de l'Hexagone.

"Ça fait quelques années où régulièrement en hiver je compte à peu près une centaine de cigognes présentes sur le site", témoigne Charles Helbling, bénévole local de la Ligue de protection des oiseaux (LPO).

Sur ce total, difficile de savoir combien d'animaux viennent de rentrer de leur migration hivernale et combien n'ont pas du tout quitté le secteur. Surtout que pour certains volatiles, l'Alsace, c'est déjà le midi.

"Il y a une cigogne qui a été observée par un collègue récemment dans le secteur. Ils ont pu lire la bague qu'elle avait à la patte et c'était une cigogne qui venait d'Allemagne du nord et s'est arrêtée ici", raconte M. Helbling à l'AFP.

La cigogne blanche revient de loin en Alsace: quasiment disparue dans les années 1970, elle a bénéficié d'une politique de protection et voit ses effectifs s'envoler. La LPO a dénombré 1.634 couples nicheurs l'an dernier, soit un doublement de la population en l'espace de 10 ans.

'Moins de risques'

La raison? Les cigognes sont de moins en moins nombreuses à effectuer la migration qui les emmène traditionnellement par-delà la Méditerranée, sur des milliers de kilomètres.

Celles qui partent le font plus tard et reviennent plus tôt. "On les revoit deux-trois semaines plus tôt en Alsace. D'habitude, elles rentrent vers la mi-février. Maintenant, certaines sont de retour dès la mi-janvier", explique Yves Muller, président de la LPO Alsace.

"Avant, elles allaient jusqu'en Afrique équatoriale. Mais depuis quelques décennies, elles partent seulement autour de la Méditerranée: dans le sud de la France, au Maroc ou en Espagne", relève-t-il. "Comme les cigognes partent moins loin, il y a moins de risques et la mortalité diminue".

Selon lui, le changement climatique est à l'origine de ce bouleversement, car les cigognes peuvent plus facilement gober toute l'année les 300 vers de terre qu'elles avalent volontiers chaque jour.

"Autrefois, en hiver, il faisait très froid en Alsace. Les cigognes ne trouvaient pas à manger car tout était gelé. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui: elles trouvent ce dont elles ont besoin dans des décharges en plein air".

"On ne sait pas vraiment ce qu'elles y mangent. Mais si elles y sont, c'est qu'il y a forcément quelque chose qui les intéresse, comme des rongeurs".

Grêle fatale 

La question interpelle Michaël Gruny, directeur du Smictom Nord Alsace, qui gère le centre d'enfouissement de déchets non recyclables de Wintzenbach.

Selon lui, le site n'enfouit plus d'ordures ménagères depuis 2017 et a une obligation de dératisation. Les déchets enfouis sur place ne sont pas toxiques et ne menacent pas en principe la vie des cigognes, souligne-t-il.

Mais pour Charles Helbling, de la LPO, les cigognes "peuvent aussi ingérer des substances et des produits qui ne sont pas bons", comme des sacs en plastique ou des élastiques.

Il reconnaît cependant n'avoir pas retrouvé de cigognes mortes à proximité du site.

Le retour avancé des cigognes présente d'autres risques: l'animal revenant plus tôt, il s'accouple plus tôt également et les cigogneaux ont tendance à naître avant les beaux jours.

Ces naissances précoces ont été fatales l'an dernier à nombre d'oisillons, victimes d'intempéries début mai alors que leurs plumes n'étaient pas encore étanches.

"Des cigogneaux qui venaient de naître ont été tués par la grêle", rapporte Raphaël Picard, chargé de communication à Cigoland, un parc de loisirs du Bas-Rhin qui accueille plus d'une centaine de cigognes aux beaux jours.

 


Le musée de Marrakech rouvre ses portes en rendant hommage à l'art africain

L’exposition marquant la réouverture propose une sélection poignante d’œuvres à travers divers médiums, notamment la photographie, la peinture, le textile, l’art vidéo, la sculpture et les installations. (Saad Alami)
L’exposition marquant la réouverture propose une sélection poignante d’œuvres à travers divers médiums, notamment la photographie, la peinture, le textile, l’art vidéo, la sculpture et les installations. (Saad Alami)
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  • Conçu à l’origine par l’architecte français Didier Lefort, le musée était fermé depuis le printemps 2023. Cette fermeture a eu lieu quelques mois avant la nuit du 8 septembre 2023, lorsqu’un puissant séisme de magnitude 6,8 a frappé le sud de Marrakech
  • Ce tremblement de terre, le plus fort enregistré dans le pays depuis plus d’un siècle, a gravement endommagé des dizaines de bâtiments dans la ville, dont beaucoup sont encore en cours de reconstruction

DUBAÏ : Le Musée d’Art Contemporain Africain Al-Maaden, qui a rouvert ses portes la semaine dernière, revient à son « cœur » en mettant en avant les artistes du continent, tout en insufflant une « vie nouvelle et différente », selon son cofondateur Othman Lazraq.
Inauguré en 2018 comme premier musée d’art contemporain de Marrakech par Othman Lazraq et son père Alami, le MACAAL abrite la vaste collection de la famille Lazraq, l’une des plus importantes collections privées d’art moderne et contemporain africain sur le continent.
Conçu à l’origine par l’architecte français Didier Lefort, le musée était fermé depuis le printemps 2023. Cette fermeture a eu lieu quelques mois avant la nuit du 8 septembre 2023, lorsqu’un puissant séisme de magnitude 6,8 a frappé le sud de Marrakech.
Ce tremblement de terre, le plus fort enregistré dans le pays depuis plus d’un siècle, a gravement endommagé des dizaines de bâtiments dans la ville, dont beaucoup sont encore en cours de reconstruction.
Le musée rénové a célébré sa réouverture avec la nouvelle exposition permanente « Sept Contours, Une Collection », présentant plus de 150 œuvres en rotation issues de la majorité des 54 pays africains.
L’objectif est de mettre en avant l’ampleur et la diversité de l’art du continent, tout en brisant les stéréotypes réducteurs et en favorisant l’inclusivité.
« Nous avons réalisé qu’il nous fallait un changement majeur, et ce changement consistait à revenir au cœur de ce que le musée représente pour nous, c’est-à-dire un rôle plus éducatif », a déclaré Lazraq, architecte de profession et associé du Lazraq Studio, à Arab News.
« L’art africain fait partie intégrante de l’identité de la collection, et nous voulions le partager plus largement. »
Désormais, le musée adoptera un format d’exposition semi-permanent, présentant 150 œuvres en rotation issues d’une collection de 2 500 pièces.
L’exposition marquant la réouverture propose une sélection poignante d’œuvres à travers divers médiums, notamment la photographie, la peinture, le textile, l’art vidéo, la sculpture et les installations.
Parmi les œuvres notables figurent celles du peintre marocain Mohamed Melehi, du moderniste marocain Farid Belkahia, du photographe malien Malick Sidibé, de l’artiste congolais Pierre Bodo, du peintre soudanais Salah Elmur, ainsi que de la photographe franco-marocaine Leila Alaoui.
Pour la refonte du musée, le MACAAL a confié au scénographe Franck Houndegla la création d'une nouvelle médiathèque et d'un espace permanent permettant d'accueillir une vaste collection d'art africain issue de la collection de la famille Lazraq. Le musée a également lancé un nouveau programme de commandes de sculptures in situ. 
« Je veux insuffler une vie nouvelle et différente au musée », a déclaré Lazraq, en expliquant son souhait d’y intégrer la musique, la performance et le design dans les espaces temporaires.
« La mission du musée a toujours été de démocratiser l’accès à l’art pour un public plus large. »
« Son objectif le plus important est d’inspirer une génération d’artistes afin qu’ils se sentent en sécurité et accueillis — qu’ils sachent qu’il existe un musée où leurs œuvres peuvent être exposées et collectionnées. »


Clément Hervieu-Léger nommé à la tête de la Comédie-Française

L'acteur français Clément Hervieu-Leger prononce un discours lors d'une cérémonie marquant le 100e anniversaire du philosophe et sociologue français Edgar Morin au palais de l'Élysée à Paris, le 8 juillet 2021. (AFP)
L'acteur français Clément Hervieu-Leger prononce un discours lors d'une cérémonie marquant le 100e anniversaire du philosophe et sociologue français Edgar Morin au palais de l'Élysée à Paris, le 8 juillet 2021. (AFP)
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  • C'est un candidat "maison" qui a été choisi par l'Elysée: Clément Hervieu-Léger, 48 ans, acteur et metteur en scène subtil de la Comédie-Française sera à partir d'août le prochain administrateur général de l'institution
  • Le ministère de la Culture en a fait l'annonce mercredi, en lui confiant pour mission d'œuvrer "à la présentation et à l'exploitation du répertoire actuel" de la maison dite de Molière

PARIS: C'est un candidat "maison" qui a été choisi par l'Elysée: Clément Hervieu-Léger, 48 ans, acteur et metteur en scène subtil de la Comédie-Française sera à partir d'août le prochain administrateur général de l'institution, dont il devra assurer le "rayonnement".

Le ministère de la Culture en a fait l'annonce mercredi, en lui confiant pour mission d'œuvrer "à la présentation et à l'exploitation du répertoire actuel" de la maison dite de Molière, "tout en veillant à son élargissement à des œuvres contemporaines ou anciennes (...) pas (...) encore présentées".

"Il aura à cœur de piloter le développement des tournées, de la politique audiovisuelle, ainsi que de politiques en direction des jeunes et des publics éloignés de la culture", précise-t-il encore.

Autre travail confié: mener d'importants travaux de mises aux normes, de restauration et de rénovation énergétique des différents sites du théâtre.

Plus ancienne troupe de théâtre au monde encore en activité, la Comédie-Française est née en 1680 lorsque son ancien protecteur Louis XIV décide de fusionner sa troupe avec une autre. Elle connaîtra quatre salles avant d'atterrir à la Salle Richelieu, près du Palais-Royal à Paris, où elle se produit depuis 1799.

L'Elysée a fait le choix de la candidature interne: Clément Hervieu-Léger est membre depuis 2005 de la troupe et est devenu sociétaire en 2018.

Au cours des vingt années passées au cœur de cette troupe, l'acteur a incarné Robespierre dans "La Mort de Danton" de Georg Büchner, dirigé par Simon Delétang, Dorante dans "Le Bourgeois gentilhomme" de Molière, créé par Valérie Lesort et Christian Hecq ou encore Günther von Essenbeck dans "Les Damnés" de Visconti distribué par le metteur en scène Ivo van Hove.

"La tâche est immense et enthousiasmante", a commenté M. Hervieu-Léger dans un communiqué de la Comédie-Française. "Je présenterai précisément mon projet pour la Comédie-Française à l'issue de cette période de passation", à savoir jusqu'à sa prise de fonctions en août, a-t-il annoncé.

- Opéra, ballet -

"Nous avons d'importants travaux à mener la saison prochaine Salle Richelieu et devrions être hors les murs pendant six mois", a indiqué à l'AFP une porte-parole de l'institution.

Clément Hervieu-Léger a été formé au Conservatoire du 10e arrondissement de Paris, dans la classe de Jean-Louis Bihoreau, et a travaillé avec Lilo Baur, Denis Podalydès, Jean-Pierre Vincent, Robert Wilson...

Metteur en scène, il s'est distingué pour avoir présenté en 2018, pour la première fois dans son intégralité en France, "L'Eveil du printemps", du dramaturge allemand Frank Wedekind, pièce qui explore le désir adolescent et avait été interdite pour pornographie à sa publication en 1891.

Cet artiste a aussi dirigé "Le Petit Maître corrigé" de Marivaux, "La Cerisaie" de Tchekhov.

Hors de la Comédie-Française, il a fondé sur ses terres normandes en 2010 avec Daniel San Pedro la Compagnie des Petits Champs, avec laquelle il présente ses propres projets. À son CV également, une collaboration avec Patrice Chéreau pendant une dizaine d'années: il l'assiste à la mise en scène d'opéras, joue dans le long métrage "Gabrielle" ainsi que dans la pièce "Rêve d'automne" de Jon Fosse, prix Nobel de littérature.

Il préside par ailleurs la Société d'histoire du théâtre et enseigne le théâtre à l'école de danse de l'Opéra de Paris.

La maison dont hérite l'acteur et metteur en scène a été dirigée pendant onze ans par Eric Ruf, dont "la dynamique d'ouverture", le "développement du mécénat", le "travail de fond sur l'égalité femme-homme, la diversité de la troupe", le travail sur "la diversité des publics", entre autres, ont été salués par le gouvernement.