La critique de l’Arabie saoudite dans le New York Times est de plus en plus fréquente ces derniers temps, mais un récent éditorial à la une de son édition internationale demandant au Royaume de suspendre le pèlerinage annuel du Hajj a cette fois franchi les limites du ridicule. Bien sûr, personne n’est à l’abri d’une remise en question, en particulier pour tout ce qui concerne la pandémie de coronavirus, car nous pouvons tous apprendre les uns des autres. Mais un journal qui inclut « New York » dans son nom devrait commencer par balayer devant sa porte, plutôt que de s’occuper d’un pays qui, statistiquement, gère clairement la crise d’une manière beaucoup plus efficace.
New York, dont la population atteint 8 millions d’habitants, a enregistré plus de 160 000 cas de coronavirus et plus de 12 000 décès. En revanche, l’Arabie saoudite, qui compte une population de 34 millions de personnes – soit quatre fois supérieure à celle de New York - n’a déclaré que 20 000 cas et 152 décès.
Les mesures décisives et audacieuses prises très tôt par l’Arabie saoudite, notamment l’arrêt des prières dans les mosquées et la suspension du pèlerinage à la Mecque pour les résidents et les voyageurs internationaux. New York est quant à elle devenue un foyer majeur de la pandémie, et dans la revue The New Yorker, Charles Duhhig, écrivain lauréat du Prix Pulitzer, a dénoncé « l’échec de la politique locale » pour faire face au coronavirus.
De toute évidence, personne n’affirme que le Hajj n’est pas une question importante, ou qu’elle ne devrait pas être débattue. Cependant, l’article du New York Times est construit de manière à induire les lecteurs en erreur, afin qu’ils pensent que Riyad a déjà pris sa décision et projette secrètement de maintenir le pèlerinage.
Cela n’est pas vrai. Tout ce que le Royaume a fait jusqu’à présent indique qu’il est plus que prêt à prendre toutes les mesures nécessaires pour limiter la propagation du coronavirus. Il a déjà demandé aux pèlerins potentiels du Hajj dans le monde de reporter leurs projets de voyage. Il est on ne peut plus clair que l’annulation du pèlerinage est toujours de mise. En effet, ce même journal a publié de nombreux articles rappelant les différents moments au cours de l’histoire où le Hajj a dû être interrompu en raison d’une épidémie ou d’une guerre.
Le timing de la décision saoudienne concernant le Hajj dépend de nombreux facteurs, notamment la capacité de garantir la santé et la sécurité des pèlerins, qui est, chaque année, au cœur de la politique saoudienne du Hajj. Les éditorialistes du New York Times sont libres d’exprimer leur opinion, mais leur point de vue sur la décision du Royaume de maintenir le Hajj, a bien peu de poids dans le monde musulman, ou partout ailleurs.
La compétence des journalistes du New York Times qui ont rédigé l’article pose aussi question. Quand je lis que le Dr. Ebrahim Moosa est professeur d’études islamiques à l’Université de Notre Dame, je m’attends à apprendre quelque chose de nouveau. Non pas, comme l’écrit le Dr. Moosa, que le Hajj est l’un des cinq piliers de l’Islam, ou que la présence de millions de pèlerins à La Mecque et à Médine durant la pandémie aura des conséquences fatales... Sérieusement?!
De plus, alors que ces comparaisons sont injustes, je me serais attendu, par souci d’équilibre, à ce que l’auteur souligne le fait que la décision précoce prise par l’Arabie saoudite de suspendre les prières et l’accès aux mosquées saintes a été prise à un moment où l’Iran refusait de faire de même à Qom. Alors que les religieux saoudiens exhortaient les gens à rester et à prier chez eux, les religieux Iraniens conseillaient à leurs citoyens de ne pas respecter la distanciation sociale, tout en distribuant des « parfums du Prophète » à des patients hospitalisés qui sont morts par la suite. De plus, alors que l’Arabie Saoudite prenait la décision douloureuse, bien que nécessaire, de fermer les deux mosquées saintes pour Ramadan, Israël interdisait toujours aux chercheurs scientifiques de travailler le samedi et ceux qui allaient à l’église aux Etats-Unis bravaient l’interdiction de rester chez eux.
Malheureusement, l’application du principe du « deux poids deux mesures » n’est plus inhabituel ou inattendu de la part de ce que le Président Trump qualifie de New York Times « défaillant », en réalité à juste titre, depuis que le New York Times a mené une campagne pour la destitution du président qui s’est soldée par un échec cuisant. De façon grotesque, le journal tente de se faire le porte-voix des 1.8 milliards de musulmans. Il ferait bien de se rappeler qu’il ne représente même pas les 63 millions d’Américains qui ont voté pour Trump – par conséquent, cela ne me surprend pas qu’il émette des jugements d’une aussi piètre qualité.
Faisal J. Abbas est rédacteur en chef d'Arab News. Twitter: @FaisalJAbbas
L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français
Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com.