JERUSALEM: Premier ministre le plus pérenne de l'histoire d'Israël, Benjamin Netanyahou est passé maître dans l'art de la survie politique, jouant la carte de la « défense » d'Israël pour y parvenir malgré les accusations de corruption qui le visent.
De quoi Netanyahou est-il le nom ? Ses opposants en Israël voient en lui un « Crime minister » et non un « Prime minister », allusion à ses démêlés avec la justice qui l'accuse de corruption, malversation et abus de confiance dans une série d'affaires.
Ses admirateurs voient au contraire en « Bibi » l'incarnation du nouveau « Roi d'Israël » pour sa défense arc-boutée du pays face à l'Iran et à son programme nucléaire, perçu comme le nouvel « Amalek » --l'ennemi mortel des Hébreux dans la Bible.
Parmi ces partisans, ce statut de grand protecteur a été renforcé par sa gestion de la menace Covid-19. Celle-ci, concentrée ces derniers mois sur l'intense campagne de vaccination, n'a toutefois pas empêché Israël de connaître d'importants pics de contamination, ni de susciter de vives critiques de la rue, qui reproche au Premier ministre de ne pas avoir suffisamment aidé les travailleurs ayant perdu leur emploi.
Et, après plus d'une trentaine de semaines de contestation hebdomadaire --les samedis d'après-shabbat--, ses détracteurs promettent de lui faire mordre enfin la poussière électorale, lors des élections législatives du 23 mars.
Sioniste convaincu
Voix rauque de ténor, cheveux argentés inamovibles, souvent vêtu d'un complet-cravate bleu sur chemise blanche, Benjamin Netanyahu, à ce jour seul Premier ministre né après la création d'Israël en 1948, est profondément marqué par l'héritage de la droite israélienne.
Né à Tel-Aviv le 21 octobre 1949, il tient ce bagage idéologique musclé de son père Benzion, ancien assistant personnel de Zeev Jabotinsky, leader de la tendance sioniste dite « révisionniste », favorable au « Grand Israël ».
A l'opposé du processus de paix israélo-palestinien d'Oslo, qu'il a contribué à enterrer, Netanyahu prône une vision d'Israël comme « Etat juif » avec des frontières s'étendant au nord-est jusqu'à la Jordanie, d'où ses déclarations en faveur de l'annexion de pans de la Cisjordanie occupée et ses mesures ayant favorisé un boom des colonies.
Au tournant des années 1970, dans l'après-guerre des Six-Jours, le jeune Benjamin effectue son service militaire dans un commando d'élite. Mais c'est surtout son frère aîné, Yoni, qui se fait remarquer dans les rangs de l'armée, creuset national.
En 1976, le glas sonne. Yoni, commandant de l'unité chargée de libérer les otages d'un vol Tel-Aviv/Paris en Ouganda, est tué pendant l'assaut israélien.
Ce décès ébranle profondément Benjamin Netanyahou, qui fera de la « lutte contre le terrorisme », qu'il associe souvent aux Palestiniens ou aux Iraniens, l'un des fils conducteurs de sa carrière.
Il a « bâti son personnage politique autour d'une image de force et de l'idée selon laquelle les Juifs ne pouvaient se satisfaire d'une foi tiède et devaient se montrer aussi durs que la région dans laquelle ils vivent », écrit dans ses mémoires l'ex-président américain Barack Obama.
Et de s'interroger si Benjamin Netanyahou, qui a « hérité du zèle de son père à défendre Israël », a aussi « hérité de l'hostilité paternelle décomplexée envers les Arabes ».
S'il maintient des propos durs à l'endroit du leadership palestinien, Netanyahou a aussi défendu la normalisation récente des relations avec des pays arabes (Emirats, Bahreïn, Soudan, Maroc), et rêve de l'étendre à l'Arabie saoudite.
Le cercle des intimes
Orateur né, pugnace, Benjamin Netanyahou est aussi diplomate de carrière, en poste aux Etats-Unis, pays où il a étudié, puis ambassadeur à l'ONU dans les années 1980.
De retour en Israël, il est élu sous la bannière du Likoud (droite), dont il devient, avec son style à l'américaine, l'étoile montante.
En 1996, à 47 ans, Netanyahou triomphe du doyen Shimon Peres et devient le plus jeune Premier ministre de l'histoire d'Israël. Mais son règne est de courte durée : trois ans.
Il finit toutefois par revenir à sa passion, la politique, et reprend la tête du Likoud, jusqu'à redevenir Premier ministre en 2009. Depuis, Israël n'a plus connu d'autre chef de gouvernement que lui.
« C'est le gardien de but de la nation et il ne laisse aucun ballon entrer. C'est pourquoi il est toujours au pouvoir », affirme Colin Shindler, professeur à la School of oriental and asian studies de Londres.
Si, élections après élections, une partie de l'électorat lui témoigne de sa confiance, lui ne semble l'accorder qu'à un cercle restreint de collaborateurs.
Aujourd'hui, plusieurs de ses rivaux sont d'anciens ministres. « Et je ne crois pas que ce soit une coïncidence. Il ne fait confiance à personne » et sa « valeur fondamentale » est d'assurer lui-même sa « survie, alors il utilise des gens, puis les écarte », ajoute Shindler.