L’«Holocauste» des migrants africains par les houthis et le silence du monde

Les camps de migrants en flammes sont devenus un spectacle familier de la Grèce au Yémen. (Photo, AFP)
Les camps de migrants en flammes sont devenus un spectacle familier de la Grèce au Yémen. (Photo, AFP)
Les groupes de défense des droits disent que les migrants sont régulièrement maltraités et menacés par des militants houthis et forcés de subir des conditions sordides. (AFP)
Les groupes de défense des droits disent que les migrants sont régulièrement maltraités et menacés par des militants houthis et forcés de subir des conditions sordides. (AFP)
Les groupes de défense des droits disent que les migrants sont régulièrement maltraités et menacés par des militants houthis et forcés de subir des conditions sordides. (AFP)
Les groupes de défense des droits disent que les migrants sont régulièrement maltraités et menacés par des militants houthis et forcés de subir des conditions sordides. (AFP)
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Publié le Dimanche 14 mars 2021

L’«Holocauste» des migrants africains par les houthis et le silence du monde

  • Des groupes internationaux de défense des droits de l’homme gardent un silence manifeste sur la mort de centaines de migrants africains à Sanaa
  • La réaction mondiale contraste fortement avec l'indignation suscitée par la mort en 2020 de l'homme afro-américain George Floyd à Minneapolis

RIYADH: Selon la plupart des témoignages, la milice houthie du Yémen vient de brûler vifs près de 500 migrants africains. Mais où est l'indignation parmi les grands partisans de la défense des droits humains ou le groupe des commentateurs libéraux? Ce n'est pas une question rhétorique, mais plutôt une question sérieuse.

Certes, l'indignation mondiale sélective n'est pas nouvelle; elle existe depuis la naissance de la communauté internationale et les débuts du mouvement des droits humains. Mais le silence assourdissant de ceux qui revendiquent le rôle d'arbitres moraux internationaux sur le dernier scandale des Houthis est un irréfutable scandale en soi.

Même selon les normes du mépris des Houthis pour la sécurité des civils, ce qui s'est passé le 7 mars dans un centre de détention à Sanaa était vraiment ignoble. La milice a utilisé la force pour mettre fin à une grève des migrants qui protestaient contre les traitements cruels, l'extorsion et les mauvaises conditions à l'intérieur du centre de détention, a déclaré l'organisation SAM installée à Genève en se basant sur des entretiens avec quelques survivants.

Sa conclusion n'a laissé aucune place à ce que font les suspects habituels : «Les Houthis étaient directement et systématiquement responsables du meurtre et des blessures d'environ 450 migrants, pour la plupart éthiopiens, dans un centre de détention, le 7 mars 2021, dans un incendie provoqué par des bombes lacrymogènes apparemment lancées par les gardiens houthies. »

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Les groupes de défense des droits de l’homme affirment que les migrants sont souvent maltraités et menacés par des militants houthis qui les forcent à subir des conditions sordides. (Photo, AFP)

Plusieurs groupes locaux indépendants ont souscrit à cette constatation.

Mwatana, une importante organisation yéménite de défense des droits humains, a durement blâmé les Houthis pour l'incendie en les accusant de détenir arbitrairement des survivants et des proches des victimes afin de les empêcher de parler de l'incident.

«Le groupe houthi d’Ansar Allah a délibérément causé la mort et des blessures de nombreux migrants africains en mettant le feu qui a provoqué un incendie mortel dans un centre de détention bondé à Sanaa le 7 mars», a déclaré Mwatana dans un communiqué.

Par ailleurs, le Women Solidarity Network a accusé les Houthis d'utiliser des balles réelles et des engins explosifs pour réprimer les manifestations des migrants et a demandé aux Nations Unies de protéger les survivants de telles menaces.

«Nous exhortons les organisations internationales, notamment les Nations Unies, à fournir une protection aux migrants qui ont été hospitalisés», a annoncé le groupe.

«Nos sources ont sonné l'alarme que les Houthis promettaient aux migrants dans les hôpitaux la délivrance de cartes de séjours en échange de leur silence. Selon les informations recueillies auprès des témoins, les Houthis ont également rassemblé des migrants africains illégaux, en particulier des enfants, de leurs foyers pour les recruter de force comme combattants afin de les envoyer sur les champs de bataille.

Muammar Al-Eryani, ministre de l'Information du gouvernement yéménite internationalement reconnu, a affirmé que les Houthis avaient intimidé les survivants et leurs familles pour étouffer leurs avis dans les comptes des médias sociaux ou dans toute enquête internationale à l'avenir.

Soulignant que les survivants et autres témoins ne vont certainement pas faire des témoignages équitables s'ils restent à l'intérieur des zones contrôlées par les Houthis, Al-Eryani a appelé l'agence des Nations Unies pour les migrations, l'OIM, à les évacuer vers d'autres endroits, loin de toute pression des Houthis.

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La ville d'Aden au Yémen réclame la nourriture et l'eau. (Photo de l'OIM via AFP)

Abdurrahman Barman, un défenseur des droits humains yéménite et directeur du Centre américain pour la justice, a révélé que son organisation avait interrogé des survivants qui avaient blâmé les Houthis pour la tragédie, les accusant d'avoir entassé des centaines d'Éthiopiens dans le centre de détention, ce qui a conduit au surpeuplement.

Barman a en outre souligné que les Houthis ont empêché les fonctionnaires du Centre américain pour la justice de rendre visite aux survivants dans les hôpitaux de Sanaa, ajoutant que les récits des survivants indiquent que le nombre de morts se situait entre 200 et 300.

Dans une tournure complètement ironique, le massacre de Sanaa s'est produit à peu près au même moment où la ville américaine de Minneapolis a accepté de payer 27 millions de dollars afin de régler un procès civil pour la mort l'année dernière d'un seul homme noir, George Floyd, qui était en détention provisoire.

Le conseil municipal de Minneapolis a annoncé le règlement record – le plus grand règlement des droits civils avant le procès. Cela est un message puissant pour dire que la vie des Noirs est importante et la brutalité policière contre les personnes de couleur doit cesser pour toujours.

«La mort de George Floyd a déclenché un mouvement social furieux», a écrit Derrick Johnson, président et chef de la direction de l'Association nationale pour l’évolution des personnes de couleur, dans une tribune du The Guardian en juin de l'année dernière. «Dans tous les États et dans le monde entier, des personnes de toutes les couleurs, de tous les sexes  et de tous âges se sont rassemblé pour marcher avec fureur et espoir, dans le but de renoncer au passé et sauver l'avenir».

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Ces migrants africains au Yémen ont la chance de recevoir des soins dans un hôpital de la ville méridionale de Lahj. Beaucoup d'autres vivent dans des «conditions inhumaines». (Photo de l'OIM via AFP)

Malheureusement, si l'on se fie à l'histoire, il est peu probable que «des gens de toutes les couleurs, de tous les sexes et de tous âges» se rassemblent «pour marcher avec fureur et avec espoir» face à la perte de centaines de vies éthiopiennes au Yémen. Qu'importe qu'un hashtag #HouthiHolocaust ait été à la mode sur Twitter en arabe, reflétant la profondeur de l'indignation publique à travers le Moyen-Orient.

À son honneur, Michael Aron, l’ambassadeur du Royaume-Uni au Yémen, a fermement condamné la mort de ces migrants en appelant à une enquête immédiate et objective et à un accès sans entrave aux migrants blessés.

«Consterné par le feu dans le centre de migrants contrôlé par les Houthis à Sanaa», a-t-il déclaré vendredi sur Twitter. «Le HCDH et les agences humanitaires ont besoin d'un accès immédiat et sans restriction au site et aux blessés. Une enquête crédible, transparente et indépendante doit être menée, en particulier un compte rendu complet des personnes tuées et blessées».

Toutefois, Aron n'a pas trop disputé sur qui ou ce qui était à blâmer pour l'incendie et la perte des vies humaine. C'est le traitement inhumain des migrants par les Houthis – spécialement la création de conditions de surpeuplement dans le centre – qui a conduit à cette terrible perte en vies humaines», a-t-il déclaré.

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Les membres de la milice houthie soutenue par l'Iran sont fous furieux au Yémen depuis ces dernières années. (Photo, AFP/Archives)

S'adressant à Arab News, Badr Al-Qahtani, rédacteur yéménite du journal Asharq Al-Awsat, a placé l'indignation sourde des organisations internationales dans le même contexte des réalités politiques du Yémen. Qu'il s'agisse de la mort de migrants ou de l'enlèvement de civils, le problème de l'ONU et les autres organisations qui font du travail humanitaire dans de larges zones du pays est le même: la capacité des Houthis à créer davantage de problèmes.

«Ils vivent dans la peur des Houthis parce que la milice peut leur rendre la vie plus difficile. La tactique fonctionne. Ils traitent avec la milice en mettant la sécurité comme leur principale préoccupation», a déclaré Al-Qahtani, faisant référence aux groupes humanitaires.

«En traitant avec des gouvernements souverains, tels que l'Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, ou des entités similaires, ils ont une relation différente contrairement à leur approche des Houthis car ils n'ont pas à faire face à des menaces de violence».

Élaborant sur ce point, Al-Qahtani a souligné : «Les organisations internationales sont toujours prudentes lorsqu'elles traitent des problèmes dans les zones contrôlées par les Houthis afin d'atteindre leurs objectifs humanitaires. Leurs réactions à l'incident meurtrier de Sanaa en sont la preuve. »

«Comparez cet incident avec d'autres problèmes impliquant certains groupes similaires et le gouvernement yéménite reconnu par l'ONU. À Aden, par exemple, si le même problème s'est produit concernant les migrants africains, les mêmes organisations et militants vont sûrement adopter une position plus ferme contre le gouvernement et ont fait toutes sortes de revendications. », ajoute-t-il.

En outre, il affirme :«Le gouvernement a traité avec ces organisations au vu de leur stature et de leur réputation internationales, et s'est conformé à leurs demandes. Ces organisations travaillent toujours avec le gouvernement en traitant d’une manière directe avec lui sans aucun problème ni crainte».

En revanche, les Houthis n'hésiteront pas à utiliser des tactiques musclées. «Ils peuvent retarder vos papiers soit à l'aéroport, soit en transport ou même au travail. Par conséquent, les organisations préfèrent ne pas les affronter. Elles peuvent divulguer certaines informations, mais elles ne peuvent pas élever la voix », a expliqué Al-Qahtani.

«Vous devez réaliser qu'il existe un organisme houthi récemment créé dont le but est de contrôler pleinement les organisations internationales. Même les gouvernements étrangers tiennent parfois compte de ce facteur. Lorsque l'ambassadeur britannique s'exprime ouvertement sur une question, vous pouvez être sûr de l'ampleur du défi».

Barman, du Centre Américain pour la Justice, a critiqué sans détour les organisations internationales ainsi que la communauté internationale pour avoir fermé les yeux sur les actions atroces des Houthis.

«C'est un crime odieux», a-t-il déclaré à Arab News, faisant référence aux morts à Sanaa. «Le monde aurait fait une scène si les migrants brûlés étaient blancs. Et si les auteurs n'étaient pas les Houthis, le Conseil de sécurité se serait immédiatement réuni ».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Nucléaire: le chef de la diplomatie iranienne à Oman pour de nouvelles discussions avec Washington

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  • L'agence de presse iranienne Mehr a diffusé une courte vidéo montrant M. Araghchi descendre d'un appareil officiel iranien à l'aéroport de Mascate
  • M. Araghchi se rendra à Mascate "à la tête d'une délégation composée de diplomates et d'experts techniques" pour mener ces discussions indirectes avec les Etats-Unis, avait auparavant indiqué le porte-parole de son ministère

TEHERAN: Le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas  est arrivé vendredi à Oman pour une troisième session de discussions sur le nucléaire avec les Etats-Unis prévue samedi, Téhéran augurant de "possibles progrès" si Washington fait preuve de "bonne volonté, sérieux et réalisme".

L'agence de presse iranienne Mehr a diffusé une courte vidéo montrant M. Araghchi descendre d'un appareil officiel iranien à l'aéroport de Mascate.

M. Araghchi se rendra à Mascate "à la tête d'une délégation composée de diplomates et d'experts techniques" pour mener ces discussions indirectes avec les Etats-Unis, avait auparavant indiqué le porte-parole de son ministère, Esmaïl Baghaï.

Le département d'Etat américain a annoncé que l'émissaire du président Donald Trump, Steve Witkoff, participerait bien à ces pourparlers, dans la foulée des deux précédents rendez-vous à Mascate le 12 avril et Rome le 19, salués comme de bonnes discussions par Téhéran et Washington.

Ce troisième cycle prévoit une session de pourparlers techniques entre experts sur le programme nucléaire iranien, en complément de la négociation diplomatique principale.

Michael Anton, qui occupe le poste de responsable de la planification politique au sein du département d'Etat américain, dirigera les travaux techniques du côté américain.

L'agence de presse iranienne Tasnim a de son côté rapporté que les discussions techniques seront menées côté iranien par les vice-ministres des Affaires étrangères Kazem Gharibabadi et Majid Takht-Ravanchi.

Vendredi, M. Baghaï a déclaré que "pour que les négociations progressent, il faut une démonstration de bonne volonté, de sérieux et de réalisme de la part de l'autre partie".

Dans une interview jeudi, le ministre iranien des Affaires étrangères a déclaré que Téhéran "aborderait les négociations de samedi avec sérieux, et que si l'autre partie fait également preuve de sérieux, des progrès sont possibles".

Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a relancé sa politique dite de "pression maximale" contre l'Iran, avec qui les Etats-Unis n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980. Il a initié des négociations avec Téhéran, tout en menaçant de bombarder l'Iran en cas d'échec.


Soudan: deux années de guerre et toujours pas d’issue

Les personnes qui ont fui le camp de déplacés de Zamzam après qu'il soit tombé sous le contrôle du RSF, se reposent dans un campement de fortune dans un champ près de la ville de Tawila dans la région du Darfour occidental déchirée par la guerre au Soudan, le 13 avril 2025. (AFP)
Les personnes qui ont fui le camp de déplacés de Zamzam après qu'il soit tombé sous le contrôle du RSF, se reposent dans un campement de fortune dans un champ près de la ville de Tawila dans la région du Darfour occidental déchirée par la guerre au Soudan, le 13 avril 2025. (AFP)
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  • La reprise, le mois dernier, du contrôle de la capitale Khartoum a donné lieu à une petite lueur laissant espérer une issue au conflit
  • Elle a vite été balayée par l’intransigeance des deux parties concernées

PARIS: Depuis le 15 avril 2023, le Soudan est en proie à des affrontements meurtriers entre l’armée soudanaise et les Forces de Soutien Rapide « FSR ».

Le bilan de ces affrontements est très lourd, et s’élève, selon les Nations unies, à plus de 20 mille morts et 14 millions de déplacés.

La reprise, le mois dernier, du contrôle de la capitale Khartoum a donné lieu à une petite lueur laissant espérer une issue au conflit.

Elle a vite été balayée par l’intransigeance des deux parties concernées.

L’armée soudanaise, dirigée par le général Abdel Fatah Al-Burhan, a exigé que les « FSR » déposent leurs armes comme condition préalable à toute négociation.

Malgré leur défaite, les « FSR », menées par le général Mohamed Dagalo, dit Hemedti, n’ont prêté aucune attention à cette proposition.

Elles se sont repliées dans leur province d’origine, le Darfour, située à l’ouest du Soudan, et semblent se préparer à une guerre d’usure.

Selon les informations en provenance du Soudan, elles encerclent la ville d’El-Fasher, capitale de la province.

Si cette ville leur tombe entre les mains, elles contrôleront alors toute la région, ce qui fait dire à certains observateurs que Hemedti pourra, à partir de là, annoncer la formation de son propre gouvernement.

Après avoir été amputé du Sud-Soudan, le pays serait en voie de subir une nouvelle mutilation, puisqu’en février dernier les « FSR » et 24 organisations soudanaises ont signé une charte jetant les bases d’un gouvernement « de paix et d’unité ».

Ce n’est pas l’avis du directeur du Centre d’étude du monde arabe et méditerranéen « EMAM » à Tours, Marc Lavergne, qui doute de cette hypothèse.

Selon lui, « On ne voit pas très bien quel est l’élément qui peut souder ce mouvement », car chacun des groupes qui le constituent « lutte d’abord pour ses objectifs propres ».

Pas de lumière au bout du tunnel

Cette coalition, qui s’est regroupée autour des « FSR », a réussi à agréger beaucoup d’éléments de la société civile, ceux qui ont mené la révolution pacifique depuis avril 2019.

Mais cette coalition est des plus hétéroclites, indique Lavergne, puisqu’il y a en son sein « toutes sortes de formations, de partis politiques ou de groupes qui sont eux-mêmes divisés ».

D’autre part, il souligne l’incapacité des « FSR » à gérer une région, et affirme « que le problème de ces forces, c’est qu’elles sont incapables de gérer ce qu’elles gagnent ».

« Elles l’ont montré dans le désert. Elles l’ont montré dans l’est du Soudan », ajoute-t-il, à « force de tuer, de violer et puis de vivre sur l’habitant parce qu’ils n’ont pas de casernes, ils n’ont pas où loger ».

Pour Lavergne, « elles ne peuvent pas gagner, mais elles peuvent résister », et peuvent, par conséquent, « servir d’idiots utiles aux forces démocratiques. C’est un peu ce que j’imagine ».

Paradoxalement, du côté de l’armée, « il y a quand même cette solidité et cette discipline, qui lui ont permis de gagner du terrain très progressivement », mais « c’est une armée qui possède un pays et non pas un pays qui possède une armée ».

Ce modèle, indique Lavergne, est rejeté par « les démocrates, les intellectuels, et par toutes les forces non armées, qui n’ont pas d’armes, violemment réprimées » pendant « le printemps soudanais ».

La chute de Khartoum, estime-t-il, « c’est aussi la chute de toutes ces catégories de Soudanais modernes, si l’on veut, enfin tournés vers l’Occident, vers les idées de démocratie et de liberté », qui ont fait le choix de se regrouper autour des rebelles du Darfour.

Ce qui surprend ce fin connaisseur du Soudan, « c’est l’incapacité des Soudanais à s’entendre », et c’est pour ça que l’armée prend le pouvoir à chaque fois.

Pour conclure, Lavergne concède à regret qu’il n’y a pas de lumière au bout du tunnel pour l’instant, mais que le Soudan, pays riche en ressources naturelles et minières, pouvait s’éviter de nombreux malheurs.

Il fallait ouvrir des routes, créer des institutions, former les jeunes, développer des industries locales, « des choses à faire qui n’ont pas été faites mais qui ne sont pas compliquées à faire. Mais je pense que c’est un peu tard ».


1985 – Un prince saoudien dans l’espace: une première historique

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  • La une d’Arab News a retracé le parcours du prince Sultan, célébrant ce moment historique que le monde arabe a qualifié de «jour de fierté»
  • Au cours de dix semaines d'entraînement intensif en Arabie saoudite et à la Nasa aux États-Unis, le prince Sultan est passé du statut de pilote de la Royal Saudi Air Force à celui d'astronaute

RIYAD: Le 17 juin 1985, l’Arabie saoudite a marqué l’histoire lorsque la navette spatiale Discovery de la Nasa a décollé de Cap Canaveral, en Floride, pour sa cinquième mission. À son bord se trouvait le premier astronaute arabe, musulman et membre d’une famille royale – un événement symbolisant l’aube d’une nouvelle ère pour l’exploration spatiale dans le monde arabe.

Le prince Sultan ben Salmane, pilote de l'armée de l'air royale saoudienne âgé de 28 ans, a passé sept jours à mener des expériences dans l'espace au sein d'un équipage international composé de sept personnes.

Pendant le voyage de Discovery, le prince, deuxième fils du roi Salmane d'Arabie saoudite, a également surveillé le déploiement d'Arabsat-1B, le deuxième satellite lancé par l'Organisation arabe de communication par satellite, conçu pour stimuler les communications téléphoniques et télévisuelles entre les nations arabes.

Le leadership de l'Arabie saoudite dans le secteur de l'exploration spatiale régionale a commencé à ce moment-là, préparant le terrain pour les progrès remarquables qui ont suivi et qui ont façonné sa vision.

La confiance dans la capacité du Royaume à mener le voyage du monde arabe dans l'espace a été évidente lorsque les États membres de la Ligue arabe ont désigné le prince Sultan comme spécialiste de charge utile pour voyager à bord de la navette spatiale.

Le Royaume a joué un rôle essentiel dans la création par la Ligue arabe de la société de communication par satellite Arabsat. Son premier satellite, Arabsat-1A, a été lancé dans l'espace par une fusée française en février 1985.

Comment nous l'avons écrit

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La une d’Arab News a retracé le parcours du prince Sultan, célébrant ce moment historique que le monde arabe a qualifié de «jour de fierté».

Au cours de dix semaines d'entraînement intensif en Arabie saoudite et à la Nasa aux États-Unis, le prince Sultan est passé du statut de pilote de la Royal Saudi Air Force à celui d'astronaute, prêt pour une mission au cours de laquelle il serait le plus jeune membre de l'équipage.

Il a été accueilli en héros, tant en Arabie saoudite que dans l’ensemble du monde arabe, lorsque la navette spatiale a atterri sans encombre sur la base aérienne d’Edwards, en Californie, à 6 h 11, heure locale, le 24 juin 1985. Cet événement marquant a inspiré une génération d’Arabes à tourner leur regard vers les étoiles.

Sa propre mission dans le secteur spatial était cependant loin d'être terminée. À son retour, le prince a été promu au rang de major de l'armée de l'air royale saoudienne et, lorsque l'Arabie saoudite a décidé d'accélérer ses efforts d'exploration spatiale dans le cadre de Vision 2030, il n'y avait pas de meilleur choix pour présider la Commission spatiale saoudienne lors de sa création en 2018.

Les efforts du prince Sultan pour former une nouvelle génération d'astronautes saoudiens ont rapidement commencé à porter leurs fruits. Et le 21 mai 2023, le Royaume a célébré une nouvelle étape dans son voyage dans l'espace lorsque la première femme astronaute saoudienne et arabe a pris son envol.

Rayyanah Barnawi a été rejointe par Ali Alqarni, le deuxième Saoudien dans l'espace après le prince Sultan, lors de la première mission du programme de vols spatiaux habités de la Commission spatiale saoudienne. Au cours de leur mission de 10 jours à bord de la Station spatiale internationale dans le cadre de la mission Axiom 2, les deux astronautes saoudiens ont mené 11 expériences de recherche en microgravité.

Un mois plus tard, la commission a été rebaptisée Agence spatiale saoudienne par une résolution du Cabinet. Ses objectifs sont de développer les technologies spatiales, de stimuler la diversification économique, de soutenir la recherche et le développement dans le secteur et de former les futures générations d'astronautes saoudiens.

«Ce pays a été construit pour tant de générations, et chaque génération ouvre la voie à la suivante, et crée la plateforme qui lui permettra de passer au niveau supérieur», a déclaré le prince Sultan lors d'un entretien accordé à Arab News en 2019.

En 2020, l'Arabie saoudite a annoncé l'allocation de 2,1 milliards de dollars (1 dollar = 0,88 euro) à son programme spatial dans le cadre des efforts de diversification décrits dans le cadre stratégique Vision 2030 pour le développement national. Deux ans plus tard, le secteur spatial saoudien a généré 400 millions de dollars de revenus, et ce chiffre devrait atteindre 2,2 milliards de dollars d'ici à 2030.

Au-delà de l'Arabie saoudite, le voyage pionnier du prince Sultan dans l'espace a également inspiré d'autres Arabes de la région. Deux ans plus tard, en juillet 1987, le Syrien Mohammed Faris était cosmonaute de recherche pour une mission de huit jours et de trois personnes à bord d'un vaisseau spatial soviétique à destination de la station spatiale Mir. Accompagné de deux cosmonautes soviétiques, il a mené plusieurs expériences de recherche dans les domaines de la médecine spatiale et du traitement des matériaux.

Hazza al-Mansouri, le troisième Arabe dans l'espace, qui est devenu en septembre 2019 le premier astronaute émirati et le premier Arabe à poser le pied sur la Station spatiale internationale, s'est également inspiré du prince Sultan.

«La passion de Hazza al-Mansouri pour l'espace et son désir d'ouvrir la voie aux générations futures pour l'explorer ont été inspirés par la mission du prince Sultan en 1985», a écrit Mohammed Nasser al-Ahbabi, ancien directeur général de l'Agence spatiale des Émirats arabes unis, dans un article publié en 2020 à l'occasion du 45e anniversaire d'Arab News.  

«En tant que jeune élève, le futur astronaute a découvert, dans son manuel solaire, une photo du prince Sultan, premier Arabe dans l’espace – un moment charnière qui allait transformer sa vie.»

En 1988, le président des Émirats arabes unis de l'époque, le cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane, a rencontré le prince Sultan et l'a interrogé sur tous les détails de son voyage dans l'espace.

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De retour dans son pays, le prince Sultan Salman al-Saoud a été accueilli en héros et nommé major de l'armée de l'air royale saoudienne. (Nasa)

«L'expérience du prince Sultan a eu un impact considérable sur les Émirats arabes unis en particulier, un pays qui a fait preuve d'un engagement fort envers l'espace depuis l'époque de son fondateur et premier président, le cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane», a écrit M. Al-Ahbabi.  

«La vision du cheikh Zayed et l'étape historique franchie par le prince Sultan ont servi de tremplin à l'enthousiasme des Émirats arabes unis et de la région pour l'exploration spatiale.»

L'agence spatiale des Émirats arabes unis a signé un accord avec l'Agence spatiale saoudienne en 2020 afin de renforcer la coopération dans les activités spatiales à des fins pacifiques, de renforcer les capacités techniques et scientifiques et d'échanger des connaissances et de l'expertise.

Alors que la région arabe continue de développer ses projets et ses investissements dans le secteur spatial, on se souviendra toujours du rôle joué par le prince saoudien pour rappeler aux jeunes générations qu'il faut viser les étoiles.

Lorsqu'elles verront la Terre depuis l'espace, elles constateront, comme l'a déclaré le prince Sultan à Arab News en 2019, que «votre intérêt et votre passion pour les choses deviennent plus globaux, plus universels».

Sherouk Zakaria est une journaliste d'Arab News basée aux Émirats arabes unis, avec plus d'une décennie d'expérience dans les médias et la communication stratégique.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com