PARIS: Pouvoir contester ses conditions de détention quand elles sont jugées indignes: le Sénat à majorité de droite a voté lundi très largement un texte visant à répondre à l'exigence du Conseil constitutionnel d'ouvrir une voie de recours aux détenus.
Tous les groupes se sont prononcés en faveur du texte. Seul le groupe PS s'est abstenu, estimant que «le compte n'y est pas».
La proposition de loi du président de la commission des Lois François-Noël Buffet (LR), sur laquelle le gouvernement a engagé la procédure accélérée, devrait être adoptée définitivement très rapidement. Son examen en première lecture est déjà programmé le 19 mars à l'Assemblée nationale.
Le Conseil constitutionnel avait censuré le 2 octobre 2020 un article du code de procédure pénale qui freinait les recours de personnes placées en détention provisoire dans des conditions dégradantes. Il avait exigé qu'une nouvelle loi soit votée avant le 1er mars 2021, échéance déjà dépassée.
Cette décision faisait suite à un arrêt du 30 janvier 2020 de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) condamnant la France et à un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
«La privation de liberté ne doit pas être - ne peut pas être - une privation de dignité», a souligné le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti.
La proposition de loi prévoit dans quelles conditions et selon quelles modalités un détenu peut saisir le juge judiciaire lorsqu'il estime subir des conditions indignes de détention, afin qu'il y soit mis fin.
La personne en détention provisoire pourra saisir le juge des libertés et de la détention (JLD), celle condamnée qui exécute sa peine le juge de l'application des peines (JAP).
Femmes détenues
C'est seulement si le problème n'est pas résolu par l'Administration pénitentiaire dans le délai imparti que le juge pourra ordonner le transfèrement de la personne détenue ou sa mise en liberté si elle est placée en détention provisoire ou, sous conditions, un aménagement de peine si elle est définitivement condamnée.
Le rapporteur LR du texte Christophe-André Frassa a souligné que «la proposition de loi ne consacre pas un droit absolu à la remise en liberté». Il s'agit de concilier le droit à des conditions dignes de détention avec «le droit à la sûreté et l'objectif de prévenir les atteintes à l’ordre public».
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté Dominique Simonnot a salué, dans un courrier aux sénateurs, «une avancée majeure pour l'amélioration des conditions de détention», mais a jugé que le texte «ne peut être considéré comme suffisant pour préserver les droits des personnes détenues».
Pour le socialiste Jean-Pierre Sueur, la proposition de loi présente des »carences et des insuffisances». Le sénateur s'appuie sur le courrier de Mme Simonnot qui déplore notamment la «durée excessive» de la procédure proposée ou encore la trop grande complexité de la requête que doit adresser le détenu.
Parmi ses amendements, un seul a été retenu, qui consacre le droit pour le détenu à être entendu avant que le juge ne prenne sa décision.
Pour l'association Observatoire international des prisons (OIP), la création d'une voie de recours «ne mettra pas fin aux conditions indignes de détention». «La décision de la Cour européenne posait comme principale exigence la résorption immédiate, par la France, de sa surpopulation carcérale», a-t-il rappelé dans un communiqué.
Le garde des Sceaux a reconnu que «849 détenus sont aujourd'hui contraints de dormir sur des matelas posés à même le sol».
«Un droit de recours effectif ne répare pas des canalisations bouchées, ne désinsectise pas une cellule», a fait valoir de son côté la sénatrice du groupe RDSE à majorité radicale Maryse Carrère.
En cette journée internationale pour les droits des femmes, des sénatrices ont attiré l'attention sur les conditions de vie des femmes détenues «qui portent trop souvent atteintes à leur dignité», selon Eliane Assassi (CRCE à majorité communiste).
Brigitte Lherbier (LR) a quant à elle appelé le gouvernement à «lancer une réflexion pour que les conditions de vie des enfants en quartiers mère-enfant soient améliorées».