Pour les droits des femmes en Tunisie, le grand écart entre loi et pratique

Des femmes tunisiennes manifestent le 6 mars 2021 à Tunis contre les violences faites aux femmes. En Tunisie, le Code du statut personnel ou CSP consiste en une série de lois tunisiennes progressistes, promulguées le 13 août 1956 par un décret beylical puis entré en vigueur le 1er janvier 1957, visant à instaurer l'égalité entre les hommes et les femmes. Fethi Belaid / AFP
Des femmes tunisiennes manifestent le 6 mars 2021 à Tunis contre les violences faites aux femmes. En Tunisie, le Code du statut personnel ou CSP consiste en une série de lois tunisiennes progressistes, promulguées le 13 août 1956 par un décret beylical puis entré en vigueur le 1er janvier 1957, visant à instaurer l'égalité entre les hommes et les femmes. Fethi Belaid / AFP
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Publié le Lundi 08 mars 2021

Pour les droits des femmes en Tunisie, le grand écart entre loi et pratique

  • Après avoir déposé plainte pendant le confinement contre son mari violent, Nadia a "failli tout perdre", même sa fille
  • Les institutions tunisiennes peinent à mettre en oeuvre des lois pionnières contre les violences faites aux femmes

TUNIS : Après avoir déposé plainte pendant le confinement contre son mari violent, Nadia a "failli tout perdre", même sa fille, les institutions tunisiennes peinant à mettre en oeuvre des lois pionnières contre les violences faites aux femmes.

Les signalements ont été multipliés par plus de cinq pendant le confinement de mars à juin 2020, selon les autorités. Et la hausse perdure.

Dans le centre d'écoute de l'Association des femmes démocrates (ATFD), la fréquentation de ces derniers mois reste nettement plus importante qu'à la même période l'an dernier.

Une loi ambitieuse contre les violences faites aux femmes a été adoptée en 2017, portée par des hommes politiques résolus à faire de "la femme tunisienne" un étendard progressiste et par des militantes et associations expérimentées.

Ce texte salué, qui élargit considérablement le champ des violences sanctionnées, confirme le statut de la Tunisie comme pionnière en matière de droits des femmes dans la région et prévoit en théorie un soutien juridique et matériel aux victimes.

Mais obtenir justice reste un parcours du combattant à l'issue imprévisible, en raison du manque volonté politique et de moyens.

Pendant plusieurs années, Nadia, coquette quadragénaire, a toléré que son mari la menace et la malmène. Sans revenu, elle ne se voyait pas porter plainte.

"Il faisait cela quand il était saoul, puis il s'excusait et il partait plusieurs mois par an à l'étranger pour son travail, alors j'ai préféré ne rien faire", souligne-t-elle.

"Mais avec le confinement, il s'est retrouvé coincé à la maison, stressé, il buvait beaucoup et un jour ma fille m'a parlé de gestes déplacés", évoquant des attouchements sexuels commis par son père, se souvient-elle avec émotion.

Nadia a aussitôt appelé la police, qui l'a convoquée quelques jours plus tard.

"Elan libérateur"

Après un bon contact initial, les auditions tournent au vinaigre. Son mari a des moyens et un avocat, elle est démunie et craint qu'il ne corrompe policiers et magistrats.

La police lui demande de constituer elle-même un CD avec les preuves qu'elle a rassemblées.

Après plusieurs semaines sans aucune avancée, Nadia, désespérée et terrifiée de perdre la garde de sa fille en cas de séparation, finit par se tourner vers l'ATFD.

L'association lui trouve un avocat qui découvre que le CD de preuves n'a pas été transmis par le commissariat au tribunal.

"Heureusement que j'ai trouvé un appui, j'ai failli tout perdre, même ma fille", souligne Nadia.

Le dossier a été confié à un nouveau magistrat et quelques jours plus tard son mari était interpellé.

Pour améliorer la prise en charge des femmes cherchant la protection de la police, le ministère de l'Intérieur a mis en place 130 brigades spécialisées depuis 2018.

Plusieurs centaines de policiers spécialement formés, parmi lesquels de nombreuses femmes, sont chargés de mener ces enquêtes ou de faire exécuter les ordonnances d'éloignement.

Un enseignement spécifique sur ces violences est désormais dispensé en école de police et les agents qui tentent de décourager les femmes de lancer des poursuites sont passibles de prison.

Mais pour les associations de défense des femmes, il reste un travail de longue haleine à faire.

"Il y a un décalage énorme entre la loi de 2017, qui est encore très récente, et les pratiques institutionnelles et sociales, qui ne suivent pas cet élan libérateur", souligne Yosra Frawes, présidente de l'ATFD.

La loi couvre prévention, protection, répression et réparation, et "cela nécessite des infrastructures, des centres d'écoute, des foyers, mais l'Etat n'a pas prévu de budget", souligne-t-elle.

En outre, depuis les élections de 2019, qui ont fait la part belle à des élus explicitement conservateurs, "la question des femmes a disparu du débat public", déplore-t-elle.

Exit le débat sur l'égalité en matière d'héritage, alors qu'une loi était envisagée en 2018 pour que les femmes ne reçoivent plus, comme dans la plupart des pays musulmans, que la moitié de la part d'un héritier masculin.

Pour Mme Frawes, "on doit mener deux batailles parallèles: celle des lois et celle des mentalités" en formant juges, avocats, policiers, ou médecins pour qu'ils "s'approprient l'égalité".


L'aviation israélienne pilonne la banlieue sud de Beyrouth, 22 morts dans l'est du Liban

Un Palestinien marche à côté des débris d'un bâtiment à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 21 novembre 2024, alors que la guerre entre Israël et les militants palestiniens du Hamas se poursuit. (AFP)
Un Palestinien marche à côté des débris d'un bâtiment à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 21 novembre 2024, alors que la guerre entre Israël et les militants palestiniens du Hamas se poursuit. (AFP)
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  • L'aviation israélienne a pilonné tout au long de la journée de jeudi la banlieue sud de Beyrouth ainsi que l'est du Liban, où 22 personnes ont été tuées selon les autorités
  • L'Agence nationale d'information (ANI, officielle), a recensé 12 frappes sur la banlieue sud, certaines "très violentes", l'armée israélienne disant avoir attaqué des centres de commandement et des infrastructures du Hezbollah

BEYROUTH: L'aviation israélienne a pilonné tout au long de la journée de jeudi la banlieue sud de Beyrouth ainsi que l'est du Liban, où 22 personnes ont été tuées selon les autorités, le Hezbollah revendiquant sa frappe la plus profonde en Israël depuis plus d'un an d'hostilités.

L'Agence nationale d'information (ANI, officielle), a recensé 12 frappes sur la banlieue sud, certaines "très violentes", l'armée israélienne disant avoir attaqué des centres de commandement et des infrastructures du Hezbollah.

Les raids ont été précédés par des appels de l'armée israélienne à évacuer certains quartiers.

Les images de l'AFPTV montraient d'épaisses colonnes de fumée sur la banlieue sud de la capitale libanaise, désertée par une grande partie de ses habitants en raison des frappes quotidiennes qui la visent depuis fin septembre.

Les frappes, qui s'étaient arrêtées mardi, ont repris au lendemain du départ de l'émissaire américain Amos Hochstein, qui tente d'arracher un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

Après Beyrouth, il devait rencontrer jeudi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

Des frappes israéliennes ont également visé jeudi l'est et le sud du Liban, bastions du Hezbollah, selon l'ANI.

Les frappes de "l'ennemi israélien" sur cinq zones de la région de Baalbeck (est) ont coûté le vie à 22 personnes, a indiqué le ministère de la Santé.

L'ANI a précisé qu'une frappe sur le village de Makneh dans cette région avait entraîné la mort d'au moins quatre membres d'une même famille.

La coordinatrice spéciale de l'ONU pour le Liban, Jeanine Hennis-Plasschaert s'est rendue sur le site de Baalbeck, classé au patrimoine mondial de l'Unesco, qui a annoncé lundi placer sous "protection renforcée provisoire" 34 sites culturels au Liban menacés par les bombardements israéliens, et octroyer une assistance financière d'urgence pour sauver le patrimoine de ce pays.

- Khiam -

Pour sa part, la formation islamiste a annoncé jeudi avoir lancé des missiles sur une base aérienne près de la ville d'Ashdod, dans sa première attaque contre le sud d'Israël.

Dans un communiqué, le Hezbollah a précisé que cette base à l'est d'Ashdod se trouvait "à 150 km de la frontière" israélo-libanaise.

C'est la première fois que le Hezbollah annonce viser un objectif aussi éloigné de la frontière depuis plus d'un an d'affrontements.

La formation pro-iranienne a également revendiqué des tirs contre le nord d'Israël, où les secours ont annoncé qu'un homme était mort après avoir été blessé à la suite de tirs de projectiles en Galilée.

Dans le sud du Liban frontalier d'Israël, le Hezbollah a fait état dans neuf communiqués distincts d'attaques menées par le mouvement contre des soldats israéliens dans et autour du village de Khiam.

Les médias officiels libanais ont affirmé que l'armée israélienne dynamitait des maisons et bâtiments dans cette localité proche de la frontière israélienne.

Les violences entre Israël et le Hezbollah, initiées par ce dernier au début de la guerre dans la bande de Gaza, ont fait plus de 3.583 morts depuis octobre 2023 au Liban.

La plupart des victimes ont été tuées depuis que l'armée israélienne a déclenché fin septembre dernier une campagne massive de bombardements visant notamment les bastions du Hezbollah, suivie d'une offensive terrestre dans le sud du Liban.


La CPI émet des mandats d'arrêt contre Netanyahu, Gallant et Deif

"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye. (AFP)
"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye. (AFP)
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  • La décision de la CPI limite théoriquement les déplacements de Benjamin Netanyahu, puisque n'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur son territoire
  • Le gouvernement israélien a aussitôt accusé la CPI d'avoir "perdu toute légitimité" avec ses mandats d'arrêt "absurdes"

LA HAYE: La Cour pénale internationale a émis jeudi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

La décision de la CPI limite théoriquement les déplacements de Benjamin Netanyahu, puisque n'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur son territoire.

Le gouvernement israélien a aussitôt accusé la CPI d'avoir "perdu toute légitimité" avec ses mandats d'arrêt "absurdes".

"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye.

Dans un autre communiqué, elle émet un mandat d'arrêt contre Mohammed Deif, également pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

La cour "a émis à l'unanimité un mandat d'arrêt contre M. Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, communément appelé +Deif+, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'État d'Israël et de l'État de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023".

Classés "secrets" 

Les mandats d'arrêt ont été classés "secrets", afin de protéger les témoins et de garantir la conduite des enquêtes, a déclaré la cour.

Mais la CPI "considère qu'il est dans l'intérêt des victimes et de leurs familles qu'elles soient informées de l'existence des mandats".

Le procureur de la CPI, Karim Khan, a demandé en mai à la cour de délivrer des mandats d'arrêt contre Netanyahu et Gallant (qui a été limogé début novembre par le Premier ministre israélien) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés à Gaza.

M. Khan a également demandé des mandats d'arrêt contre de hauts dirigeant du Hamas, dont Mohammed Deif, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.

Selon Israël, Deif a été tué par une frappe le 13 juillet dans le sud de Gaza, bien que le Hamas nie sa mort.

Le procureur a depuis abandonné la demande de mandats d'arrêt contre le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et le chef du Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinouar, dont les morts ont été confirmées.

Le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza a annoncé jeudi un nouveau bilan de 44.056 morts dans le territoire palestinien depuis le début de la guerre avec Israël il y a plus d'un an.

Au moins 71 personnes ont été tuées ces dernières 24 heures, a-t-il indiqué dans un communiqué, ajoutant que 104.268 personnes avaient été blessées dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.


Liban: frappes sur la banlieue sud de Beyrouth après un appel israélien à évacuer

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  • La banlieue sud, désertée par une grande partie de ses habitants en raison des frappes systématiques, avait été visée par trois frappes israéliennes à l'aube, qui ont "détruit plusieurs bâtiments" selon l'Ani
  • Le porte-parole de l'armée israélienne a affirmé qu'elles avaient visé "des centres de commandement et des structures militaires" du Hezbollah

BEYROUTH: De nouvelles frappes ont visé jeudi matin la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah libanais contre lequel Israël est en guerre, peu après un appel de l'armée israélienne à évacuer, selon un média d'Etat libanais.

L'Agence nationale d'information libanaise (Ani) a rapporté trois frappes sur la banlieue sud, dont une "très violente sur Haret Hreik", un quartier de ce secteur, et précisé qu'un immeuble avait été détruit.

Sur les images de l'AFPTV, on peut voir des panaches de fumée s'élever d'au moins trois sites visés.

Les frappes ont été précédées par un appel du porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichai Adraee, sur les réseaux sociaux, à évacuer trois secteurs de la banlieue sud.

Après cet appel, des tirs nourris ont été entendus dans la banlieue, visant à avertir les habitants.

La banlieue sud, désertée par une grande partie de ses habitants en raison des frappes systématiques, avait été visée par trois frappes israéliennes à l'aube, qui ont "détruit plusieurs bâtiments" selon l'Ani.

Le porte-parole de l'armée israélienne a affirmé qu'elles avaient visé "des centres de commandement et des structures militaires" du Hezbollah.

Les frappes interviennent alors que l'émissaire américain Amos Hochstein tente de parvenir à un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah libanais.

Après avoir vu les responsables libanais à Beyrouth, il doit rencontrer jeudi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a-t-on appris de source officielle israélienne.

Les violences entre Israël et le mouvement pro-iranien, initiées par ce dernier au début de la guerre dans la bande de Gaza, ont fait plus de 3.550 morts depuis octobre 2023.

La plupart des victimes ont été tuées depuis que l'armée israélienne a déclenché fin septembre dernier une campagne massive de bombardements visant notamment les bastions du Hezbollah, suivie d'une offensive terrestre dans le sud du Liban.