PARIS: L’Algérie souhaite diversifier ses exportations afin de réduire sa dépendance aux ventes d’hydrocarbures, qui génèrent la quasi-totalité de ses recettes en devises (98%). «Il faudra augmenter les exportations hors hydrocarbures à 5 milliards de dollars (4,2 milliards d’euros) d’ici à la fin de l’année 2021, contre 2 milliards actuellement, a estimé le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, au mois d’août dernier.
Ce dernier avait annoncé la mise en place de mesures incitatives en faveur des entreprises exportatrices comme la création des couloirs verts pour certains produits, l’amélioration de la relation entre le ministère des Finances et l’administration fiscale et le renforcement de la diplomatie algérienne dans la promotion des produits algériens à l’étranger. Selon l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal), les produits agricoles, le ciment, les ronds à béton et le verre plat figurent parmi les produits les plus exportés actuellement. Selon la même source, les exportations du groupe Cevital, par exemple, sont estimées à 300 millions de dollars (248 millions d’euros) pour le sucre et à plus de 50 millions de dollars (41 millions d’euros) pour le verre plat issu de sa filiale Mediterranean Float Glass (MFG). De son côté, la direction du complexe sidérurgique Tosyali de Bethioua, dans la wilaya d’Oran, a affirmé, dimanche 28 février, avoir exporté 27 000 tonnes de ronds à béton vers les États-Unis d’Amérique. Le complexe industriel a programmé d’autres opérations d’exportation: près d’un million de produits sidérurgiques (acier, ronds à béton, fils métalliques, etc.), dont 4 000 tonnes de béton rond vers le Sénégal et le Bénin ainsi que 82 000 tonnes vers la Grande-Bretagne et les États-Unis.
Abdelwahab Ziani, président de la Confédération des industriels et des producteurs algériens (Cipa), a estimé que l’objectif des 4 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures était envisageable sous réserve de l’assainissement de l’environnement de l’entreprise.
Assainir l’environnement
Pour ce faire, la Confédération des industriels et des producteurs algériens, des experts et des professionnels du secteur comme la société Tasdir, filiale de la Safex, dédiée à l’export, et Logistrans, une société spécialisée dans le transport terrestre et la logistique, ont participé ces dernières semaines à plusieurs réunions avec le ministère de tutelle. «Nous avons choisi de commencer par l’existant, puis de nous agrandir», indique Abdelwahab Ziani.
Les participants à ces rencontres ont également évoqué la possibilité de créer des zones franches afin de permettre l’organisation des activités liées aux exportations. Ainsi, il a été proposé que la société Tasdir soit classée en zone franche, devenant ainsi, tout au long de l’année, une vitrine de tous les produits exportables en Algérie. Il est aussi question de mettre en place des espaces de stockage ainsi qu’un guichet unique qui rassemble les banques, douanes et services phytosanitaires.
Selon la direction de la Cipa, l’organisation a entamé le travail d’indentification de tous les exportateurs en activité et de tous ceux qui ont pour projet d’investir dans cette filière. «L’outil et le savoir-faire existent, pour peu que soient levées les lenteurs bureaucratiques, qui brident toutes les initiatives des investisseurs», fait savoir Abdelwahab Ziani. Le producteur qui désire exporter pourra se contenter d’acheminer sa marchandise vers ces zones. Le reste du travail sera effectué dans ces zones franches par d’autres personnes, et le transport vers le pays de destination sera assuré par Logistrans», explique le président de la Cipa.
Encourager le potentiel de production des entreprises algériennes
Sollicité par Arab News en français sur le potentiel de développement de la production des entreprises algériennes, Adel Bensaci, président du Conseil national de concertation et de développement de la PME et PDG de la société Somemi, une société spécialisée dans la mécanique de précision et la maintenance industrielle, nous explique que, malgré la crise, beaucoup de secteurs tels que l’énergie, les hydrocarbures, le ciment et beaucoup d’autres sont aujourd’hui de grands consommateurs de pièces, d’équipement et de services. «La substitution à l’importation est très importante et pourrait jouer un rôle de locomotive dans le cadre de la relance industrielle.»
Afin de réaliser cet objectif, Adel Bensaci plaide pour la mise en place des cycles de formation au profit des salariés, y compris les managers. Une approche qui permettra aux entreprises algériennes d’intégrer les normes de qualification et certification. «Mais cela doit se faire par étapes, nous explique le PDG de Somemi. Il faudra commencer par les entreprises les plus matures et en faire des champions nationaux qui se serviront du marché interne comme levier de croissance avec l'exportation pour développer et pérenniser l'activité.»
L’adoption des normes internationales
Interrogé sur les contraintes réglementaires entravant le développement des exportations algériennes, Adel Bensaci relate les contraintes sur le plan externe en précisant que les partenaires du marché libre, des zones comme l’Union européenne ou les États-Unis d’Amérique, exigent des normes auxquelles certaines entreprises algériennes ne peuvent répondre pour le moment. «Les normes internationales représentent des barrières d’entrée, d’où l’importance de la certification et de la labellisation des entreprises pour les accompagner à développer leurs activités à l’exportation», nous explique -t-il.
«Du point de vue interne, il y a eu des avancées, notamment avec la création d'un bureau de promotion des exportations et des investissements. Un grand pas vers une diplomatie économique plus offensive», explique Adel Bensaci à Arab News en français. L’industriel évoque la mise en œuvre récente du décret qui avantage les petites et moyennes entreprises (PME) dans le domaine de la sous-traitance. «Les PME seront exonérées de droits de douane et de TVA sur les intrants comme les matières premières et les outillages de production, ce qui va de facto augmenter leur compétitivité industrielle, où qu'elles se situent sur le territoire.»
Concernant les actions prioritaires, fiscales et organisationnelles à mettre en œuvre pour favoriser les exportations algériennes sur les marchés régionaux et internationaux, Rafik Boussa, président du cabinet Grant Thornton Algérie, souhaite la mise en œuvre «d’une politique volontariste pour l’export au profit de tous les acteurs économiques, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, pour les produits ou les services».
Rafik Boussa explique à Arab News en français qu’«il faut des dispositifs plus soutenus, comme la définition de filières prioritaires, l’identification des marchés cibles, la création de zones franches, la création d’une team export au niveau institutionnel comme les chambres de commerce, les sections business au niveau du réseau consulaire à l’étranger».
En outre, le PDG de Grant Thornton Algérie met en avant l’apport de l’exportation des services qui, selon lui, sont marginalisés. Or, précise -t-il, «ces derniers représentent déjà 50% du revenu mondial et 70% des emplois; ils deviennent également un élément important du commerce international. Les exportations de services, qui comptent pour près d’un quart de l’ensemble des exportations, jouent désormais un rôle central dans l’économie mondiale, en grande partie grâce aux progrès de la technologie».
Développer les échanges avec l’Afrique de l’Ouest
Pour développer ses exportations, l’Algérie vise les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) avec lesquels elle détient 1% d’un chiffre d’affaires estimé à près de 400 milliards de dollars, soit 332 milliards d’euros. «Notre but, dans un premier temps, est de réaliser au moins 5 à 10 % de ces statistiques au sein de la Cedeao», souligne le président de la Cipa, en précisant que, grâce à ces zones franches du Sud, l’Algérie peut toucher des pays comme le Mali, le Tchad, le Niger, le Nigeria, la Mauritanie et la Libye. Pour ce faire, la direction de la société Logistrans affirme être en mesure de mobiliser 170 camions, dont 50 réfrigérés, afin d’assurer le transport des marchandises vers ces marchés.