Pourquoi la vaccination devrait être une force pour l’unité mondiale

Des personnes âgées se vont vacciner contre le coronavirus (Covid-19) à l’église Second Ebenezer à Detroit, Michigan, aux États-Unis, le 27 février 2021. (REUTERS/Emily Elconin
Des personnes âgées se vont vacciner contre le coronavirus (Covid-19) à l’église Second Ebenezer à Detroit, Michigan, aux États-Unis, le 27 février 2021. (REUTERS/Emily Elconin
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Publié le Dimanche 28 février 2021

Pourquoi la vaccination devrait être une force pour l’unité mondiale

Pourquoi la vaccination devrait être une force pour l’unité mondiale
  • Cela prend des années, parfois toute une génération, d’efforts scientifiques et sociaux pour éliminer une maladie
  • Les mesures de confinement ont réussi à réduire les nombres de cas et de décès dus au coronavirus, mais elles ne constituent pas une solution durable

L’Organisation mondiale de la santé n’a déclaré jusqu’à présent que l’éradication de deux maladies : la variole et la peste bovine. Cela prend des années, parfois toute une génération, d’efforts scientifiques et sociaux pour éliminer une maladie, ou au moins, de la contrôler. De toute évidence, la pandémie de coronavirus actuelle a été à la fois une expérience d’apprentissage mais aussi une leçon d’humilité pour l’humanité dans ses relations avec mère nature. En l’espace de quelques semaines, des vies ont été bouleversées dans le monde entier, touchées par la maladie, la mort, la destruction de moyens de subsistance, et les enfants ont été privés d’une éducation formelle mais aussi d’une enfance normale, outre le fardeau mental insupportable. Avec le déploiement des vaccins, nous commençons à voir la lumière au bout de ce long tunnel.

Pendant tous ces mois passés, d’un confinement à l’autre, en essayant de nous adapter au changement radical dans la plupart des aspects de nos vies quotidiennes, beaucoup d’espoir a été mis dans le développement d’un vaccin pour renforcer notre système immunitaire contre ce virus mortel. Les mesures de confinement ont réussi à réduire les nombres de cas et de décès dus au coronavirus, mais elles ne constituent pas une solution durable. De plus, les améliorations dans le traitement des patients de coronavirus ne fournissent qu’un remède partiel, insuffisant pour nous faire retourner à une sorte de normalité. Les efforts fructueux de l’industrie pharmaceutique internationale ont donc donné un peu d’optimisme et permis aux gouvernements de concevoir une feuille de route pour vacciner la population et faire sortir les sociétés du confinement et de la misère actuelle.

La création de vaccins avec plus de 90% d’efficacité a été presque approuvée et célébrée universellement. Cependant, il existe des  foyers de résistance à la vaccination de toutes parts, et bien ce ne soit pas à grande échelle, ils sont suffisamment importants pour compromettre la campagne de vaccination. La société est donc confrontée à un profond dilemme moral : la volonté de ceux qui ne souhaitent pas retrousser leurs manches et se faire vacciner devrait-elle être respectée ? Ou bien, étant donné la nature extrêmement contagieuse de cette pandémie, notamment celle des nouveaux variants du coronavirus, et au nom de la défense de la santé de nos sociétés au sens le plus large du terme, faudrait-il rendre l’inoculation obligatoire ? Si la réponse à cette dernière question est affirmative, faudrait-il donc imposer des sanctions juridiques et sociales à ceux qui continuent à résister à la vaccination ?

Vu que nous sommes confrontés à une urgence vitale au niveau mondial, les arguments contre la vaccination obligatoire peuvent être quelque peu atténués. Ils ont leurs mérites puisque les individus ont la liberté de prendre la décision finale sur tout traitement médical qui leur est proposé, en particulier un traitement qui a été introduit à la hâte, soulevant ainsi des préoccupations légitimes de sécurité, ou un traitement qui pourrait être en contradiction avec les croyances religieuses ou autres d’une personne. Cependant, étant donné que plus de 112 millions de personnes ont contracté le virus et près de 2,5 millions de personnes sont mortes après avoir été contaminées dans le monde, que les hôpitaux sont pleins à craquer, que les systèmes de santé et leurs travailleurs sont au bord de l’effondrement et que les économies en souffrent énormément, un déploiement mondial du vaccin semble être la seule solution pour garantir la réduction du nombre de cas et de décès et un retour éventuel à la normale. Cela ne veut pas dire que nous devons manquer de respect ou rejeter ceux qui s’opposent à la vaccination, mais dans le même temps, il est impératif de faire des efforts concertés pour convaincre le plus grand nombre possible de sceptiques d’accepter la vaccination et pour minimiser l’impact négatif des refus catégoriques restants.

La délivrance de passeports à ceux qui sont vaccinés, comme cela se fait dans certains pays, constitue une humiliation publique et empêche à la fois ceux qui n’ont pas ces passeports de reprendre une vie normale, comme ceux qui ont été vaccinés pourront le faire.

 

    Yossi Mekelberg

Le respect des dilemmes moraux et religieux des autres, même s’ils sont minoritaires, est ce qui rend une société pluraliste. Néanmoins, vu les circonstances, le seul et le meilleur moyen de réduire l’impact épouvantable de la pandémie de coronavirus est un déploiement mondial rapide et efficace des vaccins le plus tôt possible. Il est du devoir des gouvernements nationaux et des organismes internationaux d’apaiser les doutes et les craintes de ceux qui s’opposent au vaccin pour des raisons éthiques ou religieuses et de dialoguer avec eux, et non de les juger moralement ou de chercher à les punir. La tendance actuelle est de délivrer des passeports vaccinaux et par conséquent de punir ceux qui ne se feront pas vacciner en leur interdisant de retourner au travail, de voyager ou de participer à des activités sociales. Cette solution est très logique mais devrait être un dernier recours, pas un premier. L’accent doit être mis en premier lieu sur la nécessité de gagner la confiance des sceptiques, une confiance à laquelle a gravement nui l’incompétence dont la plupart des gouvernements ont fait preuve dans la gestion de cette catastrophe sanitaire.

Le but ultime est d’atteindre l’immunité collective grâce à la vaccination, ce qui nécessiterait généralement que jusqu’à 90 % de la population soit immunisée, selon le degré de contagiosité de l’infection, et en se rappelant que les nouvelles mutations de la Covid-19 sont encore plus contagieuses que les anciens variants. Ainsi, l’objectif est-il d’atteindre des niveaux élevés de vaccination pour s’ajouter à ceux qui ont déjà contracté le virus et s’en sont rétablis. Pour la plupart, comme le montre la réaction très positive de ceux à qui l’on propose le vaccin, en dépit des inquiétudes naturelles, il va sans dire que la vaccination est à la fois dans leur propre intérêt et aussi pour le plus grand bien de la protection des autres, en particulier les plus vulnérables.

La délivrance de passeports à ceux qui sont vaccinés, comme cela se fait dans certains pays, constitue une humiliation publique et empêche à la fois ceux qui n’ont pas ces passeports de reprendre une vie normale, comme ceux qui ont été vaccinés pourront le faire. Les mesures punitives de toutes sortes doivent être réduites à un minimum et faire l’objet d’un examen public afin que les sociétés sortent de cette crise non seulement en faisant confiance à l’État pour leur fournir la protection qu’elles méritent, mais en étant sûres qu’il garantira leurs libertés. Il n’est nullement facile de concilier les deux, mais notre objectif principal et immédiat est de sauver des vies et de préserver notre santé physique et mentale. Pour ce faire, nous devons être guidés par la science et par nos responsabilités conscientes et mutuelles les uns envers les autres.

De ce trou noir dans lequel nous nous trouvons, il y a une opportunité pour qu’une nouvelle et meilleure société émerge. Pendant trop longtemps, l’accent mis sans cesse sur l’individualisme a érodé la notion d’altruisme collectif, qui est aujourd’hui à l’ordre du jour. Nous avons la possibilité, voire l’obligation, de restaurer ce sentiment d’unité, et la vaccination devrait devenir une force pour l’unité et le service envers nos semblables.

• Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales à la Regent’s University de Londres, où il dirige le programme des relations internationales et des sciences sociales. Il est également membre associé du programme Mena à Chatham House. Il contribue régulièrement aux médias internationaux écrits et électroniques. Twitter: @YMekelberg

 

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com