PARIS: Après 20 ans de procédure judiciaire, la cour d'appel de Paris a ordonné jeudi le renvoi devant un tribunal correctionnel du spécialiste suisse du travail temporaire Adecco et de deux anciens directeurs pour discrimination à l'embauche, a-t-on appris de source judiciaire.
Une agence parisienne d'Adecco, spécialisée dans l'hôtellerie et la restauration, est soupçonnée d'avoir établi entre 1999 et 2001 un classement des candidats avec un code "PR IV" pour spécifier les personnes de couleur.
Après une plainte de l'association SOS Racisme, une information judiciaire avait été ouverte en mars 2001 à Paris pour discrimination et fichage à caractère racial.
Au terme d'une longue bataille procédurale, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a finalement ordonné jeudi le renvoi devant un tribunal correctionnel de la société Adecco et de deux responsables de l'agence locale, Mathieu Charbon et Olivier Poulin, a précisé à l'AFP la source judiciaire.
Les deux anciens directeurs et la société Adecco, en tant que personne morale, avaient été mis en examen entre septembre et décembre 2018 pour discrimination et fichage «en raison de l'origine, de la nationalité ou de l'ethnie».
«Enfin, on va pouvoir publiquement juger un système de discrimination monstrueux», a réagi auprès de l'AFP Samuel Thomas, président de la Maison des potes, partie civile avec SOS Racisme et d'anciens intérimaires.
L'association contre le racisme avait été alertée à l'époque par un ancien salarié d'Adecco restauration Montparnasse, chargé du recrutement, de l'existence du code "PR IV" visant à octroyer ou à refuser certaines missions à ces candidats.
Les refus concernaient des missions comme commis de salle ou chefs de rang dans des restaurants, pour lesquelles le client réclamait un BBR (Bleu-Blanc-Rouge) ou "non PR IV", selon cet ancien employé.
«C'est une victoire contre Adecco qui pendant 20 ans a tout fait pour empêcher que cette affaire soit jugée et contre le parquet, qui a été inactif les dix premières années puis a réclamé des décisions toujours en faveur d'Adecco les dix dernières années», a ajouté M. Thomas, ancien vice-président de SOS Racisme à l'origine de la procédure judiciaire.
La chambre de l'instruction avait infirmé en 2010 et 2018 deux ordonnances de non-lieu rendus successivement par des juges d'instruction.
Contactés par l'AFP, les avocats d'Adecco et des deux anciens dirigeants n'avaient pu être joints en milieu d'après-midi.