PARIS: Crise sanitaire oblige, c’est en visioconférence que le président français, Emmanuel Macron, s’est entretenu avec ses homologues du Mali, de la Mauritanie, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad, au premier jour du sommet du G5 Sahel. L’un des objectifs de cette rencontre est le «réajustement» de l’engagement militaire français dans la région.
Prévu pour durer deux jours, le sommet se tiendra demain en format élargi avec la participation de plusieurs chefs d’État et de gouvernement, et des dirigeants d’organisations internationales engagées dans la coalition pour le Sahel.
Il y a un an, lors d’un même sommet réuni sous présidence française dans la ville de Pau, Emmanuel Macron avait décidé qu’un «sursaut» était nécessaire dans la lutte contre le djihadisme dans la région. Ce sursaut s’est traduit par l’envoi de 600 militaires français, pour renforcer le dispositif Serval déployé sur la zone, comptant 5 100 soldats.
Selon le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui s’exprimait devant le Sénat, le sommet actuel qui se tient sous la présidence du Tchad, sera également l’occasion d’un «sursaut diplomatique, politique et de développement». De quoi s’agit-il?
D’un sursaut à l’autre, il semble que la France s’inscrit désormais dans une logique différente. À Pau, la tendance était au renforcement de la présence militaire française, aujourd’hui, il est plutôt question d’un «réajustement» de cette présence.
«Une réflexion est en cours» sur ce sujet, selon l’Élysée, «le président la mène en lien avec ses homologues sahéliens» et elle sera échelonnée sur plusieurs mois.
C’est une tâche qui doit s’accomplir avec la plus grande prudence, «si on se replie demain, tout repart», affirme l’Élysée.
Plus explicite, la ministre française des Armées, Florence Parly, indique: «Si nous sommes toujours présents dans le Sahel, c’est parce que le projet des groupes terroristes est inchangé: faire régner la charia.»
Les propos de Florence Parly ne signifient pas que depuis le lancement des opérations contre l’État Islamique et Al-Qaïda au Sahel (sous le mandat de l’ancien président François Hollande), aucun progrès n’a été accompli.
Bien au contraire, affirme l’Élysée, qui soutient que le groupe État Islamique est affaibli, divisé et nombre de ses chefs éliminés. Toutefois, le Rassemblement pour la victoire de l’Islam et des musulmans (RVIM) progresse.
Il s’agit d’un groupe proche d’Al-Qaïda, qui enrôle des combattants de force et qui est responsable des pertes françaises sur le terrain. Pour L’Élysée, l’affaiblissement de ce groupe est un objectif prioritaire, mais il est important que le pilier militaire soit soutenu par un pilier politique, d’où la nécessité d’un renforcement des autorités locales.
Sur ce sujet, l’Élysée constate que l’affaiblissement de l’État Islamique dans la zone des trois frontières (Mali, Niger, Burkina Faso), n’a pas engendré le retour souhaité de l’autorité des États dans la région.
Ce nécessaire regain d’autorité sera donc un sujet central au menu du sommet, de même que l’obligation de donner une perspective économique sans laquelle les populations locales seront forcées de se tourner vers les groupes armés.
Selon l’Élysée, la victoire ne sera que politique, au bout du compte, or les États de la région «sont fragiles et pauvres, il faut donc les aider économiquement».
D’où la nécessité de mobiliser les bailleurs de fonds, et d’insister auprès de la communauté internationale sur le fait que sa sécurité est en jeu au Sahel.
Un autre élément nécessaire pour permettre à la France de réussir le «réajustement» de ses troupes au Sahel, c’est de miser sur la montée en puissance de la force européenne «Tabuka».
Lancée à l’initiative de Paris, cette force composée d’unités d’élites et comptant à ce stade quelques centaines d’éléments français , tchèques et estoniens, sera chargée d’accompagner l’armée malienne.
Il est donc clair que ce sommet est celui d’une remise en question du rôle joué par la France au Sahel, pour des raisons multiples.
L’engagement militaire français s’avère long et coûteux, en vies humaines et en moyens financiers.
En moins d’une semaine, la France a perdu cinq de ses soldats au Mali au mois de janvier; quant au coût, il s’élève à environ un milliard d’euros par an.