France : le prof, «l'emprise» islamiste et la politique, une polémique en banlieue parisienne

Trappes, une ville d'une trentaine de milliers d'habitants qui s'enorgueillit du succès de ses enfants prodiges -l'acteur Omar Sy, l'humoriste Jamel Debbouze ou le footballeur Nicolas Anelka. (AFP)
Trappes, une ville d'une trentaine de milliers d'habitants qui s'enorgueillit du succès de ses enfants prodiges -l'acteur Omar Sy, l'humoriste Jamel Debbouze ou le footballeur Nicolas Anelka. (AFP)
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Publié le Dimanche 14 février 2021

France : le prof, «l'emprise» islamiste et la politique, une polémique en banlieue parisienne

  • «On ne peut pas nier le phénomène de rupture et de radicalisation dans certains quartiers», dit l'islamologue franco-marocain Rachid Benzine, qui a grandi à Trappes, mais «cela reste une petite partie de la ville»
  • Le préfet Jean-Jacques Brot, le représentant local de l'Etat, confie à son tour au quotidien Le Monde qu'il est «inquiet» des «outrances» et de «certaines inexactitudes» de Didier Lemaire qui «met de l'huile sur le feu»

NANTERRE : Les sorties médiatiques répétées d'un professeur de la banlieue parisienne, qui dit être attaqué pour avoir pris la défense de l'enseignant Samuel Paty assassiné en octobre par un jihadiste, ont rallumé cette semaine la polémique sur le poids des islamistes et pris un tour très politique.

Cheveux longs et verbe haut, Didier Lemaire enseigne depuis vingt ans la philosophie dans un lycée de Trappes, une ville d'une trentaine de milliers d'habitants qui s'enorgueillit du succès de ses enfants prodiges -l'acteur Omar Sy, l'humoriste Jamel Debbouze ou le footballeur Nicolas Anelka. 

Mais le départ de dizaines de ses jeunes vers la Syrie lui vaut aussi une réputation de «foyer de jihadistes».

La notoriété de Didier Lemaire dépasse les grilles de son lycée en novembre, lorsque l'hebdomadaire L'Obs publie une lettre ouverte que ce professeur a écrite afin de dénoncer «la progression d'une emprise communautaire toujours plus forte» à Trappes et, plus généralement, «l'absence de stratégie de l'Etat pour vaincre l'islamisme».

Il réapparaît il y a quelques jours sur les plateaux de télévision au moment où les députés débattent d'un projet de loi sur le «séparatisme» ayant notamment pour objectif de renforcer l'arsenal contre l'islamisme.

Même s'il concède ne pas «vivre dans la peur», Didier Lemaire affirme être la cible de «propos haineux» et d'«attaques» depuis l'assassinat de Samuel Paty.

«On nous a signalé des inquiétudes vis-à-vis du professeur à l'encontre duquel des menaces auraient été proférées», confie lundi à l'AFP le parquet de Versailles dont dépend Trappes et qui a ouvert une enquête à ce sujet.

Devant son lycée placé sous la protection de la police, les avis sont partagés.

«Un bon prof», juge une élève sous couvert d'anonymat. «Il est sympa, gentil, normal quoi», renchérit une autre, pas franchement étonnée par ses propos : «il nous avait déjà donné son avis sur les islamistes». «Je ne suis pas d'accord avec lui quand il dit qu'il ne se sent pas en sécurité à Trappes», lâche à l'inverse Joanna, 18 ans. «C'est ridicule», s'indigne même Yasmine.

«Huile sur le feu»

«On ne peut pas nier le phénomène de rupture et de radicalisation dans certains quartiers», dit l'islamologue franco-marocain Rachid Benzine, qui a grandi à Trappes, mais «cela reste une petite partie de la ville».

Pour lui, «il y a un travail de fond de la mairie, des associations, un travail de lutte contre le repli identitaire. Il faut nuancer» le discours de Didier Lemaire.

Le maire de Trappes Ali Rabeh, quant à lui, rejette viscéralement les propos de ce dernier. 

Ancien membre du Parti socialiste ayant rejoint le mouvement Génération.s de Benoît Hamon, l'ex-candidat socialiste à la présidentielle de 2017, il dénonce à l'AFP les «mensonges» et les «contre-vérités» du professeur.

Le préfet Jean-Jacques Brot, le représentant local de l'Etat, confie à son tour au quotidien Le Monde qu'il est «inquiet» des «outrances» et de «certaines inexactitudes» de Didier Lemaire qui «met de l'huile sur le feu», même si ses propos «ont fait l'objet d'interprétations, pour certaines malveillantes». 

Le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin entre à son tour dans l'arène en proposant une «protection rapprochée» à cet enseignant. «L'Etat est au rendez-vous de sa protection», lance-t-il sur Twitter à l'adresse de tous ceux qui reprochent au gouvernement de l'avoir abandonné.

Le ton monte encore lorsque le maire distribue jeudi une lettre devant le lycée pour mettre en cause le bien-fondé des paroles du professeur et apporter son «soutien» aux élèves «heurtés, blessés par la violence» de la polémique.

«Instrumentalisation»

Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer s'en offusque et accuse Ali Rabeh d'«intrusion» dans le lycée, envisageant même un temps, selon une source proche du dossier, de porter plainte contre lui.

En soirée, l'affaire est abordée au cours d'un débat télévisé entre Gérald Darmanin et Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national (extrême droite) dont le numéro deux Jordan Bardella se rend le lendemain à Trappes. «Il y a dans notre pays de plus en plus de petites républiques islamistes», y assure-t-il, «nos élus ferment les yeux».

Valérie Pécresse (droite), la présidente de la région Ile-de-France où est située Trappes, dénonce alors à son tour «l'intrusion» du maire dans le lycée, exigeant sa «révocation».

Ali Rabeh l'accuse d'«instrumentaliser cette affaire à des fins politiciennes» pour soutenir son «poulain» Othman Nasrou, candidat malheureux contre lui à l'élection municipale de 2020 qui vient d'être annulée par la justice administrative. M. Rabeh a fait appel.

Le maire affirme être victime depuis le début de l'affaire d'«insultes racistes» et déclare avoir porté plainte pour des «menaces de mort». 

Une enquête a en conséquence été ouverte par la justice et l'élu bénéficie dorénavant d'une protection policière. Comme Didier Lemaire.

 


Fusillade à Rennes: les quatre suspects mis en examen et écroués

Selon les investigations menées par la DCOS de Rennes sous l'autorité du parquet JIRS de Rennes, les quatre gardés à vue "sont impliqués dans le trafic de produits stupéfiants organisé par un réseau d'individus originaires de la région parisienne sur la dalle Kennedy (à Villejean), depuis le mois de janvier". (AFP)
Selon les investigations menées par la DCOS de Rennes sous l'autorité du parquet JIRS de Rennes, les quatre gardés à vue "sont impliqués dans le trafic de produits stupéfiants organisé par un réseau d'individus originaires de la région parisienne sur la dalle Kennedy (à Villejean), depuis le mois de janvier". (AFP)
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  • La fusillade avait fait trois blessés par balle et un quatrième homme avait été percuté par la voiture des tireurs. Le pronostic vital de cette dernière victime touchée par le véhicule n'est plus engagé
  • Les quatre hommes sont déjà connus pour de multiples délits

RENNES: Les quatre hommes, âgés de 21 à 23 ans, suspectés d'avoir tiré à plusieurs reprises en pleine journée dans un quartier populaire de Rennes le 17 avril pour "reconquérir" un point de deal, ont été mis en examen et écroués, a annoncé mardi le parquet de Rennes.

Trois ont été mis en examen des chefs d'association de malfaiteurs et tentative de meurtre en bande organisée et encourent "une peine de réclusion criminelle à perpétuité", a annoncé Frédéric Teillet, procureur de la République de Rennes dans un communiqué.

Le quatrième a été mis en cause pour trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs, soit une peine encourue de dix ans d'emprisonnement.

La fusillade avait fait trois blessés par balle et un quatrième homme avait été percuté par la voiture des tireurs. Le pronostic vital de cette dernière victime touchée par le véhicule n'est plus engagé, a indiqué M. Teillet mardi matin.

Les quatre hommes sont déjà connus pour de multiples délits.

Selon les investigations menées par la DCOS de Rennes sous l'autorité du parquet JIRS de Rennes, les quatre gardés à vue "sont impliqués dans le trafic de produits stupéfiants organisé par un réseau d'individus originaires de la région parisienne sur la dalle Kennedy (à Villejean), depuis le mois de janvier", d'après le magistrat.

Le 14 avril, "après plusieurs jours d’assauts violents, ce clan a été évincé par le groupe des Villejeannais, qui a repris possession du terrain qu’il estimait être le sien", explique le magistrat.

C'est dans ce contexte "de règlement de compte lié au narcotrafic que des tirs d'arme à feu ont fait trois victimes et qu'une quatrième a été pourchassée en voiture, renversée violemment et laissée à terre, le 17 avril", poursuit M. Teillet.

Deux des mis en cause sont originaires de Tours, l'un de Marseille et le quatrième de la région parisienne.

"Leur équipement (armes, vêtements, voiture volée…) et leur mode opératoire ont démontré leur détermination extrême à reconquérir par tous les moyens le point de deal, à la demande de leurs commanditaires, en éliminant physiquement leurs concurrents et en prenant le risque de blesser, en plein après-midi, toute personne se trouvant à proximité", a dit M. Teillet.


Macron attendu à La Réunion sur le chikungunya et les dégâts du cyclone Garance

 Après Mayotte, Emmanuel Macron est attendu mardi à La Réunion, département d'outre-mer à la plus forte croissance économique, sur l'épidémie de chikungunya et les dégâts provoqués par le cyclone Garance. (AFP)
 Après Mayotte, Emmanuel Macron est attendu mardi à La Réunion, département d'outre-mer à la plus forte croissance économique, sur l'épidémie de chikungunya et les dégâts provoqués par le cyclone Garance. (AFP)
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  • A Mayotte, il a annoncé lundi une enveloppe de plus de trois milliards d'euros sur six ans pour financer le plan de "refondation" du département le plus pauvre de France, meurtri par le cyclone Chido en décembre
  • Autre défi pour La Réunion, le passage du cyclone Garance, le 28 février, a généré près de 250 millions d'euros de dégâts, dont 150 pour le seul secteur agricole, selon de premiers bilans

SAINT-DENIS DE LA REUNION: Après Mayotte, Emmanuel Macron est attendu mardi à La Réunion, département d'outre-mer à la plus forte croissance économique, sur l'épidémie de chikungunya et les dégâts provoqués par le cyclone Garance.

Le chef de l'Etat, arrivé lundi soir sur l'île en provenance du département voisin de Mayotte, va aussi réaffirmer le "rôle stratégique de La Réunion dans la zone indo-pacifique", où la France aspire à se poser en puissance régionale au côté des Etats-Unis, de la Chine ou l'Inde.

Le président poursuit ainsi une tournée de cinq jours dans le sud-ouest de l'océan Indien qui le mènera aussi à Madagascar mercredi et l'île Maurice vendredi.

A Mayotte, il a annoncé lundi une enveloppe de plus de trois milliards d'euros sur six ans pour financer le plan de "refondation" du département le plus pauvre de France, meurtri par le cyclone Chido en décembre.

La Réunion est secoué par une épidémie de chikungunya, une maladie infectieuse transmise par le moustique tigre, qui a fait six morts depuis le début de l'année et touché potentiellement 100.000 personnes, soit un habitant sur neuf.

Emmanuel Macron sera informé des derniers développements de l'épidémie, qui a atteint son pic ces derniers jours, lors d'un échange avec l'Agence régionale de la santé.

Engorgements 

Les difficultés sur ce front restent palpables. Le directeur général du centre hospitalier de La Réunion, Lionel Calenge, a demandé l'envoi de renforts médicaux face au risque de saturation des centres de santé.

"Tous les jours depuis plusieurs semaines, on accueille entre 30 et 40 patients atteints de +chik+ sur nos deux services d'urgence", ce qui génère "vraiment une grosse tension sur nos capacités", a-t-il alerté dimanche.

Début avril, le CHU avait déclenché le plan blanc, dispositif qui permet de déprogrammer certaines opérations ou de rappeler des personnels en congés dans les hôpitaux.

Une campagne de vaccination a aussi été lancée le 7 avril. Les 40.000 premières doses du vaccin Ixchiq, le premier ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché en Europe, sont destinées aux personnes de 65 ans et plus présentant des comorbidités. Elles peuvent se faire vacciner gratuitement.

Autre défi pour La Réunion, le passage du cyclone Garance, le 28 février, a généré près de 250 millions d'euros de dégâts, dont 150 pour le seul secteur agricole, selon de premiers bilans.

Déjà frappées par une sécheresse sévère, toutes les filières agricoles de l'île - la canne à sucre représentant 53% de la surface agricole - ont lourdement été impactées par les vents et les pluies de Garance, qui a fait cinq morts.

"Echelle régionale" 

A la même époque, l'an passé, le cyclone Bilal avait déjà mis à terre les productions de l'île, deux cyclones en deux ans qui témoignent de l'augmentation et de l'intensification de ces phénomènes météorologiques.

Le chef de l'Etat rencontrera dans la matinée des exploitants agricoles alors que l'île est autosuffisante aux trois-quarts.

La souveraineté alimentaire sera au coeur du cinquième sommet de la Commission de l'océan Indien jeudi à Madagascar.

La Réunion y est représentée au côté de Madagascar, Maurice, des Comores et des Seychelles mais pas Mayotte, les Comores s'opposant à l'intégration de l'archipel dans l'organisation en raison d'un contentieux colonial.

"Le président veut à travers cette visite illustrer le fait que l’échelle régionale c’est le moyen de mieux survivre, de mieux se préparer à affronter ces éléments climatiques", résume l'Elysée.

"Cet espace régional doit s’organiser avec l'ensemble de ses territoires et il y a un avenir commun à bâtir", assure la présidence française.

Emmanuel Macron fera aussi le point sur l'état de l'économie réunionnaise.

 


Macron présidera lundi un Conseil des ministres sur la « refondation » de l'archipel depuis Mayotte

(Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron présentera un projet de loi programme très attendu sur la « refondation » de l'archipel, quatre mois après le passage dévastateur du cyclone Chido, a annoncé dimanche l'Élysée.
  • Ce texte, qui comprend un volet important de lutte contre l'immigration clandestine depuis les Comores, y sera présenté en vue d'une adoption par le Parlement d'ici l'été, a-t-on précisé.

PARIS : Emmanuel Macron présidera lundi un Conseil des ministres en visioconférence depuis Mayotte afin de présenter un projet de loi programme très attendu sur la « refondation » de l'archipel, quatre mois après le passage dévastateur du cyclone Chido, a annoncé dimanche l'Élysée.

Ce texte, qui comprend un volet important de lutte contre l'immigration clandestine depuis les Comores, y sera présenté en vue d'une adoption par le Parlement d'ici l'été, a-t-on précisé.

Une loi d'urgence, destinée à faciliter la reconstruction de Mayotte via des assouplissements des règles d'urbanisme et de commande publique, a déjà été adoptée en février.

La loi de refondation, beaucoup plus large, comprend des « mesures plus structurelles permettant le développement économique et social du territoire sur de nouvelles bases », selon le ministre des Outre-mer Manuel Valls.

Mayotte, le département le plus pauvre de France, est confronté à plusieurs défis majeurs : une forte pression migratoire, un habitat précaire avec de nombreux toits de tôle et bidonvilles, ainsi que des difficultés économiques et sociales.

Ce texte, attendu depuis plusieurs années par les élus mahorais, prévoit notamment un durcissement des conditions d'obtention du titre de séjour dans l'archipel, une aide au retour volontaire et la facilitation des évacuations d'habitats insalubres et illégaux.