TUNIS : Le mouvement Ennahdha menace de faire descendre ses partisans dans la rue. Le Parti Destourien Libre, son pire ennemi, n’exclut pas de recourir à la même arme. Deux anciens dirigeants du parti islamiste et une figure historique de la gauche mettent en garde contre un éventuel dérapage.
Pour la première fois depuis trois semaines, il n’y a pas eu de manifestations à Tunis samedi 13 février. Mais ce n’est que partie remise. Un mois presque jour pour jour après le début des manifestations hostiles à la coalition gouvernementale, les Islamistes menacent pour la première fois de descendre dans la rue. Ennahdha a annoncé jeudi 11 février des consultations à ce sujet avec ses alliés. Cette formation veut visiblement éviter la réédition du scénario de 2013. Un sit-in de plusieurs semaines après l’assassinat de deux opposants avait alors contraint son gouvernement à démissionner.
La crise actuelle a éclaté après que le chef du gouvernement Hichem Mechichi a, sous la pression de la majorité parlementaire, remanié son équipe début janvier pour en exclure les ministres proches du président Kais Saïed. Depuis, ce dernier bloque, en guise de représailles, la prestation de serment des nouveaux ministres au motif que certains d’entre eux sont suspectés de conflit d’intérêts.
En réponse à la menace islamiste, Mme Abir Moussi, présidente du Parti Destourien Libre (PDL) autre adversaire d’Ennahdha qu’elle veut chasser du pouvoir, a sonné vendredi 12 février la «mobilisation générale» et clamé sa détermination à faire descendre ses partisans dans la rue pour s’opposer à une manœuvre visant selon elle à «faire pression sur la société pour qu’elle accepte le gouvernement de Hichem Mechichi» soutenu par Ennahdha. Ce qui fait craindre à la classe politique un glissement du pays de la violence verbale à la violence tout court.
« Ennahdha n’a pas renoncé à la violence »
Co-fondateur et ancien vice-président du mouvement Ennahdha, Me Abdelfattah Mourou a mis en garde contre les appels du mouvement Ennahdha et du PDL à leurs partisans à descendre dans la rue. «Le recours à l’arbitrage de la rue dans les questions politiques est dangereux et peut aboutir à l’anarchie », avertit-il. Ancien conseiller du président du mouvement Ennahdha, M.Lotfi Zitoun -qui a démissionné de ce parti à la mi-janvier- y voit «une ordonnance pour une guerre civile». Me Nejib Chebbi, ancien candidat à la présidentielle, considère, dans une interview au quotidien Achourouk, que «le mouvement Ennahdha n’a pas renoncé à la violence et peut la pratiquer». Mais on n’en est pas là, du moins pour l’instant.
Le parti islamiste ne semble en effet pas pressé de lâcher la bride à ses militants. C’est pour cette raison qu’aucune date pour la manifestation n’a été annoncée, même la présidente du PDL que celle-ci aurait lieu le 27 février. Le bureau exécutif ne ferme pas la porte à l’apaisement. Dans un communiqué daté du 11 février il encourage les partis, organisations nationales et personnalités engagés dans la recherche d’une solution politique à la crise actuelle à poursuivre leurs efforts.