WASHINGTON : Dans une ambiance solennelle et sous haute sécurité, le Sénat américain a ouvert mardi le deuxième procès historique de Donald Trump, accusé d'avoir incité ses partisans « à l'insurrection » avant l'attaque sanglante du Capitole.
Vivant désormais en Floride, le milliardaire ne se rendra pas au procès. Et il fait peu de doute qu'il sera, à son terme, acquitté.
Dans un grand silence, les élus démocrates chargés de l'accusation ont traversé jusqu'au Sénat les mêmes couloirs du Capitole, siège du Congrès, où s'étaient précipités des manifestants pro-Trump le 6 janvier, semant le chaos et forçant l'évacuation des parlementaires.
Situation inédite, les 100 sénateurs qui font office de jurés furent ainsi les témoins, et victimes, de l'attaque.
Après une prière, ils ont pris place pour ce procès doublement historique.
C'est en effet la première fois qu'un ex-président américain est visé par une procédure de destitution après avoir quitté la Maison Blanche. Et le 13 janvier, le magnat de l'immobilier était déjà devenu le premier président à être frappé deux fois par une mise en accusation (« impeachment ») à la Chambre des représentants, cette fois pour « incitation à l'insurrection ».
Les images fortes de ces violences, qui ont fait cinq morts, et le discours de Donald Trump à ses partisans quelques minutes auparavant vont occuper un rôle central dans l'accusation des démocrates, qui ont promis de « nouvelles » pièces à conviction.
Gardes nationaux dans les vénérables couloirs, hautes barrières protégeant le Capitole : les mesures inédites de sécurité rappellent la violence, et le choc, provoqués par l'assaut.
Aller vite
Accusation « absurde » contre preuves « accablantes » : les avocats de l'ex-président républicain et les élus démocrates qui portent l'accusation ont déjà donné le ton des échanges à venir lors du procès.
La Constitution impose une majorité des deux tiers pour un verdict de culpabilité. Même si des sénateurs républicains ont vertement critiqué le rôle du 45e président américain dans ces violences, il semble peu probable que 17 d'entre eux joignent leur voix aux 50 démocrates pour condamner le milliardaire, encore très populaire auprès de sa base.
Une chose unit les deux camps : ils veulent aller vite, et un vote final pourrait avoir lieu dès le début de la semaine prochaine.
Les républicains parce qu'ils ne veulent pas s'attarder sur une séquence qui divise leurs rangs ; les démocrates parce qu'ils veulent que le Sénat puisse de nouveau rapidement se concentrer sur leur priorité: approuver les candidats et les lois de Joe Biden.
Se présentant en « rassembleur » d'une Amérique meurtrie, ce dernier prend soin de se tenir à distance de cette procédure. Le nouveau président ne va pas commenter les argumentaires, d'ailleurs il ne les regarde pas, a souligné encore une fois mardi la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki.
Procès « absurde »
C'est un débat juridique sur la constitutionnalité du procès qui va occuper l'après-midi mardi : chaque camp a deux heures pour livrer ses arguments et les sénateurs voteront ensuite pour dire s'ils se jugent compétents.
Ce point est au coeur de l'argumentaire des avocats de Donald Trump, David Schoen et Bruce Castor, pour qui il est « absurde et anticonstitutionnel de mener un procès en destitution contre un simple citoyen ». Un argument repris par de nombreux sénateurs républicains.
Une simple excuse pour éviter d'avoir à juger sur le fond la conduite « méprisable » de Donald Trump et donc « de se mettre à dos les partisans du président », a tonné le chef de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer.
« Violation de la Constitution »
Pour les « procureurs » démocrates, il existe des « preuves accablantes » de la culpabilité du milliardaire, responsable selon eux de « la pire violation de la Constitution jamais commise par un président américain ».
Ils rappellent ses mois passés à nier sa défaite face à Joe Biden, en dénonçant, contre toute évidence, des fraudes électorales « massives ». Et son long discours devant les milliers de partisans rassemblés le 6 janvier à Washington, alors même que les parlementaires étaient réunis au Capitole pour entériner la victoire du démocrate.
« Vous ne reprendrez jamais notre pays en étant faibles. Vous devez montrer de la force », avait-il lancé à la foule chauffée à blanc devant la Maison Blanche, avant d'appeler à se rendre jusqu'au Capitole pour faire « entendre votre voix de façon pacifique et patriotique ».
Mais pour ses avocats, « le président Trump n'a exhorté personne à commettre des actes illégaux ».
Affirmer qu'il pourrait être responsable des violences d'un « petit groupe de criminels » qui l'ont « absolument mal compris » est « tout simplement absurde », ont-il écrit lundi.
Donald Trump « refuse d'accepter la responsabilité de ses actes », ont rétorqué les « procureurs » démocrates mardi peu avant l'ouverture du procès. Et à la place, il « tente à la place de faire retomber la culpabilité sur ses partisans ».