BEYROUTH: Le Premier ministre libanais, Hassan Diab, a annoncé samedi soir qu'il allait proposer des élections parlementaires anticipées dans le pays ébranlé par l'explosion meurtrière au port de Beyrouth, dont la population rend la classe politique responsable.
Dans un discours télévisé, le chef du gouvernement a estimé que seules "des élections anticipées peuvent permettre de sortir de la crise structurelle", ajoutant qu'il était prêt à rester au pouvoir "pendant deux mois", le temps que les forces politiques s'entendent à ce sujet.
La déclaration de Diab est intervenue alors que la colère des manifestants envahissait les rues du centre-ville de Beyrouth.
"Il y a désormais de la haine, du sang entre nous": brandissant des potences, des milliers de Libanais ont crié vengeance samedi contre leurs dirigeants qu'ils accusent d'être responsables de l'explosion ayant semé la mort et la destruction à Beyrouth.
Des milliers de Libanais ont déferlé dans les rues de Beyrouth, pour exprimer leur colère face à la classe politique jugée responsable du drame qui a fait plus de 150 morts et 6.000 blessés.
Sur la place des Martyrs, épicentre traditionnel des manifestations, vers laquelle les protestataires ont convergé avec pour mot d'ordre "Le Jour du jugement", des guillotines en bois ont été installées tandis que des protestataires ont brandi des cordes, un noeud coulant à leur extrémité. Le hashtag #Pendez-les circule depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux.
Pour les Libanais déjà éprouvés par une crise économique inédite, l'explosion de mardi a été la catastrophe de trop, relançant un mouvement de contestation qui avait débuté en octobre pour dénoncer l'ensemble de la classe dirigeante, jugée corrompue et incompétente, mais s'était essoufflé en raison de la pandémie de Covid-19.
Accrochages
"Vengeance, vengeance, jusqu'à la chute du régime", ont scandé les manifestants, certains portant des masques, d'autres des drapeaux ou des portraits des victimes de l'explosion, alors que les forces de sécurité tentaient d'empêcher certains groupes d'avancer vers le Parlement.
Dans des rues adjacentes au rassemblement majoritairement pacifique malgré des tensions, des forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes tandis que des heurts limités les ont opposés à certains manifestants qui leur ont lancé des pierres.
"Après trois jours passés à déblayer les décombres et panser nos plaies, il est temps de laisser exploser notre colère et de les sanctionner pour avoir tué des gens", affirme Farès al-Hablabi, 28 ans.
"Nous devons nous dresser contre tout le système (...) le changement doit être à la mesure de l'ampleur de la catastrophe", ajoute ce militant descendu dans la rue dès le déclenchement du soulèvement populaire le 17 octobre 2019.
Beyrouth s'est réveillée pour le quatrième jour consécutif au son du verre brisé ramassé dans les rues une armée de volontaires.
L'explosion au port mardi, dont les circonstances ne sont toujours pas élucidées, aurait été provoquée par un incendie qui a touché un énorme dépôt de nitrate d'ammonium, dangereuse substance chimique.
La catastrophe a fait au moins 300.000 sans-abri, alors que le nombre de personnes portées disparues a été revu selon le dernier bilan à 21.