WASHINGTON: Un an après un premier procès en destitution historique, Donald Trump se retrouve à nouveau mardi en position d'accusé au Sénat, dont les élus doivent dire s'il a encouragé l'assaut meurtrier sur le Capitole.
Pour le condamner en son absence, il faudra un vote rassemblant les deux tiers des 100 membres du Sénat, ce qui rend probable son acquittement.
La violence de l'attaque, le 6 janvier, au moment où les élus certifiaient la victoire de Joe Biden à la présidentielle, a suscité un tel effroi que les démocrates ont réactivé la procédure de destitution, même si le mandat de Donald Trump touchait à sa fin.
Dès le 13 janvier, la Chambre des représentants, contrôlée par les Démocrates, l'a mis en accusation pour «incitation à l'insurrection», un second «impeachment» le marquant à nouveau du sceau de l'infamie, ce qui n'est arrivé à aucun autre président avant lui. Aucun non plus n'a été jugé après avoir quitté le pouvoir.
Un duo d'avocats controversés
Contrairement à son premier procès, où de brillants juristes et des stars du barreau s'étaient succédé pour le défendre, Donald Trump a peiné à constituer son équipe d'avocats.
Après une vague de démissions, il a recruté in extremis Bruce Castor et David Schoen qui, sans être des avocats de premier plan, ont déjà défrayé la chronique.
Le premier, qui fut longtemps procureur en Pennsylvanie, avait été saisi en 2005 d'une plainte pour agression sexuelle contre Bill Cosby. Il avait refusé d'ouvrir des poursuites contre le comédien, qui a finalement été condamné treize ans plus tard pour ces abus.
Le second, pénaliste en Alabama, s'est dit à plusieurs reprises convaincu que le financier Jeffrey Epstein, accusé d'exploitation sexuelle de mineures, a été tué dans sa cellule, bien que des enquêtes officielles ont confirmé la thèse du suicide.
Le milliardaire républicain et ses alliés s'appuient d'ailleurs sur son départ de la Maison Blanche, le 20 janvier, pour soutenir que le procès est contraire à la Constitution: les sénateurs peuvent, selon eux, démettre un président en exercice, mais pas juger un simple citoyen.
L'accusation démocrate rétorque qu'un ancien ministre a déjà été jugé dans ce cadre, et qu'il faut condamner Donald Trump pour le rendre inéligible et pour «dissuader les prochains présidents de provoquer des violences afin de rester au pouvoir».
Lors du procès, ses avocats doivent concentrer l'essentiel de leurs arguments à ce débat juridique, pour éviter d'avoir à défendre les tweets et diatribes enflammées de leur client.
La plupart des sénateurs républicains devraient eux aussi s'abriter derrière cet argument pour voter l'acquittement sans avoir à se prononcer sur le fond.
les ennuis juridiques de Trump: Sans arrêt
Même s'il est improbable qu'il soit jugé coupable d'incitation à l'insurrection, les ennuis juridiques de Trump ne s'arrêteront pas avec son procès au Sénat: l'ex-président américain pourrait prochainement être inculpé au pénal, pour des allégations liées à ses affaires, au risque d'exacerber les tensions politiques.
Le magnat new-yorkais, installé dans sa luxueuse résidence de Floride, est depuis longtemps un habitué des tribunaux civils, avec une armée d'avocats prêts à monter au créneau pour le défendre comme attaquer ses adversaires.
Redevenu simple citoyen, il risque désormais l'affronter inédit d'une inculpation: au moins une enquête le vise au pénal, menée par le procureur de Manhattan, Cyrus Vance, un démocrate qui se bat depuis des mois pour obtenir huit ans de déclarations fiscales et bancaire de l'ancien promoteur immobilier et star de télé-réalité.
Initialement centrée sur les paiements effectués, avant la présidentielle 2016, à deux maîtresses présumées du milliardaire, examine désormais aussi de possibles allégations de fraude fiscale, fraude aux assurances, ou fraude bancaire.
Donald Trump a qualifié l'enquête de «pire chasse aux sorcières de l'histoire des Etats-Unis». La Cour suprême n'a pas encore rendu sa décision.
«Poudrière»
Comme il y a un an, il a été jugé pour «abus de pouvoir» pour avoir demandé à l'Ukraine d'enquêter sur le fils de Joe Biden, Donald Trump a toutes les chances de voir une condamnation. Pour être déclaré coupable, il faudrait en effet que 17 sénateurs républicains se rallient aux 50 démocrates, ce qui paraît improbable à ce stade.
L'ancien magnat de l'immobilier a cependant beaucoup à perdre lors du procès, qui sera retransmis en direct dans tous les Etats-Unis.
Même s'il garde une base de fervents partisans, l'attaque sur le Capitole a érodé sa popularité. Lui qui, à 74 ans, caresse l'idée d'une nouvelle candidature en 2024, n'a donc pas d'intérêt à voir l'épisode joué et rejoué dans l'enceinte du Sénat.
Ou, les élus démocrates qui porteront l'accusation contre lui n'a pas l'intention de s'en tenir au débat juridique.
Dans un document résumant leur argumentaire, ils ont donné le ton: Donald Trump «a créé une poudrière, allumé une allumette puis cherché à tirer personnellement profit du chaos qui a suivi», ont-ils écrit.
Ils devraient donc revenir longuement sur les événements qui ont ébranlé la démocratie américaine.
Huile sur Le feu
Selon des médias américains, les enquêteurs de M. Vance ont récemment interrogé des employés de la Deutsche Bank - longtemps appui financier de Donald Trump et de sa holding, la Trump Organization - et de sa compagnie d'assurances, Aon.
Ils ont également réinterrogé l'ex-avocat personnel du président, Michael Cohen, qui purge une peine de prison. Il avait annoncé au Congrès que Trump et sa société gonflaient ou réduisaient artificiellement la valeur de leurs actifs, pour alternativement obtenir des prêts bancaires ou réduire leurs impôts.
Son enquête est de nature civile, mais «si nous découvrions des faits criminels, elle changeait de nature», a-t-elle récemment déclaré.
Si ces accusations étaient avérées, elles exposeraient l'ex-président à une possible incarcération. Et contrairement aux délits fédéraux, les violations de lois des États ne sont pas grâciables par le président américain. Quand bien même Joe Biden, qui a fait vœu de réconciliation, le souhaiterait.
Pour rappeler l'ampleur du drame, les procureurs démocrates pourraient demander à entendre des témoins, notamment des membres des forces de l'ordre.
Les républicains ne veulent pas s'attarder sur cet épisode qui suscite la division en leur sein.
Et les démocrates n'ont pas d'intérêt non plus à faire traîner en longueur un procès qui les demande se consacrer à leurs priorités: soutenir l'action de Joe Biden en votant ses projets de loi.