BEYROUTH: Deux ministres libanais ayant tenté une timide sortie dans les quartiers de Beyrouth, dévastés par l'explosion au port de la capitale, ont été violemment pris à parti par des volontaires qui déblayaient les décombres, ne décolérant pas face à l'incurie du pouvoir.
L'accueil tranche avec celui enthousiaste réservé jeudi au président français Emmanuel Macron, qui s'est offert un bain de foule dans le centre de Beyrouth auprès de Libanais fustigeant leurs dirigeants accusés de corruption et d'incompétence.
Vendredi, le ministre de l'Education Tarek Majzoub est descendu balai à la main pour aider dans le quartier de Karantina, où il a été accueilli dans la colère.
« Démissionne », « le peuple veut la chute du régime », « Préparez la potence », ont hurlé les volontaires, contraignant le ministre à repartir, selon des vidéos circulant sur les réseaux sociaux et des télévisions locales.
Face à la faible réactivité des autorités après le drame survenu au port, les Libanais ont pris les choses en main et lancé eux-mêmes les opérations de nettoyage.
Jeudi, la ministre de la Justice Marie-Claude Najm avait tenté de se rendre dans le quartier dévasté de Gemmayzé, visité par M. Macron le même jour.
Des volontaires ont réclamé sa démission, n'hésitant pas à l'insulter et à l'asperger avec de l'eau, malgré les militaires qui l'escortaient, selon des vidéos filmées par un témoin.
« Ministre de la corruption, pas ministre de la Justice », a lancé l'un d'entre eux.
« Si tu as de l'honneur, démissionne », lui a lancé une Libanaise.
L'explosion dans le port de Beyrouth mardi a fait plus de 150 morts et 5.000 blessés. Elle a été provoquée par plusieurs tonnes de nitrate d'ammonium stockées depuis six ans dans un entrepôt « sans mesures de précaution », de l'aveu même du Premier ministre.
Le drame a alimenté la colère des Libanais, déjà mobilisés à l'automne 2019 lors d'un soulèvement populaire inédit, pour dénoncer une crise économique et une classe politique quasi-inchangée depuis des décennies.
Des appels circulent sur les réseaux sociaux pour une manifestation anti-gouvernementale samedi.