BEYROUTH: Le prix du pain au Liban a augmenté de 250 livres (1 livre libanaise = 0,00055 euro) mardi, la deuxième hausse en moins d'un mois. Désormais, 930 grammes de cet aliment de base coûtent 2 500 livres.
Aujourd’hui, une famille a besoin d’environ 75 000 livres par mois pour acheter du pain tous les jours: le dernier prix représente 11 % du salaire minimum mensuel de 650 000 livres.
Selon le ministère de l'Économie, la première augmentation était due à la hausse mondiale des prix du blé. Il a promis de réduire le prix «dès que les prix mondiaux du blé ou le taux de change du dollar local baisseront, car ces deux facteurs contrôlent le prix du pain au Liban».
Lundi, le ministère a invoqué la même raison pour la deuxième hausse. Cependant, ni le prix du blé ni le taux de change du dollar au Liban n’ont baissé, et ce dernier approche les 9 000 livres sur le marché noir.
Les analystes économiques craignent que le pain puisse atteindre jusqu’à 5 000 livres. Mais le gouvernement n’a pas montré de volonté d’intervenir et de subvenir aux besoins des pauvres, qui constituent plus de 20 % de la population. Le taux de pauvreté en général dépasse 55 %.
«Le fait de chercher à augmenter les prix du pain et de porter le prix du bidon d’essence à 20 000 livres laisse penser que les subventions sur les matériaux de base vont être progressivement supprimées», note Bechara al-Asmar, chef du Syndicat général du travail.
«L'État et les autorités financières ignorent les malheurs des personnes affamées, qui appartiennent à des groupes vulnérables et à des ouvriers touchés par la hausse quotidienne des prix des denrées alimentaires et des produits de base, et la nécessité de tenir pour responsables, entre autres, les trafiquants de médicaments et de carburant. Mais ils cherchent également à faire de la suppression des subventions un fait accompli sans proposer de plan économique qui permettrait de rétablir le pouvoir d'achat de la monnaie nationale, de récupérer l'argent volé ou passé en contrebande, ou de protéger l'argent des déposants», explique-t-il à Arab News.
«Si la faim augmente, les gens seront épuisés, et la sécurité sera compromise», avertit-il.
Avec l’impasse politique qui entrave la formation d'un nouveau gouvernement, le prix du pain va certainement encore augmenter.
Cette paralysie politique qui dure depuis des mois mine les chances du Liban de mettre en œuvre les réformes dont il a besoin pour débloquer une aide financière internationale vitale qui l’aiderait à sortir de la crise économique qu’il traverse.
Pour Bechara al-Asmar, la solution consiste à former immédiatement un gouvernement d’urgence digne de confiance et à même de prendre les premières mesures avant que tout ne s’effondre.
Le Premier ministre par intérim, Hassan Diab, a présidé mardi un comité ministériel chargé d’étudier les subventions.
Selon la Fédération nationale des syndicats de travailleurs et d’employés du Liban (Fenasol), le gouvernement intérimaire est responsable des «chocs sécuritaires» qui pourraient résulter de l’appauvrissement, de la famine et du chômage. Elle appelle toutes les organisations syndicales et la société civile à «se rendre sur les places du soulèvement du 17-Octobre», en référence au mouvement de protestation de masse qui a secoué le pays en 2019.
Il y a une semaine, une violente manifestation a eu lieu dans la ville de Tripoli, en raison de la détérioration des conditions de vie à la suite du confinement dû à la Covid-19. Un homme a été tué et des dizaines de civils et de soldats ont été blessés.
Une étude menée par l’Organisation des Nations unies montre que l’économie libanaise a reculé de 20 % en 2020 par rapport à l’année précédente en raison du déclin de l’activité du secteur privé, ce qui porte un coup sévère au produit intérieur brut et aux recettes fiscales du pays.
Les ventes du secteur privé ont diminué de 45 % en 2020 par rapport à 2019, et 23 % des employés qui travaillent dans des secteurs clés ont été licenciés, indique le rapport.
Selon l’étude, la récession va s’aggraver en 2021 «à moins que le vaccin contre la Covid-19 ne soit déployé à temps et que les réformes politiques et économiques nécessaires ne soient mises en œuvre».
«Il est urgent de développer un plan de salut national pour les micro, petites et moyennes entreprises afin de réduire le chômage et de fournir des prêts à des conditions avantageuses pour répondre aux besoins de trésorerie en cas d’urgence, afin d’éviter une faillite massive et la suppression d’emplois supplémentaires», affirme Rola Dashti, secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com