WASHINGTON: L'association de deux anticorps de synthèse du groupe pharmaceutique américain Eli Lilly contre la Covid-19 a réduit de 70% les hospitalisations et les décès chez des patients à haut risque ayant été récemment testés positifs à la maladie, a affirmé la compagnie mardi.
Les résultats ont été qualifiés de « très encourageants » par Stephen Evans, un professeur de pharmacoépidémiologie à la London School of Hygiene and Tropical Medicine.
« Il s'agit des premiers médicaments antiviraux qui marchent de manière prouvée lors de la première phase de la maladie, juste après que le virus a infecté une personne mais avant qu'il ait eu le temps de provoquer des dégâts », a-t-il ajouté.
L'entreprise de biotechnologie Regeneron a de son côté annoncé des résultats intérimaires positifs pour son essai de phase 3 sur le REGEN-COV, une combinaison de deux anticorps, pour une utilisation préventive, c'est-à-dire avant même qu'il y ait infection par le virus.
Grand potentiel
Concernant le traitement d'Eli Lilly, les résultats signifient que l'essai de phase 3 auquel ont participé 1 035 personnes a atteint son principal objectif ; l'étude a aussi atteint ses objectifs secondaires de réduire la charge virale des patients et leur temps de convalescence.
Les patients ont reçu soit un placebo, soit la combinaison bamlanivimab-etesevimab, les deux anticorps, à 2,8 grammes chacun.
Onze hospitalisations ont été enregistrées chez les patients ayant reçu le traitement, soit 2,1% de ce groupe.
Chez les personnes ayant reçu un placebo, il y a eu 36 décès ou hospitalisations, soit 7% de ce groupe.
Le traitement représente donc une réduction de risque de 70%. Le résultat est suffisamment important en termes statistiques pour signifier qu'il est peu probable qu'il soit dû au hasard.
Dix décès ont en tout été enregistrés, tous au sein du groupe ayant pris un placebo. Aucun ne s'est produit chez les personnes ayant pris le traitement.
« Le bamlanivimab et l'etesevimab, ensemble, ont le potentiel pour être un traitement important réduisant de manière significative les hospitalisations et la mort chez les patients Covid à haut risque », a déclaré le principal responsable scientifique du groupe, Daniel Skovronsky.
Le groupe pharmaceutique a indiqué qu'il allait continuer à étudier le traitement dans le cadre d'un autre essai pour voir si une dose inférieure produit le même effet.
Un article d'évaluation par les pairs est encore attendu.
Difficultés logistiques
Ces anticorps sont une version, fabriquée en laboratoire, des défenses immunitaires du corps humain.
Chez Regeneron, les données analysées portent sur environ 400 patients, dont la moitié a reçu 1,2 grammes du traitement par injection sous-cutanée, l'autre un placebo.
Sur les 223 patients ayant reçu le placebo, huit ont plus tard été infectés par la Covid-19 tout en présentant des symptômes, ce qui n'a été le cas d'aucune des 186 personnes ayant reçu le REGEN-COV, soit une réduction de 100% des infections symptomatiques.
Le traitement a aussi réduit le taux général d'infection, avec ou sans symptômes, de 50%.
« Ces données sur l'utilisation du REGEN-COV comme vaccin passif suggèrent qu'il pourrait à la fois réduire la transmission du virus et réduire la charge virale et le fardeau de la maladie chez ceux qui sont quand même infectés », a dit George Yancopoulos, le président de Regeneron.
Donner des anticorps de synthèse peut aider les personnes présentant le risque de tomber gravement malades en raison d'une immunité faible ou d'antécédents médicaux.
Plusieurs scientifiques ont salué leur potentiel contre la Covid, et Eli Lilly ainsi que Regeneron ont reçu des autorisations d'utilisation en urgence pour leurs traitements.
Covid-19: Ecoles et propagation
Les écoles qui font respecter la distanciation physique, le port du masque, et d'autres précautions sanitaires n'ont pas constaté de propagation rapide du coronavirus en leur sein, a révélé une analyse américaine publiée mardi.
Les chercheurs, travaillant pour les Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), ont passé en revue les données d'études ayant pour cadre des écoles dans trois Etats américains, et certains pays européens.
Leur analyse a été publiée mardi dans le Journal of the American Medical Association (JAMA).
« Alors que beaucoup d'écoles ont rouvert leurs portes pour une instruction en présentiel dans certaines parties des Etats-Unis, ainsi qu'à l'international, des cas de Covid-19 liés au milieu scolaire ont été rapportés, mais il existe peu de preuves que les écoles ont contribué de manière significative à une augmentation des transmissions » au niveau local, ont-ils affirmé.
« La majorité des preuves existantes, portant sur le premier semestre scolaire, ont été rassurantes dans la mesure où le type de propagation rapide qui avait été fréquemment observé dans les lieux de cohabitation, ou les lieux de travail à forte fréquentation, n'est pas observé dans les milieux scolaires », ont soutenu les chercheurs.
Mais l'adoption d'un tel traitement a été limitée aux Etats-Unis par plusieurs facteurs, dont le manque d'intérêt de la part des patients ainsi que le manque de personnel et de capacités logistiques des hôpitaux pour les administrer.
Dans son communiqué, Eli Lilly reconnaît certaines de ces difficultés.
« Nous avons eu des retours de la part d'infirmiers et de médecins (...) concernant la complexité et le temps nécessaire pour la préparation et l'administration » du traitement, a affirmé Lilly, précisant travailler avec les autorités sanitaires américaines pour potentiellement réduire le temps d'administration par intraveineuse de 60 à 16 minutes.
Sanofi aide Pfizer et BioNTech
Sur un autre plan, celui du vaccin, et faute de pouvoir pour en proposer actuellement un contre la Covid-19, le laboratoire français Sanofi va mettre en flacon celui de ses concurrents Pfizer et BioNTech et conditionner plus de 100 millions de doses cette année à destination de l'Union européenne.
L'annonce de ce coup de pouce a été faite mardi par le directeur général de Sanofi, Paul Hudson, après que le gouvernement français lui a demandé à plusieurs reprises, récemment, de mettre ses chaînes de fabrication à la disposition de ses concurrents.
Dans un entretien publié sur le site internet du quotidien Le Figaro, Hudson explique que Sanofi va utiliser son usine allemande de Francfort pour conditionner le vaccin, qui lui sera fourni par ses concurrents à partir de juillet.
« Ce site de production étant situé à proximité du siège de BioNTech (à Mayence, NDLR), cela permettra de faciliter les choses », fait valoir le patron du groupe français.
La production sera destinée à l'Union européenne, et donc en partie à la France, a-t-il ajouté.
Cet accord survient au moment où plusieurs laboratoires rencontrent des difficultés pour tenir les cadences élevées nécessaires afin de respecter les contrats qu'ils ont signés.
Le groupe américain Pfizer et la biotech allemande BioNTech avaient les premiers prévenu mi-janvier qu'ils n'allaient pas pouvoir tenir le calendrier initialement fixé avec l'UE, avant de se dire en mesure de limiter à une semaine les retards de livraison.
La semaine dernière, c'était au tour du britannique AstraZeneca, dont le vaccin doit encore être approuvé dans l'Union européenne, d'indiquer que ses livraisons seraient moins importantes que prévu au premier trimestre, provoquant la colère de Bruxelles.
Mardi, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a mis la pression sur les fabricants en affirmant qu'ils devaient « honorer leurs obligations ».
« L'Europe a investi des milliards pour développer les premiers vaccins et créer un véritable bien commun mondial. Maintenant, les entreprises doivent tenir leurs promesses », a-t-elle soutenu dans une intervention en vidéo au Forum économique mondial de Davos.
En réponse, le PDG d'AstraZeneca, Pascal Soriot, a assuré mardi soir au Figaro que son groupe « ne pren(d) certainement pas de vaccins aux Européens pour les vendre ailleurs avec profit » mais mis en avant des soucis de production qu'il a fallu régler.
« Fenêtre de lancement »
Bruxelles avait annoncé début janvier un nouvel accord avec le duo Pfizer-BioNTech, prévoyant une précommande ferme de 200 millions de doses supplémentaires de leur vaccin anti-Covid, assorti d'une option pour 100 millions de plus. Cela s'ajoutait au contrat déjà conclu portant sur 300 millions de doses du vaccin, autorisé depuis le 21 décembre par la Commission européenne.
Concernant ses propres projets de vaccins, Paul Hudson assure que celui à protéines recombinantes, une technologie que Sanofi utilise pour son vaccin contre la grippe, « avance bien », malgré quelques mois de retard et devrait arriver sur le marché au dernier trimestre de 2021. Selon lui, une telle fenêtre de lancement a du sens car il restera encore des gens à vacciner dans le monde à ce moment-là.
D'autre part, alors que plusieurs variants du virus responsable de la Covid-19 ont été identifiés et que des questions demeurent concernant l'efficacité des vaccins déjà commercialisés face à ces derniers, il considère que cette technologie « pourrait être plus efficace contre ces mutations » que l'ARN messager.
La laboratoire français développe tout de même un vaccin fondé sur cette dernière technologie, utilisée notamment par Pfizer et BioNTech, en partenariat avec une biotech américaine. « Nous pensons pouvoir entrer en phase clinique avec un vaccin ARN contre la Covid dès le premier trimestre de cette année », a espéré Paul Hudson.
Traditionnellement, développer un nouveau vaccin demande en moyenne dix ans, selon les spécialistes du secteur. Si Sanofi y parvenait pour la Covid-19 en l'espace de deux ans, cela resterait un temps exceptionnellement court, mais le laboratoire pâtit de la comparaison avec ses concurrents plus rapides.
Ce délai a alimenté les questions concernant l'état de la recherche française, redoublées depuis l'annonce lundi par l'Institut Pasteur de l'arrêt du développement de son principal projet de vaccin contre la Covid-19 en collaboration avec le laboratoire pharmaceutique MSD, nom du géant américain Merck hors des États-Unis et du Canada.