Liberté : Comment avez-vous accueilli la recommandation du rapport de Benjamin Stora préconisant la reconnaissance de l’assassinat de votre oncle, Ali Boumedjel ?
Fadhila Chitour-Boumendjel : Mon premier sentiment est que cette «reconnaissance» est tellement tardive, près de 65 ans après l’assassinat «masqué en suicide !» de mon oncle. Encore, faut-il le préciser, il ne s’agit, pour l’instant, que d’une éventuelle «reconnaissance», puisque cela reste au stade d’une recommandation, parmi d’autres, du rapport de l’historien Benjamin Stora. Toutes les personnes victimes indirectes, dans ma famille, de ce psycho- traumatisme irréparable, et dont un grand nombre d’entre elles ont disparu (père, mère, épouse), n’auront pas connu cette reconnaissance qui est donc venue, comme je le disais, plus de 60 ans après son assassinat. Dans un deuxième temps, à la lecture du rapport, j’ai trouvé étonnant que l’historien français parle particulièrement d’Ali Boumendjel. Pourquoi le distinguer, alors que le Mouvement national algérien et la Bataille d’Alger particulièrement ont donné d’autres Ali Boumendjel ! Il existe tellement d’anonymes qui ont subi le sort affreux des assassinats et de la torture. Pourquoi le singulariser dans la communauté des martyrs algériens ? Ensuite, que représente cette reconnaissance concrètement ? Mon oncle aura une rue à son nom en France ? Je ne le sais pas. J’estime que le fait que la date de son assassinat soit dédiée à la Journée de l’avocat dans son pays a une portée plus symbolique !
Qu’est-ce qui expliquerait ce choix de M. Stora ?
Je pense que c’est un choix personnel et amical dicté par sa proximité avec la famille Boumedjel. M. Stora était et reste l’ami de notre famille et notamment de Samy Boumendjel, l’un des fils de mon oncle. Son père était déjà très proche du parti de mon père et de mon oncle : l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA), dirigé par Ferhat Abbas. Benjamin Stora est également à l’origine de la parution du livre «Ali Boumendjel : une affaire française et une histoire algérienne», écrit par l’historienne Malika Rahal. Je pense que ce sont tous ces éléments qui ont précédé le choix de l’historien. C’est pour lui une victime emblématique et symbolique algérienne, d’autant que son assassinat a eu un grand retentissement en France.
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