PARIS : L'historien français Benjamin Stora espère que le rapport «concret» sur la colonisation et la guerre d'Algérie qu'il remettra mercredi au président Emmanuel Macron servira aux «circulations de mémoires» sur ce sujet douloureux et tabou des deux côtés de la Méditerranée.
«Ce que j'espère, (...) que les circulations de mémoires existent réellement, c'est-à-dire que les gens peuvent se comprendre par rapport aux uns et aux autres», a déclaré M. Stora mardi à l'AFP.
«Que les Français comprennent ce qu'a été le vécu algérien, et que les Algériens rentrent aussi dans ce qui a été l'histoire française de la guerre d'Algérie», a-t-il souligné.
Issu d'une famille juive de Constantine, l'historien, spécialiste de l'Algérie, a été chargé en juillet par Emmanuel Macron de rédiger des propositions pour surmonter les difficultés héritées de ce passé non soldé, à l'origine de relations volatiles entre les deux rives de la Méditerranée, et de récits antagonistes au sein-même de chaque pays.
M. Stora veut, avant tout, promouvoir une «volonté de passage, de passerelle, de circulation, de décloisonnement des mémoires».
Concrètement, «il y a un certain nombre de choses à faire», a-t-il expliqué, sans dévoiler le contenu de son rapport qui sera rendu public mercredi en fin d'après-midi à Paris.
«Ce n'est pas simplement idéologique, ce n'est pas simplement des discours qu'on prononce, des mots fétiches qu'on prononce, mais des actes, c'est-à-dire ouvrir des archives, identifier des lieux, chercher des disparus, entretenir des cimetières. Ce sont des choses qui sont très simples, très pratiques, très évidentes mais qui sont autant de contentieux, de problèmes très lourds entre la France et l'Algérie», a-t-il énuméré.
Pour l'historien, ce rapport - qui sera publié en mars sous forme de livre - est l'occasion d'une «concrétisation» du combat mémoriel qu'il mène depuis des décennies.
«Ce n'est pas un livre d'histoire comme j'ai pu en écrire, (...) c'est un livre de réflexion à partir de tout ce que j'ai pu accumuler comme travaux, comme archives, comme rencontres tout au long de ma vie, plus de 40 ans maintenant que je travaille sur l'histoire de l'Algérie, du Maghreb», a-t-il raconté.
«A l'âge que j'ai, 70 ans maintenant, (je voudrais) arriver dans une sorte de concrétisation de cette bataille pour la mémoire, de cette bataille pour la réconciliation des mémoires, de cette bataille pour la reconnaissance des uns par rapport aux autres, parce que c'est important, 60 ans après l'indépendance de l'Algérie», a conclu Benjamin Stora.