PARIS: Attention matière inflammable: les députés ouvrent lundi les débats en commission sur les 51 articles du projet de loi contre le séparatisme, un marqueur fort du quinquennat Macron qui, sur fond de lutte contre l'islamisme radical, touche à des sujets ultrasensibles.
A l'ombre d'une actualité écrasée par la crise sanitaire, le travail de cette commission ad hoc, pilotée par l'ex-président de l'Assemblée nationale et ancien ministre François de Rugy, s'est jusqu'ici déroulé dans un «climat très serein» selon plusieurs députés de la majorité, avec un programme très dense d'auditions. Le calme avant le gros temps?
Plus de 1 700 amendements ont été déposés sur ce projet de loi «confortant le respect des principes de la République» en commission toute la semaine, en prélude aux débats dans l'hémicycle à partir du 1er février.
Certains amendements promettent des échanges houleux, y compris au sein de la majorité. La députée Aurore Bergé a donné le ton en déposant un amendement visant à interdire le voile pour les petites filles, qui avait reçu le soutien de Marine Le Pen.
Mal accueillie en interne, la proposition de la députée des Yvelines a cependant été jugée irrecevable «car sans rapport direct légistique avec le projet de loi», a-t-elle affirmé dimanche soir avec son collègue Jean-Baptiste Moreau.
Le projet de loi est censé traduire le discours d'Emmanuel Macron le 2 octobre aux Mureaux, où le chef de l'Etat avait présenté sa stratégie pour lutter contre l'islam radical, longtemps attendue.
La décapitation du professeur Samuel Paty puis l'attentat dans une église à Nice n'ont fait que renforcer les attentes dans une France où les crispations relatives à la laïcité, les religions et en premier lieu l'islam, électrisent régulièrement le débat public.
Or le projet de loi bouscule aussi des piliers comme la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat ou les libertés d'association et d'enseignement, avec le risque d'effets secondaires.
«On a baissé la garde»
«Parmi les reproches qui nous sont faits, on nous dit que pour régler le problème des musulmans, on tape sur tout le monde. De l'autre côté, on nous accuse de stigmatiser l'islam sans arriver à le cacher», schématise un membre LREM de la commission. Reprenant l'antienne d'«En marche», il fait au contraire valoir «l'équilibre» d'un texte conçu comme un «objet politique».
La lutte contre le séparatisme répond à «une préoccupation réelle de nos concitoyens», appuie le «marcheur» du Val-d'Oise Guillaume Vuilletet. «Depuis plusieurs années, on a baissé la garde», ajoute ce porte-parole du groupe majoritaire sur ce texte.
Le projet de loi prévoit une batterie de mesures sur la neutralité du service public, la lutte contre la haine en ligne, l'instruction en famille, le contrôle renforcé des associations, une meilleure transparence des cultes et de leur financement, la lutte contre les certificats de virginité, la polygamie ou les mariages forcés, etc.
C'est un texte «de liberté et non de contrainte» qui «ne vise pas les religions en général, ni une religion en particulier», juge Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur qui porte le texte avec Marlène Schiappa et sera présent dans le «mini hémicycle» de la salle Lamartine la semaine prochaine.
«Inefficace», a jugé dimanche la cheffe du RN Marine Le Pen, affirmant qu'elle allait présenter «un contre-projet». La députée LR Annie Genevard estime elle que «sur le régalien, la majorité est tétanisée par les accusations d'amalgame alors que nous sommes dans une situation de grande urgence».
A contrario, LFI dénonce par la voix de son chef de file Jean-Luc Mélenchon une «loi de stigmatisation des musulmans».
«Chacun va vouloir faire du texte un marqueur politique», observe un député LREM. Y compris au sein de la majorité, où la cohésion sera mise à l'épreuve. Comme souvent sur les sujets régaliens.