PARIS: Après le démantèlement cette semaine en France d'un trafic d'armes « exceptionnel » mettant en cause des militaires, les enquêteurs doivent établir le cheminement précis de ces armes qui auraient été revendues à des trafiquants de drogue et des sympathisants de l'ultradroite.
Arrêtés mardi lors d'un coup de filet en région parisienne et dans le Sud et l'Est de la France, dix hommes âgés de 25 à 57 ans ont été mis en examen vendredi et samedi pour « acquisition, détention, cession et transport en réunion d'armes de catégories A et B », soit des armes de guerre et de poing, et « association de malfaiteurs ».
Ce réseau présumé compte deux militaires de 31 ans - l'un travaille au ministère français de la Défense, le second est affecté sur une base dans l'Est -, d'anciens militaires, des collectionneurs. Certains d'entre eux sont soupçonnés de graviter dans la « mouvance de l'ultradroite », selon l'accusation.
Le stock d'armes et de munitions saisi par les enquêteurs est « tout à fait exceptionnel », a considéré la représentante du ministère public samedi lors d'une audience devant un juge des libertés de la détention (JLD), qui a ordonné cinq placements en détention provisoire. Quatre autre suspects ont été incarcérés en attendant de passer devant un JLD et un dixième homme de 25 ans a été libéré sous contrôle judiciaire.
« Plusieurs tonnes d'armes et de munitions ont été saisies et une cache d'armes a été découverte lors des perquisitions », selon le journal Le Monde.
Certains des suspects sont soupçonnés d'avoir racheté auprès de collectionneurs privés des fusils d'assaut, des pistolets automatiques, des fusils mitrailleurs rendus inopérants, selon la chaîne de télévision TF1. « Cet arsenal était ensuite rendu à nouveau actif, remilitarisé, avant d'être revendu au marché noir aux plus offrants », avait affirmé la chaîne.
Connexions avec le crime organisé
Une information judiciaire, confiée à un magistrat instructeur de la juridiction interrégionale spécialisée de Paris, avait été ouverte le 25 juin 2020.
« C'est un dossier qui est allé relativement vite, les investigations ont permis de conforter les éléments d'un renseignement initial et d'élargir le cercle » pour aboutir sur « un trafic particulièrement actif d'armes », a précisé la magistrate du parquet.
« Des investigations poussées ont été menées avec des interceptions téléphoniques, des surveillances » pendant plusieurs mois, a-t-elle détaillé.
Des transactions ont été réalisées régulièrement, pendant plusieurs années, entre l'équipe et des collectionneurs ou des narcotrafiquants. « On sait comment peut se traduire la détention de telles armes pour le crime organisé », a ajouté la procureure.
Les armes saisies vont être analysées pour déterminer leur provenance et leur potentielle utilisation dans des crimes ou des délits. Les enquêteurs doivent également établir si un projet d'action violente était en cours avec ces armes.
« J'étais dans mon coin, à la campagne, je faisais ma collection d'armes, je ne réalisais pas que des armes finissaient dans les cités », a affirmé devant le JLD un des suspects, un trentenaire habitant dans le sud de la France, père de deux enfants.
Trois revolvers ont été saisis chez lui. D'après l'enquête, il était surtout intéressé par des « pistolets militaires ». Lui affirme avoir rompu tout contact avec les autres membres du réseau depuis trois ans.
« Quand les enquêteurs m'ont parlé de règlements de comptes, c'est là que j'ai pris conscience. Je leur ai dit où les armes étaient cachées, chez mon voisin », a expliqué un électricien travaillant au Luxembourg.
Au domicile de ce père de famille de 33 ans, cheveux châtain coupés ras et doigts tatoués, les enquêteurs ont trouvé des éléments « inquiétants » suggérant son appartenance à l'ultradroite.
L'un des militaires, né en Angola, « conteste toute participation à ce trafic d'armes et toute appartenance à la mouvance d'extrême droite », a indiqué son avocat, Me Yassine Yakouti.
« C'est un soldat décoré et extrêmement bien noté par sa hiérarchie », a-t-il ajouté.
Les mis en cause n'ont pas d'antécédents judiciaires, « ont des bases familiales solides, une situation professionnelle », selon la procureure.
« Sur le papier, c'est lisse, mais dans les faits, ce sont essentiellement des armes connues pour leur particulière dangerosité qui sont recherchées », a-t-elle rappelé.