BEYROUTH: Une crise financière frappe les hôpitaux libanais, dans le contexte de la pandémie du coronavirus et du bouleversement économique actuel du pays.
A partir de lundi, l'une des deux sociétés qui fournissent les hôpitaux en oxygène ne le livrera qu'en échange d'un paiement en espèces en dollars, devenus rares dans le pays. La pénurie d'oxyde nitreux, utilisé dans la production de gaz anesthésiant, constitue un autre problème auquel sont confrontés les hôpitaux libanais.
Le Dr. Sleiman Haroun, président du Syndicat des hôpitaux du Liban, a déclaré qu'il était impossible d'effectuer des opérations sans ce produit essentiel.
« Il y a 136 hôpitaux privés au Liban et ils ont à présent cessé de recevoir de nouveaux cas, sauf s'il s'agit de cas urgents subventionnés par la Banque centrale du Liban », a-t-il déclaré à Arab News.
Les importateurs de fournitures médicales sont en difficulté car la Banque centrale retarde l'approbation des transferts d'argent, ce qui entrave les paiements pour l'importation de fournitures médicales.
« Les paiements gouvernementaux des redevances aux hôpitaux privés ne sont pas effectués régulièrement, y compris les cotisations en livres libanaises du ministère de la Santé, du Fonds national de sécurité sociale et des fonds de santé militaires... Les paiements gouvernementaux sont même inférieurs à ce que nous devons payer aux importateurs de fournitures médicales, et ils sont basés sur le taux de change officiel de 1 507 livres libanaises pour 1 dollar », a-t-il affirmé.
Le gouvernement doit près de 1,3 milliard de dollars depuis 2011 aux hôpitaux privés, alors que ces établissements doivent 350 millions de dollars aux fournisseurs d’équipements médicaux au cours des deux dernières années.
L'incapacité à traiter les patients est par ailleurs incompatible avec les engagements du Liban en tant que pays membre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Selon Human Rights Watch, ce pacte stipule que les pays doivent garantir le droit de chaque individu aux meilleures normes de santé physique et mentale. Les États doivent adopter les mesures nécessaires à la pratique de soins médicaux, et empêcher toute « diminution de la qualité des services de santé », comme l’impossibilité des individus à obtenir des médicaments qui leur étaient accessibles auparavant.
L'économie libanaise a toujours reposé sur un flux régulier de dollars, et la Banque centrale a rattaché la livre libanaise à la monnaie américaine depuis 1997, selon un taux de change fixe de 1 507 livres libanaises.
Cependant, au cours de la dernière décennie, la quantité de dollars sur le marché libanais a régulièrement diminué en raison d'un recul de la croissance économique, d'une diminution des envois de fonds des expatriés et de la guerre en Syrie.
Au cours du second semestre 2019, avec la baisse de confiance dans l'économie libanaise, les principaux déposants ont retiré leur argent des banques, aggravant la crise financière du pays avec une pénurie croissante de dollars sur le marché.
Le secteur bancaire, en réponse aux manifestations de rue de l'année dernière, a restreint les transferts d'argent vers l'étranger. Il a également gelé les dépôts américains, exerçant une pression sur la livre libanaise qui a chuté à 5 200 livres au marché noir et à un taux officiel de 3 200 livres, après que la Banque centrale a commencé à approvisionner le marché en dollars américains.
Le Liban importe toutes ses fournitures médicales de l'étranger. Les hôpitaux effectuent leurs paiements en livres libanaises, tandis que les importateurs paient en dollars, selon le taux officiel fixe.
La Banque centrale a décidé de subventionner 85 % des paiements pour les équipements médicaux en dollars, tandis que les entreprises doivent fournir 15 % du paiement à partir de dollars frais achetés au taux de change du marché.
« La Banque centrale a décidé de classer l'oxyde nitreux comme produit industriel non éligible aux subventions, alors qu'il s'agit d'un produit médical par excellence, et qu'aucune chirurgie ne pourrait être pratiquée sans ce type d'anesthésie, a confié Haroun. De plus, les usines libanaises qui fabriquent de l'oxygène gazeux sont elles aussi subventionnées et ont besoin de pièces de rechange. Ces dernières doivent être importées de l'étranger au moyen d'argent « frais », ce qui augmente la pression sur les hôpitaux. Ces établissements ont donc tous pris des mesures d'austérité en fermant des départements et en licenciant des employés et du personnel. Si la situation continue comme cela sans aucune réaction de notre part, nous nous dirigeons vers une catastrophe médicale. »
M. Haroun craint également une fuite des cerveaux du Liban dans le domaine médical, si la crise hospitalière se poursuit.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com.