BEYROUTH: La livre libanaise a plongé jusqu’à atteindre mercredi un nouveau record minimum par rapport au dollar américain, les changeurs du marché noir défiant les tentatives officielles de soutenir la monnaie.
Le gouvernement et les bureaux de change légaux ont lancé, la semaine dernière, un système de tarification avec un taux progressivement réduit annoncé chaque jour, dans le but d'atteindre 3 200 livres pour un dollar.
Sous ce schéma, les bureaux de change ont fixé mercredi un prix d'achat de 3 890 livres pour un dollar, et un prix de vente de 3 940 livres. Les dollars à ce taux n'étaient toutefois pas disponibles et certains vendeurs sur le marché noir chiffraient jusqu'à 5 200 livres pour un dollar.
« Nous avons donné des instructions claires et fermes aux agences de sécurité, pour qu'elles soient plus sévères dans la lutte contre le chaos des prix », a déclaré le Premier ministre, Hassan Diab.
Les prix des denrées alimentaires s'envolent pour leur part et les fournisseurs ont indiqué qu'il était de plus en plus difficile de trouver suffisamment de dollars pour satisfaire les commandes. « Dans les semaines à venir, nous pourrions ne pas être en mesure d'honorer nos engagements envers nos fournisseurs », a affirmé Hani Bohsali, directeur général de Bohsali Foods, un important importateur de produits alimentaires.
Le chef du syndicat de change libanais, Mahmoud Murad, brièvement arrêté la semaine dernière pour manipulation de devises et finalement libéré sans inculpation, a déclaré à Arab News : « Ce qui se passe est surprenant et incompréhensible. Nous ne connaissons pas la raison de ce chaos. »
L'approvisionnement du Liban en dollars a également subi les conséquences d’une crise monétaire en Syrie, où les gens achètent des dollars pour se protéger contre l'inflation et se prémunir contre les effets des sanctions américaines imminentes.
Selon M. Murad, les taux de change du Liban et de la Syrie sont étroitement liés. « Ces taux sont jumeaux, a-t-il expliqué. Ce qui affecte la livre libanaise affecte la livre syrienne, et vice versa. Le taux de change du dollar en Syrie a soudainement grimpé à 3 500 livres avant de chuter de façon inattendue entre 2 600 et 2 700 livres. Nous ne savons pas pourquoi ». Et de s’interroger : « Quelqu'un a-t-il injecté des dollars américains sur le marché syrien pour provoquer cette baisse ? D'où viennent ces dollars ? C'est étrange. »
M. Murad a appelé à une répression des agents de change sur le marché noir. « Nous nous référons uniquement au taux de change quotidien du syndicat, et nous souhaitons que le marché noir soit combattu de la même manière que les émeutes de rue, ou nous fermerons nos commerces », a-t-il menacé.
La chute de la livre a provoqué des manifestations populaires, car la valeur du salaire mensuel minimum au Liban est passée de 450 à environ 100 dollars. Selon la Confédération générale des travailleurs libanais, « le système qui contrôle le pays commet un crime majeur en permettant un tel chaos dans le taux de change du dollar. Le chaos dans les prix des denrées alimentaires constitue quant à lui un autre crime. »
Dans ce contexte de crise, des dizaines de personnes ont manifesté dans le centre de Beyrouth mercredi, et des militants ont bloqué des routes à Tripoli et dans la Békaa.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com