Cessez-le-feu à Gaza: le vrai travail commence maintenant

La vague de soulagement qui déferle sur les Palestiniens depuis qu'Israël a mis fin à ses bombardements et à ses tueries est intense. (AFP)
La vague de soulagement qui déferle sur les Palestiniens depuis qu'Israël a mis fin à ses bombardements et à ses tueries est intense. (AFP)
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Publié le Mardi 21 janvier 2025

Cessez-le-feu à Gaza: le vrai travail commence maintenant

Cessez-le-feu à Gaza: le vrai travail commence maintenant
  • Rendre Gaza habitable nécessitera l'un des plus grands efforts internationaux jamais déployés
  • Les Nations unies estiment que Gaza compte 40 millions de tonnes de décombres et que ces montagnes de gravats sont infestées de munitions non explosées

Lorsque le président américain sortant Joe Biden a expliqué, la semaine dernière, que l'accord entre Israël et le Hamas était globalement identique à celui qu'il avait annoncé en mai dernier, il pensait promouvoir son propre rôle. En réalité, il s'agissait d'une mise en cause brutale de son propre échec, voire d'un aveu.

Ce que Biden confirmait, c'est que c'est bien son refus abject d'exercer la moindre pression sur le gouvernement israélien qui a fait qu'il a fallu sept mois de plus pour que cet accord soit enfin pris en compte. Plus de 10 000 Palestiniens ont été massacrés pendant cette période. Le nettoyage ethnique dans le nord de Gaza aurait pu être évité. Biden a réaffirmé sa complicité, qu'il a encore renforcée lorsqu'il a admis devant les caméras qu'il avait dit à Netanyahou en octobre 2023: «Vous ne pouvez pas balancer un tapis de bombes sur ces communautés.» Biden n'avait aucun scrupule à être le principal fournisseur d'armes d'un État qui bombardait des civils.

En revanche, Donald Trump a montré qu'en brandissant des menaces avant son retour à la Maison Blanche, Netanyahou n'aurait d'autre choix que de céder. Trump a clairement indiqué qu'un accord devait être conclu avant son investiture lundi. Beaucoup ont pensé que cela visait le Hamas, mais c'était aussi le cas pour Netanyahou. Trump n'a pas dévoilé un grand acte de magie diplomatique, mais il a mis les pieds dans le plat et Netanyahou a dû respecter ses souhaits. Ce que peu de gens comprennent, c'est que Biden est émotionnellement et par conviction pro-israélien, tandis que Trump n'est pro-israélien que dans la mesure où cela recoupe ses propres intérêts.

L'ultimatum de Trump est l'une des raisons pour lesquelles un accord a été conclu. La guerre a coûté cher à Israël, en termes de vies humaines, de dommages causés à son économie et à sa réputation mondiale. La pression de l'opinion publique pour faire sortir les derniers otages de Gaza était également en train d'atteindre Netanyahou.

Mais il ne s'agit pas d'un accord de cessez-le-feu. Il s'agit plutôt d'un échange d'otages avec la possibilité d'une pause temporaire. Les points de désaccord restent plus nombreux que les points d'accord, notamment en ce qui concerne la question de savoir qui gouvernera Gaza à moyen terme.

Pourtant, après des débuts modestes, d'autres pourraient suivre. La vague de soulagement qui déferle sur les Palestiniens lorsqu'Israël met fin à ses bombardements et à ses tueries est intense. Israéliens et Palestiniens ont été ravis de retrouver leurs proches.

Cela créera sa propre dynamique. Les dirigeants politiques peuvent hésiter à aller à contre-courant de l'opinion publique, qui souhaite manifestement que l'on mette fin à toute cette horreur. Seules les personnes les plus extrémistes souhaitent vraiment plonger à nouveau dans cet enfer, mais malheureusement elles existent. Des spoilers tenteront de faire échouer cet accord naissant.

Il ne s'agit pas d'un accord de cessez-le-feu. Il s'agit plutôt d'un échange d'otages avec la possibilité d'une pause temporaire.

                                                             Chris Doyle

La première phase pourrait être la plus facile. Elle prévoit la libération de 33 otages israéliens et d'environ 2 000 prisonniers palestiniens. Cette libération s'accompagnera d'une pause dans les hostilités. C'est au cours des deuxième et troisième phases que les fauteurs de troubles entreront en jeu. Selon les rumeurs, Netanyahou se serait engagé à ce qu'Israël reprenne ses opérations militaires à ce stade. Cela est conforme à ses propres déclarations antérieures.

Mais pour la première fois en 15 mois, l'espoir renaît. Il faut s'en réjouir et l'accueillir.

Les défis sont immenses. Rendre Gaza habitable nécessitera l'un des plus grands efforts internationaux jamais déployés. Les Nations unies estiment que Gaza compte 40 millions de tonnes de décombres et que ces montagnes de gravats sont infestées de munitions non explosées.

Comment l'aide humanitaire parviendra-t-elle à Gaza? Six cents camions par jour, comme le prévoit l'accord, ne suffiront pas face aux besoins colossaux. La communauté des donateurs doit faire pression sur Israël pour qu'il annule sa législation épouvantable qui interdira les opérations de l'Unrwa. Il est impossible de faire face à la crise humanitaire à Gaza sans l'Unrwa, qui n'est pas seulement le plus grand fournisseur d'aide humanitaire, mais aussi le plus grand fournisseur de services de santé et d'éducation.

Pourtant, les défis politiques sont tout aussi difficiles à relever. Qui dirigera Gaza? Le Hamas n'abandonnera pas le contrôle qu'il détient. Israël n'acceptera aucun rôle pour le groupe. Netanyahou déteste l'idée que l'Autorité palestinienne prenne le relais, car cela rapprocherait à nouveau la création d'un État palestinien. La réunification de la Cisjordanie et de Gaza serait un désastre stratégique pour la droite israélienne.

L'obligation de rendre des comptes reste primordiale, surtout pour s'assurer que ces atrocités ne se reproduisent plus jamais. Une véritable enquête internationale devrait être menée, en plus de celles menées par la Cour pénale internationale et la Cour internationale de justice.

Le véritable travail doit commencer maintenant. De nombreux acteurs internationaux, dont les États-Unis, ne pourront jamais expier leur complicité dans le génocide de Gaza, mais ils peuvent contribuer à faire en sorte que ce processus aboutisse non seulement à un véritable cessez-le-feu, mais aussi à une paix totale et définitive entre ces peuples. S'il existe une intention sérieuse d'obtenir une telle paix, les États-Unis devront bannir le projet de colonisation israélienne en Cisjordanie et enterrer tous les plans d'annexion. Si Trump y parvient, il méritera peut-être un prix Nobel de la paix.

Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding à Londres. 

X: @Doylech

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com